Combien de fois faudra-t-il échouer pour obtenir gain de cause ? Que ce soit dans le milieu politique, militant ou jusque dans la profondeur du quotidien des citoyen.nes, les dominant.es ne se gênent pas pour nous intimider, nous diviser, nous isoler, nous écraser.  L’union est pourtant la dopamine du militantisme, à la fois motivante et rassurante, si tant est que nous la proposons aux marginalisé.es plutôt qu’aux embourgeoisé.es. Nous avons décidé aujourd’hui de relayer un appel à la coopération entre militant.es révolutionnaires et activistes non-violent.es. Un appel à leur complémentarité vitale.

Les injonctions des dominants à mener une lutte « propre » et « pure », couplées de répression scellent notre avenir dans l’apathie mortifère, l’impuissance épuisante et la quintessence de l’obéissance.

On pourra dire qu’on a essayé… chacun de notre côté ? On aurait aussi pu s’unir, sinon, avec Jadot et Hidalgo, pour obtenir un capitalisme vaguement allégé d’injustices à gogo. La bourgeoisie a quand même ce don de salir tous les jolis mots : l’écologie devenue greenwashing, la sobriété devenue précarité, l’union devenue soumission.

Mais au-delà du défaitisme et des compromis, il est encore possible de réunir des fronts qui luttent pour une véritable écologie de fond et radicale, selon différentes approches : autour de leur complémentarité. Appel décisif à s’entraider.

18 septembre 2021 – Manifestation pour la défense des Jardins d’Aubervilliers – Aubervilliers @JulienGate/Flickr

La vie c’est pas un film Kho

Si les films hollywoodiens pêchent de réalisme et idéalisent le réel d’un romantisme évident, ils ont aussi de quoi nous inspirer : combien de fois avez-vous naïvement condamné à mort le.la héros.ïne d’un blockbuster, isolé.e, fusil sur la tempe, au milieu de malfrats cagoulés ? Et pourtant…

En somme, nous sommes en plein dans les péripéties de l’effondrement climatique. Et paradoxalement, plus la situation devient stressante, urgente, désespérante, plus nous nous rapprochons d’un renversement de situation et de la résolution de l’obstacle devenu insurmontable. 

  • Situation initiale : l’être humain s’affirme en tant qu’être social, optimise sa survie en s’associant, améliore son espérance de vie et son confort.
  • Événement perturbateur : par sa logique dominatrice, l’être humain désocialisé et désolidarisé se réalise dans le libre marché, compromettant sa survie.
  • Péripétie : les valeurs d’empathie, d’entraide et d’insoumission résistent dans la société et tentent de renverser les classes dominantes formatées pour nous écraser ; le Chili, l’Iran,… comme autant de dominos ?
  • La résolution : la révolution globalisée.

Mais « la vie c’est pas un film kho » (S-Crew), l’histoire n’a pas de fin (de telos) et l’homme providentiel n’existe pas. Cela dit, et sans idolâtrer la créature humaine, notre cerveau a des pouvoirs insoupçonnés. Un seul être ne sauvera pas l’humanité, un collectif le peut.

En puisant dans un optimiste néanmoins rationnel, la prophétie autoréalisatrice pourrait se mettre à notre avantage cette fois-ci. 

Manif paris retraite 19-10-10 @Bertrand (Flickr)

Présentation de QE, militant.es révolté.es

Un groupe de militantes et militants apartisan.es, mais profondément politisé.es appelle à l’union, à la communication inter-luttes et hors du cadre strictement politicien. La stratégie du moindre capitalisme n’est pas tellement la tasse de thé de ces militant.es, mais ils et elles sont déterminé.es à faire bouger les lignes du militantisme. Présentation de QE (nom choisi pour l’occasion, anonyme).

Sans tomber dans le “tous pourris”, QE met un point d’honneur à agir en dehors de tout échiquier politique, considéré comme “un mythe idéologique, une utopie ratée, dangereuse et soumise au système économique.” Hors de question pour autant de se quereller sur le sujet de l’abstention, l’objectif de QE c’est l’union militante ; celle des vrais gens qui n’ont pas besoin d’enfiler le costard pour s’exprimer et se politiser. Surtout, ce qu’iels défendent et combattent ont de quoi nous rassembler : 

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“Nous défendons le vivant dans son ensemble et son système Terre. Terre où l’humain saurait être un moindre mal pour le super organisme qu’est sa planète et dont il fait partie au même titre que toutes les espèces Terriennes.” Iels défendent aussi “les minorités opprimées depuis des siècles, la liberté d’expression, la libre circulation des humain.e.s, le droit à la vie privée et à une information indépendante et sourcée.” Iels défendent enfin un autre type d’organisation de la société, où règneraient l’équité, l’autogestion et l’anarchie face aux systèmes oligarchiques actuels”. 

