De plus en plus de citoyens à travers le monde prennent conscience de l’importance des enjeux environnementaux. Régulièrement, des sondages placent cette préoccupation comme la première des Français. Pour prendre en compte cette donnée, les virtuoses du marketing n’hésitent pas à tromper leur public en utilisant l’argument écologique pour embellir leur image.

Les champions du greenwashing – en français éco-blanchiment – sont bien évidemment les entreprises qui causent le plus de dommages à la planète. Pour redorer leur blason, certaines sont prêtes à tout, y compris aux manipulations les plus malhonnêtes.

#1 : L’arbre pour cacher la forêt

Une méthode simple d’éco-blanchiment consiste à détourner l’attention des clients. On va ainsi mettre en place de petites actions écologiques, ou pseudo-écologiques, et faire d’énormes campagnes de communication à leur propos. Pour autant, les instigateurs de ces démarches ne cesseront absolument pas par ailleurs leurs agissements nuisibles.

L’un des exemples les plus récurrents dans ce domaine est la plantation d’arbres. Un nombre incommensurable d’entreprises se vante en effet de reboiser pour compenser leur empreinte climatique. C’est le cas de firmes comme Total Énergies. Et si ce genre d’initiative n’est bien sûr pas suffisant, il peut même être contre-productif, comme l’explique Valentine Delattre sur sa chaîne « science de comptoir ».

Plus grossièrement encore, certaines entreprises ne se donnent même pas la peine de mener de véritables actions, mais se contentent de signer des chèques pour associer leur image à la défense de la planète. On a ainsi récemment vu Coca-Cola sponsoriser la COP27. Un comble lorsque l’on sait qu’il est l’un des plus gros pollueurs au monde au niveau du plastique.

Généralement, si une société a globalement un très mauvais bilan environnemental, il faut de toute façon se dire qu’il y a de très fortes probabilités pour que les gestes écologiques qu’elle met en avant ne soient que du greenwashing.

#2 : Le mensonge pur et simple

Pour arriver à leur fin, certains n’hésitent pas à pousser jusqu’au mensonge pur et simple. On se souvient, par exemple, de Monsanto qui, dans les années 90, diffusait des publicités à la télévision, décrivant le roundup comme biodégradable et non polluant.

Des affirmations bien évidemment mises en cause depuis cette époque puisque le glyphosate est un cancérigène probable qui aurait des conséquences néfastes sur la faune, la flore et les sols. La firme avait d’ailleurs été condamnée pour publicité mensongère… à 15 000€ d’amende. 

En politique, mentir sur son intérêt pour l’environnement est devenu un sport international. La France est particulièrement bien lotie puisqu’elle a pour président un véritable champion dans le domaine. On se souvient ainsi qu’Emmanuel Macron avait promis d’interdire le glyphosate dès 2021, ce qui n’est toujours pas fait. Toute honte bue, le chef de l’état avait même poussé le bouchon jusqu’à affirmer qu’il « n’existe pas de lobby en France, seulement des Français et des Françaises. » Dans une lettre aux Français, lors de la dernière campagne présidentielle, il assurait également que l’hexagone avait « réduit sa dépendance aux énergies fossiles ». Dans la réalité, la France est l’unique pays de toute l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables.

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Enfin, la convention citoyenne pour le climat restera sans doute comme la plus belle opération de greenwashing de la décennie. Le fondateur de Renaissance avait en effet promis de reprendre « sans filtre » les propositions écologistes d’une assemblée de Français tirés au sort. Après des mois de travail, la majorité du projet a pourtant terminé aux oubliettes.

#3 : Un bon coup de peinture

Le moyen le plus simple, mais aussi le plus grossier pour se donner une image écologiste est peut-être sans doute de se repeindre en vert. Littéralement. Et pour cause, cette couleur est aujourd’hui largement associée à la sauvegarde de la planète.

Dans cette optique, bon nombre d’entreprises, souvent jugées très négativement, n’ont pas hésité à verdir leur emblème ou l’emballage de leurs produits. On peut par exemple songer à McDonald’s qui a fait passer son logo du rouge au vert.

Dans les supermarchés, on ne compte plus non plus les marques qui agrémentent leurs marchandises d’arbres, d’herbe ou de fleurs ou simplement de la couleur verte. De la même façon, les escrocs de l’environnement font tout bonnement usage d’un champ lexical destiné à tromper le consommateur : naturel, bio, éco, écologique, vert, durable, etc.

