Depuis 1948, les autorités israéliennes ont détenu environ 1 million de Palestiniens – et plus de 650 000 depuis 1967. Ces arrestations interviennent souvent pour des motifs politiques, parfois sans procès équitable, ce qui constitue une violation du droit international et exerce une pression considérable sur la population locale..

Si les médias couvrent largement les conflits armés en Palestine, le rôle du système carcéral israélien comme instrument de domination colonial israélien reste moins documenté. Or, ce système carcéral, dénoncé par de nombreuses ONG, bafoue le droit international à plus d’un titre, notamment par son absence de justice. Plongée dans un outil politique contre lequel la résistance s’organise.

Un système d’incarcération massif et institutionnalisé

En Palestine, une majorité d’habitants ne se demande pas si elle va être arrêtée un jour, mais plutôt quand. D’après les estimations, près de 40 % des hommes palestiniens ont déjà été mis derrière les barreaux.

Ces arrestations sont souvent arbitraires et disproportionnées. Les personnes détenues disposent de peu ou pas de recours juridiques et peuvent se retrouver incarcérées sans inculpation formelle, dans des conditions qui rappellent parfois l’absurde du roman Le Procès de Kafka.

Il convient de souligner que, lorsque les Palestiniens sont jugés – ce qui n’est pas systématique – ils passent devant un tribunal militaire, alors que les Israéliens accusés du même chef d’inculpation sont jugés par un tribunal civil.

Des conditions de détentions inhumaines

Mais l’histoire ne s’arrête pas là, puisqu’une fois derrière les barreaux, les détenus subissent des traitements inhumains destinés à les briser physiquement et psychologiquement.

Comme le raconte Blast, certaines d’entre elles sont situées sous terre, sans fenêtre, sans même la place pour s’allonger et privant les prisonniers de tout contact social. Les geôliers n’hésitent d’ailleurs pas à diffuser des sons perçants toute la journée pour empêcher le sommeil et rendre fou. Et ce sort a souvent été réservé à des individus de manière complètement arbitraire sans qu’il puisse être prouvé qu’ils aient quoi que ce soit à se reprocher, si ce n’est d’être palestinien.

Sous le joug de la torture

Dans ce genre d’endroit, certains ne sortent de leur cellule que pour être torturés, comme le dénonce Amnesty International. De nombreux prisonniers se sont ainsi retrouvés nus ou les yeux bandés pendant toute la durée de leur captivité. D’autres ont été affamés, battus, fouettés, électrocutés, violés et même lâchés à des chiens.

Et peu importe la vulnérabilité du détenu. Des soldats n’ont de surcroît pas hésité à brûler un adolescent de 14 ans avec une cigarette. Évidemment, non seulement ces pratiques constituent un non-respect manifeste du droit international, mais elles représentent aussi un crime contre l’humanité, comme le rappellent des experts de l’ONU.

Derrière cette stratégie se cache bien sûr une haine viscérale des Palestiniens, complètement déshumanisés par certains Israéliens, notamment au sein de l’extrême droite. Procéder à ces arrestations permet parfois d’obtenir des informations concernant des réseaux opposés à la politique israélienne. Mais ajouter un côté arbitraire, qui peut toucher n’importe qui, crée un climat de terreur. Si chaque Palestinien sait qu’il peut être appréhendé et torturé à tout moment, il peut être dissuadé de s’impliquer politiquement.

La presse muselée

Bien que des informations sur ces crimes réussissent à traverser les frontières grâce aux récits de nombreuses victimes, la presse locale est également persécutée pour restreindre la diffusion de la parole.

Si plus de 200 journalistes ont été abattus à Gaza, de multiples autres ont été arrêtés par les autorités israéliennes. Tous ont subi des traitements inhumains, simplement pour avoir informé sur le génocide en cours.

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Domination coloniale totale

Après le 7 octobre, des milliers de Palestiniens, ont été emprisonnés, principalement pour servir de monnaie d’échange. Un moyen de maintenir la pression sur les habitants et d’exercer une domination coloniale totale.

Car c’est bien avant tout le but de toutes ces arrestations : fragmenter et contrôler une population qui n’est pas pleinement reconnue comme membre de la communauté nationale. Et ce procédé n’est pas sans impact psychologique (et économique) sur les familles et les communautés palestiniennes. Que ce soit à Gaza, qui n’est plus qu’un champ de ruines, ou en Cisjordanie, où la colonisation se poursuit et le spectre de l’annexion guette.

Ces enfermements ne sont d’ailleurs que le prolongement de la logique israélienne d’occupation ; de fait, il existe une continuité entre les régimes carcéral et colonial, qui se manifeste, par exemple, par des contrôles et une surveillance constante dans la vie de tous les jours.

Logique de gestion sécuritaire

En assimilant l’ensemble de la population palestinienne au terrorisme, le gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahou a installé une méthode sécuritaire et l’incarcération systématique s’est muée en un outil pour discipliner, contrôler ou expulser.

Cette politique est d’ailleurs devenue un instrument économique puisqu’il s’est développé tout un secteur d’entreprises privées dédiées à la sûreté, la construction ou la logistique qui tourne autour des prisons. 

Un soldat israélien arrête un jeune Palestinien de 12 ans au point de contrôle de Naplouse, Cisjordanie, Palestine. 2007. Flickr.

Une résistance qui s’organise

Face à ces persécutions, de nombreux Palestiniens n’ont pas baissé les bras et continuent de s’organiser pour résister par divers moyens : grèves de la faim, lettres de témoignage ou actions collectives de solidarité. De nombreuses ONG et institutions internationales qualifient de prisonniers politiques les milliers de Palestiniens détenus pour leurs opinions, leur militantisme ou leur participation à des mouvements de résistance. Ces initiatives visent à dénoncer publiquement les conditions de détention et les violences du système carcéral israélien.

À l’international, l’indignation face aux méthodes israéliennes en général, mais aussi envers ces incarcérations en particulier, grandit de jour en jour et de multiples médias aux lignes éditoriales variées évoquent progressivement ces violences. Grâce au travail d’associations sur place, ainsi que la presse étrangère, l’omerta autour de ces pratiques devient de plus en plus visible

Mais, face aux interpellations de l’ONU et de diverses ONG, reste maintenant à ce que les gouvernements agissent concrètement pour faire évoluer la situation plutôt que de condamner oralement sans effets pratiques. Car en attendant que certains pays bougent le petit doigt, des milliers de Palestiniens dorment toujours en prison pendant que les autres subissent l’oppression, au prix de leur vie.

Simon Verdière


Photo de couverture : Un soldat israélien arrête un jeune Palestinien de 12 ans au point de contrôle de Naplouse, Cisjordanie, Palestine. 2007. Flickr. 

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