2 millions de personnes ont manifesté ce jeudi 19 janvier 2023 et 68% des Français.es sont opposés à la retraite à 64 ans, selon un sondage de l’Ifop pour le JDD. Des chiffres qui, dans un régime où la démocratie fonctionne normalement, suffiraient largement à faire reculer les décideurs. Mais dans notre contexte, l’expression du refus n’a aucun poids et les citoyen.nes en colère n’ont d’autres choix que d’engager un rapport de force. Or, comment le maintenir efficacement ? Voici 8 propositions d’actions pour affaiblir le gouvernement par le collectif QE, activistes anonymes.

Tribunes, grèves, pétitions, occupations, actions radicales de contestation : notre démocratie s’essouffle et s’épuise dans la lutte. Pendant ce temps, le gouvernement persiste dans son idéologie à ce point qu’il devient démocratiquement et socialement violent. Le caractère autoritaire du pouvoir en place est indéniable dès lors que le président s’autoproclame la légitimité de maintenir “sa détermination” à poursuivre sa réforme, autrement dit à redoubler d’hostilités envers “son” peuple, malgré le rejet populaire massif, l’évidente injustice du processus et les alternatives sérieuses et plus équitables à disposition. 

Tous les discours officiels prônant le “dialogue social” ou la prise de décisions “démocratiques” ne semblent plus que des outils rhétoriques à des fins – dans les faits – de contrôle, de soumission et de passage en force. Et ce, alors même que le macronisme a perdu sa majorité absolue à l’Assemblée Nationale suite à une “victoire” présidentielle sur fond de progrès de l’abstentionnisme et du fascisme. Face à un tel degré de déni envers la démocratie, tour d’horizon des approches -non exhaustives- de QE pour défendre ses droits :

#1 : “Grève générale reconductible jusqu’au retrait de la réforme”

Manifestation du 5 décembre 2019 (pour la défense des retraites) @Jeanne Menjoulet/Flickr

En autocratie, le ronronnement syndical est indispensable, mais ne suffit pas, ni même les mobilisations se chiffrant à plusieurs millions de manifestant.es. Selon Ouest-France, et sur la base des données d’Archives Presse, l’abandon de la réforme des retraites de 1995 s’est effectivement fait au prix de mobilisations atteignant également 2 millions de personnes à son pic.

Mais, depuis, les initiatives syndicales enchaînent les rassemblements qui, bien que massifs, se révèlent vains (plus de 1,5 millions de manifestant.es à leur apogée pour chacun des mouvements sociaux de 2003, 2010, 2019 et donc 2023). Un constat qui paraît évident mais qu’il est nécessaire de marteler dans une optique de renouvellement des luttes sociales. La démonstration de force est insuffisante, Frustration Magazine le confirme :

« Il faut passer de la démonstration de force au rapport de force »

En effet, la culture du nombre couplée de marches pacifistes arrange bien les élites qui n’ont plus qu’à laisser l’eau couler sous les ponts. En revanche, le rapport de force, consolidé de persévérance, cherchera le recul du gouvernement à tout prix quitte à paralyser le pays.

Cela n’est guère réjouissant ni souhaitable de sacrifier des jours de salaires, de l’énergie militante et ses risques de répression. Mais l’entêtement délétère du gouvernement est tel que nos droits doivent être défendus en profondeur, par “une paralysie de l’économie du pays, de ses transports, de ses services publics, pour une durée indéterminée », qui mettra réellement en grande difficulté les objectifs macronistes selon la rédaction de Frustration.

En somme, Frustration considère que nous avons besoin de « manifestations très régulières, un peu partout, imprévisibles, quelques préfectures envahies par la foule, des beaux quartiers flippés des hordes populaires, comme en décembre 2018 pour les Gilets jaunes”.

« Les Gilets Jaunes ». Photo prise le 29/12/2018. Crédit : Patrice CALATAYU (Flickr).

#2 : “Appel à rejoindre en masse la mobilisation des agriculteur.rices et transporteur.rices.”

