C’est à une nouvelle polémique que nous assistons depuis plusieurs semaines, alors que Galderma, filiale de Nestlé Skin Health, a annoncé la fermeture de son site de recherche en dermatologie à Sophia Antipolis, à proximité de Nice, menaçant plus de 400 emplois locaux. Mais alors que Galderma a obtenu les trois dernières années 68 millions d’euros de crédits d’impôt, la pilule passe mal pour les salariés du site, qui ont exprimé leur colère en se mobilisant.
Jeudi dernier, plus de 400 salariés de Galderma manifestaient contre la fermeture du site de recherche et développement en dermatologie installé près de Nice. « Nestlé, c’est fort en chômage », « Galderma m’a fait grandir, Nestlé m’a tué », pouvait on notamment lire sur les pancartes. Mais les mots ne pouvaient que difficilement exprimer la frustration et la colère contre l’hypocrisie de la multinationale : d’ici un an, l’ensemble du site sera fermé, ce qui met en péril les 550 emplois en France. 100 salariés pourraient retrouver un nouveau poste en étant reclassés en Suisse. La cessation des activités avait été annoncée en septembre dernier. Depuis 1981, le laboratoire développe des médicaments et produits cosmétiques en forme de crèmes, spray, shampoings.
Une décision incompréhensible pour les salariés
Selon les salariés, dont le haka symbolique en signe de protestation a été remarqué, la décision de Nestlé n’est pas compréhensible, alors que les locaux situés à Sophia Antipolis, plus grande technopole d’Europe, sont « uniques », non seulement en France mais également du point de vu international. Ici, les chercheurs ont acquis un « un savoir faire reconnu mondialement ».
Nestlé avait d’autres arguments, d’ordre stratégique : il s’agirait de restructurer sa filiale pour réinventer un nouveau centre de recherche et de développement sur le territoire Suisse. Alors que Galderma produisait des crèmes, le groupe souhaiterait désormais se tourner vers des soins de la peau par injection ou voie orale, justifiant ainsi la délocalisation.
Le laboratoire a perçu 68 millions d’euros de crédit d’impôt recherche ces trois dernières années
Cependant, face à cet argument Nathalie Strauss, déléguée syndicale, reste sceptique. En effet, elle estime qu’avec les moyens existants sur le site de Sophia Antipolis « nous avons les compétences et les capacités pour mener à bien ce nouveau projet » sur le site actuel. Selon elle, les véritables raisons seraient à rechercher ailleurs. Suivez la trace de l’argent. Outre l’avantage fiscal que pourrait signifier le déplacement des activités en Suisse, elle « soupçonne Nestlé de vouloir profiter de l’occasion pour mettre un terme à une partie des activités », celles qui concernent le développement de médicaments, « ce qui serait difficilement justifiable aujourd’hui, alors que le laboratoire est très largement bénéficiaire ». La fermeture du site pourrait donc avoir des raisons purement économiques.
Les salariés ressentent la décision comme une réelle injustice et se demandent à quoi servent les avantages fiscaux importants octroyés aux multinationales, si celles-ci ne préservent pas l’emploi. Sur les trois dernières années, le site de Sophia Antipolis a perçu 68 millions d’euros de crédits d’impôt recherche (CIR), « auxquels s’ajoutent 1,5 millions d’euros au titre du CICE ». Pour 2017, la somme du CIR devrait se situer autour des 25 millions d’euros, avance Nathalie Strauss. Et maintenant, Nestlé part en Suisse « avec les millions, le personnel et le savoir-faire ! », s’insurge t-elle. La disproportion entre les avantages accordés aux entreprises, souvent au nom de l’emploi qu’elle créent, et leur comportement réel semble difficilement justifiable, surtout si ce premier élément est mis en relation avec les efforts quotidiens qu’on demande aux salariés.
Mathias*, un employé du site estime que dans leur démarche, les dirigeants de l’entreprise ont été « peu respectueux vis à vis des salariés » et qu’ils n’ont « pas fourni d’efforts pour aller à la rencontre des employés ». Le salarié perçoit cette attitude comme une injustice, alors que de nombreuses propositions ont été faites par les équipes pour maintenir l’activité. « Le haka c’est une façon respectueuse d’interpeller, d’exprimer nos difficultés, de mettre une pression sur les dirigeants et de retenir l’attention médiatique », commente-t-il.
Alors que pour les salariés, la seule solution est de revenir entièrement sur la décision de fermeture du site, ils regardent désormais vers le gouvernement en espérant que ce dernier « puisse faire entendre raison à Nestlé ». Une pétition, qui a obtenu plus de 18000 signatures à ce jour, peut être consultée en ligne.
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*le prénom a été changé à la demande du salarié
Sources : liberation.fr / europe1.fr