Située entre deux affluents du bassin amazonien, la rivière Napo (Equateur) et Marañon (Pérou), la région des bassins sacrés, aussi connue sous le nom de « Sacred Headwaters » est considérée comme l’une des plus riches en biodiversité au monde. Ce territoire niché dans une Amérique latine méconnue est un véritable joyau, relativement bien préservé, qui abrite l’une des plus grandes concentrations de mammifères, de végétaux ou encore de jaguars. Cependant, l’avancée des secteurs miniers et pétroliers menace plus que jamais de détruire cette région où résident pourtant de nombreuses communautés indigènes. Leïla Scheurette, actuellement volontaire auprès de la Fundacion Pachamama, nous raconte le bras de fer qui se joue sur ce territoire.

L’exploitation des ressources naturelles occupe une place prépondérante dans l’économie équatorienne qui ne cesse d’étendre ses activités minières et pétrolières jusqu’aux confins de l’Amazonie, allant même jusqu’à autoriser l’exploitation des ressources du parc Yasuni en 2013, parc pourtant classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Dernièrement, le gouvernement équatorien a annoncé l’octroi de près de trois millions d’hectares de forêt amazonienne aux entreprises étrangères exctractivistes (en majorité canadiennes et chinoises). Parmi ces territoires, nombreux sont protégés ou appartiennent aux communautés indigènes (1).

Pétrole : l’illusion du développement

L’Équateur est pourtant toujours enlisé dans l’affaire Texaco-Chevron, qui après des décennies d’exploitation aura laissé derrière lui une forêt dévastée par des piscines de pétrole et des rivières hautement contaminées par des déchets toxiques. Il s’agit de l’une des plus grandes tragédies écologiques de l’histoire mais également d’un drame humain, les populations indigènes de la région souffrant encore aujourd’hui de graves problèmes de santé (cancers, malformations, fausses couches, etc.) (2). Et pourtant, cette triste réalité reste peu connue en occident.

Continuer sur la même voie, en détruisant, contaminant, déforestant, cette fois, les Sacred Headwaters affectera non seulement le quotidien des communautés vivant dans cette région de la taille de la Californie, mais menacera également l’équilibre fragile de toute la forêt amazonienne. La plus grande forêt tropicale du monde est pourtant vitale pour la survie de l’humanité. En effet, sa capacité à absorber le carbone, principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique, est exceptionnelle ! En détruisant davantage la forêt tropicale, non seulement nous absorbons moins de CO2, mais nous libérerons également le carbone d’ores et déjà stocké dans les réserves de la forêt.

Une économie dont le fondement est l’exploitation incessante des ressources naturelles n’est pas durable pour l’environnement. Qui plus est, ce modèle ne répond pas aux attentes sociales qu’il devait prétendument combler. Des études montrent même que la corrélation entre l’exportation des ressources naturelles d’un pays et le développement de sa population est négative (3). Malgré ces évidences, l’avidité des plus grandes industries n’ayant pas de limites et les gouvernements se montrant incapable de réellement freiner leurs ardeurs destructrices, la nature continue de reculer face aux assauts répétés des activités humaines dans la région comme ailleurs.

Crédit image : Terra Mater
Crédit image : Terra Mater

Une alliance au-delà des frontières

Directement affectés, les populations indigènes de cette biorégion, définie non pas par des frontières artificielles mais par des critères naturels et humains, ont décidé de s’allier et de pousser leurs gouvernements à faire de ce joyau de la nature une no-Go zone des projets industriels qui, au nom du développement, détruisent la nature et les vies qui l’habitent.

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Porté majoritairement par la Fundacion Pachamama (4), ses alliés les fédérations indigènes CONFENAI (5), et AIDESEP (6), le projet Sacred Headwaters soutient directement un nouveau modèle de développement pour la région, durable et respectueux de la tradition des communautés indigènes qui représentent 20 % de toute la population autochtone d’Amazonie.

Vivre selon le « Sumak Kawsday »

En Équateur, les personnes indigènes restent extrêmement pauvres, marginalisées et très peu entendues. Directement concernées, leur résistance aux projets pétroliers ne fait qu’aggraver les violences perpétuées envers eux. Tout l’enjeu réside donc à impliquer davantage ces communautés en répondant à leurs attentes liées au développement, tout en médiatisant leur cause à l’échelle du monde. L’objectif de l’initiative de « l’alliance » est donc double : d’une part, protéger l’écosystème et d’autre part, développer des « Planes de vida », projets de vie basés sur un modèle alternatif de développement respectueux de l’environnement gérés par les populations indigènes.

De nombreuses initiatives pensées par les populations elles-mêmes, respectueuses de l’environnement, de leur culture et de leur vision du développement, seront donc soutenues et financées par le projet. Qu’il s’agisse d’activités touristiques durables, de production ou encore de conservation, chaque communauté regorge d’idées pour permettre à sa population de continuer à vivre selon le « Sumak Kawsay », concept autochtone du bien vivre qui aura rythmé pendant des millénaires leur mode de vie, désormais fragilisé par l’avidité de l’extractivisme.

La protection de cette biorégion, entre l’Equateur et le Pérou, est chaque jour un peu plus menacée. Seules, les populations indigènes ne pourront résister à la menace qui pèse chaque jour davantage sur l’un des plus grands joyaux que possède cette terre : la forêt amazonienne. Associations, ONG, gouvernements, philanthropes, individus sont appelés à joindre un mouvement dont les seules et uniques frontières sont celles du respect de l’Humain et de la nature.

Leïla Scheurette

Crédit image : Terra Mater

1 RAINFOREST INFORMATION CENTER, « The extent of recent mining in Ecuador”, 2017, https://ecuadorendangered.com/research/reports/RIC-Mapping-Report-v1.1-20180117-eng.pdf

2 AMAZON WATCH, « “, http://amazonwatch.org/work/chevron

3 LARREA, C. & LARREA A. I., “¿Está agotado el periodo petrolero en Ecuador?, Alternativas hacia una sociedad más sustentable y equitativa”, 2017, p.29

4 ONG équatorienne dont les portes ont été fermées pendant des années sous l’ère Correa en raison de leur engagement contre l’avancée des activités pétrolières en Amazonie https://www.facebook.com/pachamama.org.ec/

6 https://www.facebook.com/aidesep


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