Le problème c’est que ces mots ne correspondent pas toujours à la réalité du produit, d’autant plus s’ils ne sont rattachés à aucun label contrôlé. D’autres regroupent des concepts creux ou vagues qui ne changent pas grand-chose sur le fond. Malgré tout, ces tactiques peuvent avoir un effet conscient ou inconscient sur votre cerveau et vous inciter à acheter.

#4 : Les labels bidons

Bon nombre d’entreprises s’appuient également sur des labels soi-disant écologiques pour prouver que leur production est « durable » et s’effectue dans le respect de l’environnement. L’un des cas les plus connus à ce sujet est celui de Ferrero, fabricant du Nutella.

Décriée pour ses politiques de déforestations et son impact considérable sur les populations d’orangs-outans, la compagnie italienne assure pourtant que son huile de palme serait « 100 % durable ». Pour étayer son propos, la société se repose sur le label RSPO qui garantirait cette qualité. Le soutien de l’ONG environnementale WWF sur ce sujet a même fait beaucoup de bruit en 2020. Certains médias avaient alors relayé l’information : le Nutella serait presque devenu un produit vertueux !

Pour autant, WWF a très souvent été pointé du doigt pour ses liens avec l’industrie. On se souvient d’ailleurs que son ex-président français, Pascal Canfin avait quitté la tête de l’organisation pour rejoindre le mouvement, très peu concerné par la planète, d’Emmanuel Macron. De là à penser que la plus puissante ONG écologiste du monde aurait perdu un peu de son âme, il n’y a qu’un pas.

Dans ce cas présent, le label mis en avant par Nutella et ses partisans est extrêmement contesté.

En outre, les défenseurs de la forêt indonésienne avancent le fait que « l’huile de palme durable est un mythe ».

#5 : Le principe même de « croissance verte »

Selon certains, le développement durable serait l’aboutissement le plus total du greenwashing. Avancée par beaucoup d’entreprises et de politiciens libéraux comme une issue à la crise environnementale, la « croissance verte » permettrait de continuer à grossir tout en respectant les limites de la planète.

Il existe pourtant une contradiction inhérente à cette réflexion. Si les ressources terrestres ne sont pas sans fin, il est alors impossible de poursuivre indéfiniment l’expansion de l’activité industrielle. Le militant américain Derrick Jensen fait ainsi remarquer qu’en se « développant » l’être humain est forcément amené à détruire une partie de la nature.

Vouloir croitre indéfiniment dans un monde fini relève donc de l’absurdité la plus totale. Et pourtant, les capitalistes ne cessent glorifier l’idée de la croissance verte. Et pour cause, ce concept permet de promettre aux gens que l’environnement est sauvé tout en ne changeant absolument rien à leur mode de vie.

Une pensée certes très confortable, mais pour le moins fantaisiste. C’est également dans cette optique que « l’évolution technologique » est régulièrement mise en avant pour lutter contre les bouleversements climatiques. C’est avec cette idée que l’on promeut la voiture électrique pour remplacer les modèles thermiques. Celle-ci pose pourtant de réels problèmes écologiques et évite surtout de questionner notre rapport à la mobilité.

Comme le souligne l’astrophysicien Aurélien Barrau, même si nous disposions d’une énergie entièrement propre en termes d’émission de gaz à effet de serre, il y a fort à parier que nous l’utiliserions pour détruire la planète. C’est d’ailleurs dans ce sens que va la théorie formulée par William Jevons à la fin du 19e siècle : plus une énergie est maîtrisée, plus elle est consommée.

En politique, le mythe de la croissance verte est très prisé des adeptes du greenwashing. On la retrouve très traditionnellement dans les partis de droite et d’extrême droite qui n’ont fondamentalement pas grand-chose à faire de l’environnement, mais qui veulent séduire un nouvel électorat. De manière plus surprenante, on peut aussi la rencontrer dans des mouvements écologistes et de gauche. Ce fut le cas par exemple avec Yannick Jadot qui s’est toujours refusé à rompre franchement avec notre système actuel. Dans un autre style, le PCF de Fabien Roussel a lui bien du mal à se délester du logiciel productiviste.

Une chose est certaine, l’éco-blanchiment semble de moins en moins fonctionner sur les gens, en particulier au sein des plus jeunes générations. Un sondage récent indiquait ainsi que 75 % des Français se méfiaient des « entreprises engagées » en matière d’environnement. Par ailleurs, aux présidentielles, c’est bien la ligne de rupture de Mélenchon qui a triomphé sur celles de Roussel, Jadot et Hidalgo. Une preuve que les mentalités sont réellement en train d’évoluer ?

– Simon Verdière


Photo de couverture : Brian Yurasits sur Unsplash

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