Mais il ne suffit pas de défendre des valeurs quand nos régimes usent de violences à la moindre contestation du pouvoir, les offensives oligarchiques sont rudes, puissantes, formatées et équipées. Des combats sont donc à mener face au “capitalisme, au fascisme, aux régimes totalitaires et à toutes formes de domination” selon les militant.es de QE. Celles et ceux-ci s’opposent “aux inégalités et discriminations de toutes formes envers les minorités et groupes marginalisés” ou encore à “la liberté de détruire notre environnement”. Iels combattent “les élites politiques techno-optimistes et anthropocentrées, les complexes militaro-industriels et agroalimentaires écocidaires”. Iels combattent, enfin, “l’accaparement des richesses et toutes formes de néo-colonialisme”.

 

Un appel à la coopération militante

« Manif contre le projet de « réforme » des retraites du 17 décembre 2019″. Crédit : Jeanne Menjoulet

En ces temps d’inflation, de 49.3 à la mitraillette et de grignotage de nos retraites, un doux parfum de révolte sociale se fait sentir. Chaque fois un peu plus qu’hier, il s’agit de prendre le coche, de s’organiser et de coopérer.

Maintes fois réclamée ces dernières années, l’interdépendance des luttes se heurte régulièrement aux désaccords tantôt stratégiques tantôt idéologiques. Mais QE a bien une idée des couleurs des organisations militantes qu’il souhaite voir converger : “écologiste, féministe, antiraciste, anticapitaliste, anarchiste, anti-tech, animaliste” conjointement à ces rares femmes et hommes politiques qui feraient preuve de “dignité et d’humanité” plutôt que “d’aliénation et de fausse naïveté”.

Cela dit, la question de la convergence se pose aussi d’un point de vue stratégique, dans un paysage des mouvements sociaux où non-violent.es et révolutionnaires/radicaux.ales ont chacun.es coutume d’agir isolément, QE se veut on ne peut plus clair sur la nécessité de s’écouter : 

“Il est temps d’être raisonnablement lucide sur la situation militante en France,

à l’heure des querelles inter-luttes entre dénonciations mutuelles des différents modes de luttes, jugements de valeurs sur la pertinence et l’efficacité des actions que mènent les un.e.s et les autres,

il nous semble nécessaire et raisonnable d’instaurer un dialogue sincère, franc, bienveillant et motivé par la simple survie, le progrès humain et la chute d’un système industriel et socio-économique criminel qui a montré ses travers et ses limites.”

Pour le collectif militant, l’interconnexion prévaut sur les querelles méthodiques. Au contraire, non-violent.es et non-pacifiques sont complémentaires et gagneraient à s’organiser ensemble : “nous pensons que les divergences sont fécondes dès lors qu’elles peuvent s’exprimer dans un cadre serein, pour ce faire il nous semble vital de précipiter l’effondrement de nos systèmes socio-économiques déclarent les militant.es QE.

Un constat, mais surtout une orientation, qui fait écho au média des luttes sociales et écologiques Peuple Révolté, lorsque ce dernier répond à un retour des Gilets Jaunes par un “oui mais avec une ligne politique claire, pas de mouvement social sans convergence anticapitaliste, antifasciste, antiraciste, féministe, écologique.

D’ailleurs, les drapeaux antifas ont afflué vers Bercy lors de la manif du retour des Gilets Jaunes ce samedi 7 janvier 2023 ; ne manquant pas d’offusquer les militant.es d’extrême droite.

Les drapeaux Antifa et palestiniens étaient présents en nombre lors de la manif Gilets Jaunes du 7 janvier 2023 (photo datant d’une manif de 2017). Crédit : doubichlou14 (Flickr)

Dépasser la sphère strictement militante 

La lutte sociale ne peut se satisfaire de quelques coups d’éclat et d’alliances ponctuelles. Pour se réaliser et devenir une révolution permanente, elle doit s’insérer dans le quotidien des citoyen.nes, jusqu’à en devenir un fait social total : une culture de l’horizontalité qui ne laisserait aucune place à la soif de pouvoir et de domination

Dans son appel, QE invite chaque corps de métier à se mobiliser, notamment les scientifiques qui “constatent la catastrophe climatique systémique et sanitaire”, mais aussi les artistes appelé.es à “prendre position clairement sur les questions sociales et écologiques”. Alors que les hackers.euses sont appelé.es à saisir l’opportunité de mettre hors ligne un système financier injuste et prédateur”, à s’attaquer à la cybersurveillance qui met en péril nos libertés, mais encore à “éduquer les militant.es sur les questions de sécurité de la vie privée numérique.”

De plus, les lanceurs.euses d’alerte semblent avoir un rôle de premier plan à jouer. Tout un chacun peut être amené.e à être témoin ou en possession de documents relevant d’une situation de corruption, de criminalité ou d’abus de la part de grands groupes, régimes ou personnes hautes placées. QE résume :

Nous appelons à une unité et une coopération entre celleux qui pensent les alternatives de demain, celleux qui communiquent pacifiquement sur les réalités politiques, économiques, sociales et écologiques, celleux qui manifestent, bloquent ou s’engagent dans des actions directes non-violentes, celleux qui sabotent ou qui choisissent des modes d’action plus « violents ».

