D’après une nouvelle étude publiée par Carbon Brief, le blanchiment du corail a dangereusement augmenté, passant de 8% à 31% de la proportion de coraux dans le monde depuis les années 1980. Ce phénomène, qui survient par vague aujourd’hui environ tous les 3 ans, s’accélère toujours plus, témoignant de la gravité du réchauffement climatique et des effets de l’activité humaine.
Un phénomène à ne pas relativiser
Les récifs coralliens sont l’un des habitats les plus diversifiés du monde. Bien qu’ils ne couvrent en moyenne que 0,1% du fond des océans, ces récifs soutiennent à eux seuls près de 25% de la biodiversité marine. C’est dire leur rôle majeur dans la préservation de la biodiversité marine.
La Grande Barrière de Corail est un écosystème à part entière qui s’étend sur 2 300 km – le plus grand du monde. Déjà en 2016, La Barrière avait déjà connu son plus grave épisode de blanchiment encore jamais répertorié. Par ailleurs, 2017 était la plus chaude encore jamais enregistrée, avec des hausses de températures impressionnantes en mars et avril. On peut donc craindre le pire pour la suite.
les récifs coralliens, tels que nous les connaissons, pourraient très bien disparaître du vivant des plus jeunes d’entre nous.
D’après SEOS, “le blanchiment des coraux provient de la perte des algues symbiotiques (les “zooxanthelles”) qui vivent dans les tissus des polypes (Le corail étant constitué d’une colonie de polypes qui participe à la fabrication de son squelette.)”. Autrement dit, le blanchiment des coraux est un phénomène de dépérissement qui se traduit par une décoloration visible. Il est principalement provoqué par la hausse de la température de l’eau et la pollution de celle-ci, entraînant l’expulsion des algues symbiotiques qui donnent au corail sa couleur et ses nutriments. Lorsqu’ils perdent leurs zooxanthelles, les coraux meurent au bout de quelques semaines (voire avant, si les conditions sont particulièrement extrêmes).
Avant les années 1980, le blanchissement de masse des coraux était du jamais-vu.
“La situation est telle que les récifs coralliens, tels que nous les connaissons, pourraient très bien disparaître du vivant des plus jeunes d’entre nous” a ainsi déclaré un chercheur de Carbon Brief, tirant une fois de plus la sonnette d’alarme. Partout dans le monde, la survie des coraux est aujourd’hui menacée. Déjà fragilisés par la pollution, la pêche, l’agriculture ou l’aménagement côtier, ces écosystèmes – vitaux et nécessaires aux océans – sont aujourd’hui irrémédiablement soumis à la pression supplémentaire du changement climatique.
Terry Hughes, directeur du centre d’excellence pour les études sur les récifs coralliens de l’université James-Cook, dans le Queensland en Australie, nous explique : “Avant les années 1980, le blanchiment de masse des coraux était du jamais-vu, mais aujourd’hui, ces épisodes régionaux, accompagnés d’une grande mortalité de ces animaux, sont devenus la nouvelle norme dans le monde à mesure que les températures continuent d’augmenter.”
L’année dernière en 2017, Terry Hughes a mené avec une équipe internationale de chercheurs l’étude la plus large et la plus complète réalisée à ce jour sur l’ensemble des mers tropicales de la planète. Ils ont ainsi passé au crible 100 localisations de récifs coralliens, réparties dans 54 pays, afin d’étudier la répartition d’épisodes de blanchiment, leur récurrence et leur intensité, depuis le début des années 1980. Les résultats sont catastrophiques.
La perte des récifs coralliens : le glas de nos océans ?
Entre 2016 et 2017, près de la moitié des coraux de la Grande Barrière australienne a complètement disparu. Un chiffre évocateur qui ne connait pas de précédent.
30% of #corals died following bleaching in 2016, another 19% this year https://t.co/0EYzM0U2Cx
- Information -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee— Terry Hughes (@ProfTerryHughes) 21 mai 2017
Ce phénomène, qui s’additionne de plus à l’acidification des océans, a des conséquences majeures pour les écosystèmes. Les coraux sont ce qu’on pourrait appeler des sortes “d’oasis des déserts océaniques” et constituent la principale source de nourriture à la biodiversité marine. Les coraux servent également de refuges pour de très nombreuses espèces qui peuvent s’y reproduire à l’abri des grands prédateurs.