Secteurs cruciaux pour l’économie du pays, l’agriculture et les transports sont tous deux indispensables au fonctionnement concret et vital d’un pays et de sa population. Mais les travailleur.euses sont surtout sujets à la pénibilité, la précarité et l’étouffement sous le poids de l’inflation.

Ils et elles sont les premières victimes notamment de l’augmentation du prix du gasoil, des pertes de rendement liées à la crise climatique et aux projets industriels polluants, et tout simplement du mépris de classe de la part des décideurs politiques.

La solidarité avec ces secteurs de l’ombre est indispensable : une population oubliée, écrasée et éloignée des zones urbaines et de leur influence avantageuse dans l’espace public. Les rejoindre dans la lutte peut-être une solution pour grossir leurs rangs, ou les soutenir indirectement via des pancartes, banderoles, messages, représentant une pierre de plus à l’édifice de notre cohésion citoyenne.

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#3 : “Convergence des luttes et des organisations militantes sociales-écologistes”

Si les médias de masse jouent sur la décrédibilisation des jeunes dans leur combat contre la réforme des retraites, celleux-ci (lycéen.nes, écologistes notamment) ont pourtant ouvert la voie dans cet esprit de front commun et de consensus anti-casse sociale promue par le macronisme, en apportant un soutien significatif lors de cette première journée de mobilisation. 

La convergence des luttes sociale et écologiste intergénérationnelles est primordiale pour contredire la division des populations qui sied tant aux dirigeants. En effet, les privilégiés de nos modèles de société contemporains comptent, afin de maintenir leur statu quo, sur plusieurs facteurs de rupture entre les groupes de personnes :

D’abord, via la promulgation culturelle et permanente des intérêts individualistes laissant croire que notre confort durement acquis – quand c’est au moins le cas – pourrait être davantage menacé par les activistes qui défendent nos droits que par la nature même du système toxique dans lequel nous survivons depuis trop longtemps. D’autre part, à travers l’alimentation médiatique et politique de toute forme de haine envers les minorités et les opprimé.es du système en laissant croire que les plus précaires, tandis qu’ils tentent de regagner une dignité, usurperaient l’ordre méritocratique, pourtant lui-même asphyxiant et écrasant pour notre majorité.

Et enfin, en prétendant que les jeunes générations seraient un fléau pour l’avenir alors qu’une grand partie d’entre elles sont contraintes de se battre dès le plus jeune âge pour ce même avenir et s’y engagent volontiers, non sans espoir d’être bien plus soutenues par leurs aîné.es dans cette lutte anxiogène.

Autrement dit : il est urgent de se soutenir dans notre élan citoyen pour nos droits présents ou à venir, avec bienveillance et indulgence, du moment que nous sommes sincères et dénués de desseins discriminatoires ou inhumains faisant le jeu de la fracture populaire.

 

#4 : “Blocage des lycées, des universités, des ports, des dépôts de kérosène (pour les avions), des raffineries, des aéroports.”

Une manière plus efficace de bloquer le pays que les marches gentilles et pacifiques, ce sont les blocages de lieux stratégiques, tels que les établissements de l’éducation nationale, mais aussi ces lieux qui sont à la source à la fois des plus grandes pollutions et des plus grands profits.

Par exemple, TotalEnergies a réalisé un bénéfice de 6,6 milliards de dollars au troisième trimestre de l’année 2022, en pleine crise de l’énergie payée à la pompe par les citoyen.nes (notamment ces travailleur.ses qui n’ont d’autres options que de prendre la voiture pour se rendre au travail, ou encore ces livreur.euses “indépendants” qui utilisent leur propre véhicule comme outil de travail). 

Crédits : Laurent Vincenti, Wikicommuns.

#5 : “Actions militantes radicales et solidaires.”

QE a imaginé plusieurs actions militantes qui redistribueraient droits, libertés et richesses aux citoyen.nes : “coupures d’électricité des ministères et redistribution de ce même courant gratuitement aux plus démuni.es, squatte par les associations de bureaux non-occupés pour loger les sans-abris, retraits massifs de liquidités des banques puis destruction des distributeurs vides, création de lieux de vies (ZAD) autour des lieux de pouvoirs ou institutions (ministères, préfectures, mairies,…), organisation d’Assemblées Générales…”.