Il est nécessaire de ne surtout pas se juger, se montrer du doigt, ni se désolidariser les un.e.s les autres.

Extinction de la biodiversité = extinction de l’être humain

Comment peut-on faire accepter la notion d’urgence ? Alors que nos agissements actuels, dans le cas de la crise écologique, ont des conséquences complexes en termes de corrélations des évènements, et a posteriori. Une urgence datant déjà de plusieurs décennies, bien que martelée continuellement, perd de son essence révoltante au gré des inactions et du climatoscepticisme d’Etat, mais aussi de notre impuissance face à ce dernier.

Certain.es critiqueront l’échec des mouvements climats, mais nous pouvons surtout observer une adaptation par la montée en puissance de la radicalité écologiste, en passant des manifs à la désobéissance civile, puis au sabotage. A ce titre, les appels et initiatives du collectif des Soulèvements de la Terre semblent appropriés à la situation. 

QE, à l’instar de rares journalistes engagé.es sur les questions écologiques, rappelle que nous avons déjà dépassé 6 des 9 limites planétaires, plongeant la survie de l’humanité dans une insécurité croissante.

Dans une vidéo décryptage de Blast (“Sauver le climat ne suffira pas à sauver l’humanité”, ci-dessous), Paloma Moritz rappelle que ce sont les habitant.es (humain.es et non humain.es) et non l’habitat (la Terre) qui sont en danger d’extinction. Elle alerte également sur le fait que nous ne parlons pas assez de l’existence de ces limites, croyant que la crise écologique n’est liée qu’au changement climatique. Il existe pourtant 8 autres limites, dont celle liée à l’effondrement de la biodiversité, ayant déjà des conséquences nocives sur notre santé et nos conditions de vie.

Notre système repose sur la domination paroxysmique de notre environnement. En d’autres termes, l’activité humaine se comporte de manière criminelle contre la biodiversité, celle-ci même dont nous dépendons pour survivre.

Les Soulèvements de la Terre, exemple à suivre

Face à ces actions criminelles et à l’inaction -tout aussi criminelle- des décideurs politiques, la lutte écologiste se voit contrainte d’élever chaque fois un cran plus haut son niveau de radicalité. Dans un tel contexte, combattre radicalement les projets écocidaires est notre dernier recours pour sauver l’humanité. Attaquer celleux qui nous détruisent est un acte de légitime défense.

Les Soulèvements de la Terre l’affirment : il ne nous reste aujourd’hui plus d’autre voie que de mettre toutes nos forces dans la bataille pour enrayer le désastre en cours, et abattre le système économique dévorant qui l’engendre.”  

Ces activistes écologistes agissent dans la continuité du mouvement climat. Non seulement iels appellent à des actions locales de sabotage, mais créent aussi des liens entre activistes, zadistes et paysans par des actions concrètes de terrain, aux endroits même où les petits producteurs subissent de plein fouet la folie agro-industrielle et son expansion.

Dans un article de Socialter, plusieurs activistes témoignent d’une connexion à la fois entre différentes classes sociales (étant donné l’inclusion difficile – jusqu’ici – des classes populaires dans les actions classiques de désobéissance civile au sein des grandes villes) mais aussi entre formes d’actions : les activistes d’Extinction Rebellion apportent leur méthodologie pendant qu’une colère plus spontanée d’autres manifestant.es s’exprime par de la casse matérielle, explique la porte-parole de Youth for Climate Léna Lazare. Il semblerait, qui plus est, que la diversité des méthodes surprenne et désoriente les forces de l’ordre. 

En outre, ces actions concrètes permettent d’orienter les regards vers l’application concrète de la destruction de l’environnement, et par la même occasion d’éduquer la population sur ces préoccupations. Par exemple, le combat anti-bassines conjointement mené avec le collectif Bassines non merci, met en lumière ces aberrations écologiques qui retiennent d’immenses quantités d’eau en hiver pour ensuite alimenter en été de grandes cultures intensives (source : Socialter, op cit.).

Pour information, cet appel du collectif anonyme QE a été transmis au média Fsociété qui a accepté de le relayer, concordant sur la nécessité d’une coopération militante dans la lutte sociale et climatique. Vous trouverez l’intégralité de cet appel dans un lien annexe. Ainsi conclut QE : 

Les problèmes sont identifiés, tout comme les élites qui empêchent leur résolution ou en font mine de les résoudre. Nous pensons que l’interconnexion de nos modes de luttes est un des piliers pour penser un avenir plus raisonnable et responsable. […] L’ancien monde se meurt et souffre, son mal est incurable, rendons lui sa dignité en l’aidant à rendre son dernier souffle.

QE via Fsociété


Crédit photo de couverture : Truthout.org/Flickr

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