Mais les coraux sont également grandement utiles aux humains, en protégeant les côtes contre l’érosion, alimentant de nombreuses populations (pêche, aquaculture) et générant un tourisme vital pour nombre de régions isolées. Une valeur économique chiffrée à entre 24 et 310 milliards d’euros par an, selon les estimations de l’OI (Conservation International). D’ailleurs, certains pays situés dans des atolls, comme les Maldives, Kiribati, Tuvalu et les Îles Marshall, sont littéralement bâtis sur les récifs coralliens, et n’existeraient pas sans cette frange protectrice. Dans ces labyrinthes de calcaire vivant, les scientifiques estiment que plus d’un million d’espèces animales et végétales y sont associées et qu’ils accueillent plus de 25 % des espèces de toute la vie marine, servant également de berceaux aux plus juvéniles de poissons qui vivront plus tard au large.
Aussi, plus de 275 millions de personnes vivent actuellement à moins de 10 kilomètres de côtes et à moins de 30 kilomètres de récifs. Un huitième de la population mondiale, soit environ 850 millions de personnes, vivent à moins de 100 kilomètres de récifs et sont susceptibles de tirer des avantages des services écosystémiques fournis par les récifs coralliens. Enfin, les récifs coralliens sont aujourd’hui, selon Coral Guardian, des éléments primordiaux de la recherche médicale. “Étant privés dans une très grande mesure de toute possibilité de mouvements, les coraux ont développé un arsenal d’armes chimiques très efficaces pour se défendre et se faire la guerre dans la conquête de l’espace récifal.” Mais pas assez efficaces pour se protéger de la folie humaine.
“Les organismes récifaux sont utilisés dans le traitement de maladies graves et de certains cancers, comme la leucémie, le VIH, les maladies cardio-vasculaires, les ulcères. De plus, longtemps le squelette corallien, du fait de sa nature très proche de nos os, a servi de matériau pour les greffes osseuses. Les scientifiques ont, par exemple, synthétisé un agent anticancereux efficace contre des tumeurs, en particulier celles des ovaires, dans des espèces d’ascidies des Caraïbes.” Un potentiel pharmaceutique « naturel » que l’humanité sacrifie en ce moment même.
Alors, que faire ?
Les données scientifiques sont certes très alarmantes, estimant que d’ici 2050, les récifs coralliens auront totalement disparu de la surface du globe. Cependant, d’autres, comme Nick Graham, estiment que “si nous parvenons à fortement baisser les émissions de dioxyde de carbone, les coraux subiront encore des épisodes de blanchiment, mais nombre d’entre eux pourront survivre.”
Pour Denis Allemand – directeur du Centre scientifique de Monaco et codirecteur scientifique de l’expédition Tara Pacific – en revanche, « un espoir réside dans les programmes de recherche portant sur la modification du microbiome des coraux, dans le but de les rendre plus résistants au réchauffement climatique. »
L’expédition Tara Pacific – que vous pouvez suivre sur le journal du CNRS – a ainsi pour but de comprendre pourquoi certains de ces coraux blanchissent moins que d’autres ou résistent à des eaux déjà chaudes. L’objectif à long terme est ainsi de restaurer les récifs coralliens avec des espèces plus résistantes, tout en continuant à créer des aires marines protégées, qui limitent les stress locaux.
Il est également possible de suivre et soutenir la création et la protection d’AMP – Aires marines protégées – grâce au site de la WWF. Ces Aires marines sont des lieux où des scientifiques, des locaux et d’autres volontaires veillent à la protection de la faune et de la flore marine, allant des végétaux et des coraux, aux plus petits poissons jusqu’aux plus gros cétacés. De nombreux programmes de « replantation » ont lieu en ce moment à travers le monde.
Enfin, la nécessité absolue d’un changement radical dans les comportements et mode de vie n’est plus à nier si nous voulons ralentir au maximum les effets de l’activité humaine sur les coraux, mais également le reste de l’environnement. L’urgence d’une sensibilisation du public, des gouvernements et des plus gros pollueurs se présentant lors d’une occasion donnée : 2 ans après la signature de l’Accord de Paris négocié à la COP 21, 2018 a été désignée comme l’année internationale des récifs coralliens. Après les discours, les actes ?
Moro
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