Une liste non exhaustive d’idées afin de créer un rapport de force avec le pouvoir tout en apportant des solutions immédiates aux personnes les plus vulnérables, et en imaginant des modes de fonctionnement sociétaux plus désirables, sobres, démocratiques et égalitaires. La CGT Energies a ainsi fait un premier pas en coupant l’électricité de la permanence d’une députée Renaissance favorable à la réforme.

 

#6 : “Manifestations tous les 5 jours.”

Alors que les organisations syndicales appellent à une nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier, soit 12 jours après le premier acte, QE viserait d’augmenter la fréquence des manifs et les accompagner d’une plus grande part d’imprévisibilité et de spontanéité. Nous avons désormais un modèle qui a su faire trembler le pouvoir à peine 4 ans plus tôt : les Gilets Jaunes. Il serait dommage de ne pas nous inspirer de cette détermination populaire à reprendre le pouvoir, dont la fréquence hebdomadaire ne laissait pas le temps aux gouvernant.es de respirer. Une fréquence qui peut également s’avérer décourageante pour les forces de l’ordre.

Manifestion des Gilets Jaunes, photo prise le 19/01/2019. Crédit : Patrice CALATAYU (Flickr).

#7 : “Ajout et/ou Modification du tracé des manifestations, plus proche des lieux de prise de décision et de pouvoir (sièges des multinationales inclus).”

Lors de la mobilisation des Gilets Jaunes du 7 janvier 2023, le tracé a été déclaré en préfecture. La marche était nassée tout du long par policiers et CRS : un constat de peur de la part du gouvernement qui cherche à contrôler et épuiser les manifestant.es devant se tenir sage. Suivre un tracé loin des lieux de pouvoir, c’est se résoudre au désamorçage d’une possible explosion révolutionnaire. Or, la colère est bien présente, et ce sont bien les détenteurs du pouvoir politique et économique qui sont censés l’entendre et la ressentir.

#8 : “Communication, organisation et solidarité entre les différents profils militants non-violents et non-pacifiques.”

« Mouvement contre la réforme des retraites, manifestation du samedi 16 octobre 2010. Photo : Sébastien/AL Paris nord-est » – Alternative Libertaire (Flickr)

Comme annoncé dans son appel à unir les fronts de luttes, QE invite les militant.es optant pour diverses stratégies à s’unir, et à accueillir notamment une part de montée en radicalité, en réponse à la violence sociale politiquement organisée. D’autant que cette diversité est déroutante pour les forces de l’ordre, autrement dit du maintien du chaos social ; un phénomène que l’on commence à apercevoir nettement, notamment lors des mobilisations contre les Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII) ou encore des occupations à l’initiative des zadistes.

Pour QE, il s’agit de prendre acte de la violence et la répression policière inouïes en manifestations en osant “se défendre ». Pour rappel, les Gilets Jaunes ce sont 2500 blessés côté manifestant.es, 24 éborgné.es et 5 mains arrachés, touchant activistes comme passants ou journalistes, selon le bilan d’Amnesty International. Plus récemment, lors de la grève du 19 janvier, AB7 Média a révélé des images d’un policier matraquant un photographe espagnol à terre ; ce dernier a dû être amputé d’un testicule.

Sans prétention à l’expertise stratégique idéale, le collectif anonyme QE invite avant tout à l’écoute, la communication et l’unité entre militant.es. Ces propositions, prises en concertation par le collectif d’activistes, ont pour objectif d’apporter des solutions aux manifestant.es afin de remporter un rapport de force indispensable pour nos droits collectifs. En faisant la sourde oreille, le gouvernement est responsable d’une faillite démocratique et de la colère sociale qui gronde. QE n’invente rien, ces stratégies existent et ont déjà été mises en place par le passé, elles n’attendent en fin de compte qu’une incarnation, voire une complémentarité créative et fertile de la part de chacun.e. Désormais démontrée par le nombre, la résistance populaire reste à prouver dans sa durée, sa fréquence et sa justesse stratégique.

QE & Fsociété


Photo de couverture : Manifestation du 16 octobre 2010, Marseille, réforme des retraites @marcovdz/Flickr

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