Sous le feu des projecteurs depuis plus d’un an, la chasse à courre, méthode de chasse jugée cruelle par les associations de défense des animaux, croule sous les critiques. Les actions de terrain pour contrer la pratique se multiplient dans toute la France. La lettre ouverte d’une ancienne veneuse envoyée à l’association locale AVA Chantilly (Abolissons la Vènerie Aujourd’hui) et dans laquelle elle explique pourquoi elle abandonne la pratique, offre un regard inédit depuis l’intérieur de la pratique.
« Je viens d’une famille de chasseurs. J’ai tenu un fusil dès mes sept ans, et chassé à courre au Royaume-Uni durant mon adolescence. Chasse « raisonnée », où seuls les animaux porteurs de tares génétiques étaient sélectionnés, afin de garder les hardes saines. [Grâcier] était courant, et les curées de l’ordre d’une chasse sur cinq seulement.
Si la sensation de suivre la voie était étourdissante, car oui l’ensemble, voilà ce qui est magique en vénerie, tout ce qui concernait le fait de pourchasser et abattre un animal, même avec cet étrange et paradoxal respect et presque « complicité » que ressent le veneur, a gâché pour moi la « cérémonie ». Galoper en équipage à travers bois et champs est un plaisir incomparable, le reste… est au final le reliquat ritualisé d’ères où la barbarie était nécessaire. J’ai déploré que nous ne soyons pas capables de conjurer cette splendide sensation pour de meilleurs motifs.
Mais à présent, lorsque je marche en forêt avec ma meute de lévriers (tous chasseurs « recyclés » et tirés des pattes des chasseurs espagnols, rois incontestés de la maltraitance sur leurs meutes), je retrouve cette sensation d’ensemble et d’unité que j’aimais tant en équipage. Et si je ne ressens pas exactement de la honte à avoir chassé en selle (car cette expérience fut très forte, mais aussi infiniment formatrice, et m’a amenée en partie à une décision qui me donne un montant appréciable de paix de l’esprit) je ressens toutefois d’importants remords à avoir joué les « Dianes chasseresses ».
Vous savez… les veneurs envisagent la proie comme un adversaire estimable, un partenaire de jeu. Il en va de même pour la corrida. Mais pour l’animal, ce rituel n’a rien d’un jeu. C’est simplement de la peur, de la souffrance, et la mort au bout de la course. Tout ceci pour quoi ? Un peu d’adrénaline et [cet] « ensemble » ? Si nous ne sommes pas capables d’invoquer cette sensation d’osmose et d’unité avec nos montures et nos meutes sans verser le sang, alors nous sommes indignes de nous vouloir centaures. Autant démonter.
La courre n’était pour moi qu’un aspect, forcément mineur, de ce que j’étais en premier lieu : c’est à dire une cavalière, et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas.
Je ne peux avoir la virulence de mes camarades qui voient dans la vénerie haine et barbarie, alors, parce que j’ai été de votre nombre, et sais ce que l’on ressent, en chaussant cet étrier. Mais ces rituels, malgré la beauté codifiée de leur forme, sont archaïques, et ne peuvent continuer à s’inscrire dans le paysage actuel.
J’ai marché dans vos bottes, et voilà mon trajet. Essayez en retour de marcher dans les nôtres, et de voir à quel point, alors que la violence s’empare de plus en plus des jeunes esprits, et que la planète est proprement vandalisée par nos actes, il est important de changer de point de vue quant à notre cohabitation générale avec notre habitat.
Il reste évidemment le problème de la régulation des populations animales sauvages lorsqu’elles « débordent », j’entends bien. Et c’est en ceci que les chasseurs avaient (et ont toujours en certains lieux, bien que cela me lève à présent le cœur) une utilité avérée.
Mais dans le fond, viscéralement, je ne peux qu’approuver ce qu’a fait cette dame en protégeant le cerf [ndlr : à Lamorlaye en février 2016]. Si une proie se réfugiait dans ma propriété, je ferais exactement la même chose (fusil en main s’il le fallait — car dans d’autres cas l’équipage a été moins conciliant que dans celui-ci !), et d’autant plus que, oui, le cerf aurait dû [être gracié] sans « négociations financières » et autres billevesées.
Il avait « gagné » de facto — point. »
F.L.S
Source du témoignage reproduit avec autorisation : Facebook.com
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