Victoire pour les défenseurs de l’environnement et de la biodiversité. Le projet de développement du parc à thème « the London Resort » dans la péninsule du Swanscombe en Grande-Bretagne vient récemment d’être abandonné. En effet, s’étendant sur plus de 465 hectares, le projet risquait de grandement impacter l’intégrité et le développement de la faune et flore présentent dans la région. Toutefois, les représentants du futur parc, proposé en tant que « projet d’infrastructure d’importance nationale » (NSIP), ont d’ores et déjà annoncé qu’ils réintroduiraient la demande d’un permis de construction d’ici fin 2022. Cette victoire pourrait donc être de courte durée..
La compagnie à l’origine de la création du London Resort, gigantesque parc à thème situé sur les rives de la Tamise dans le Kent, a récemment annoncé avoir temporairement mis en pause son développement après avoir essuyé de nombreux retards depuis le lancement du projet en 2014.
Vue du ciel des terres ciblées avant le début des travaux :
Baptisé le « Disney world britannique », ce projet titanesque au modique budget de 3,5 milliards de livres devait initialement ouvrir ses portes en 2024, et accueillir pas moins de deux parcs d’attraction composés de six villages à thème : un parc aquatique, des salles de conférence, un complexe hôtelier de 3500 chambres, un centre commercial, et une multitude de restaurants [1].
Situé à quelques minutes de Londres, le London Resort, couvrant une surface équivalente à 136 stades de Wembley, était présenté comme l’un des projets de parcs à thème les plus ambitieux jamais réalisés en Europe depuis la création de Disneyland Paris en 1992.
Toutefois, situé dans la péninsule de Swanscombe, dont une large partie a été désignée « site d’intérêt scientifique particulier » (SSSI) en 2021 en raison de la présence d’une riche biodiversité, la société London Resort a été contrainte de retirer sa demande de permis de construire.
Une biodiversité unique et menacée
Depuis l’introduction du projet en 2014, les activistes environnementaux s’opposent farouchement au développement du parc à thème. En cause, la construction du London Resort dans la péninsule de Swanscombe, récemment reconnue comme SSSI, abrite une grande diversité de plantes et d’animaux sauvages, déjà grandement menacés par l’urbanisation et le développement des activités humaines dans la région.
On y trouve notamment des busards, des roseaux, des spatules, des loutres, des campagnols aquatiques, une grande variété d’orchidées, pas moins de 1700 espèces d’invertébrés, dont un quart des espèces de coléoptères du Royaume-Uni, et également plus de 200 espèces considérées comme essentielles pour la conservation.
Parmi les espèces qui constituent une priorité pour la conservation, on retrouve la Attulus distinguendus, une minuscule araignée sauteuse d’environ 1cm capable de bondir sur une distance de plus de 10 fois sa taille pour attraper ses proies. La sauvegarde de cette espèce d’araignées en danger critique d’extinction constitue par ailleurs le point central de la campagne des opposants au parc, la péninsule de Swanscombe étant l’un des deux seuls habitats de cette espèce en Grande-Bretagne.
« Nous sommes ravis que la compagnie London Resort ait finalement retiré sa demande, mais la péninsule de Swanscombe n’est pas encore protégée pour autant. Il est incroyable qu’en cette période d’urgence climatique et de crise de la biodiversité, ce site SSSI, ainsi que toute la nature et la faune qu’il abrite, soit toujours menacé. Tant que le statut NSIP n’est pas retiré et que le site n’est pas placé sous la gestion d’organisations environnementales responsables, cette oasis urbaine reste en danger et nous ferons tout notre possible pour la protéger »[2], a déclaré Paul Hadaway, directeur de la Kent Wildlife Trust.
Un parc respectueux de l’environnement ?
Face à ses détracteurs, la compagnie London Resort assure que la durabilité est cœur de la conception du projet, qui entend créer l’un des seuls parcs à thème neutres en carbone au monde. En effet, le directeur général Py Gerbeau avait notamment déclaré que dans le cadre d’un partenariat avec EDF Energy, les différents parcs, manèges, hôtels et autres infrastructures du London Resort seraient alimentés par des panneaux solaires et autres technologies renouvelables à faibles émissions de carbone.
Par ailleurs, alors opposé à ce que la péninsule obtienne le statut de SSSI, un porte-parole de la compagnie avait notamment déclaré que le site était en grande partie contaminé par le développement des activités industrielles dans la région, et que le London Resort s’engageait dès lors à investir 150 millions de livres pour améliorer les conditions environnementales du site.
Réfutant cette image erronée de la réalité utilisée par London Resort pour justifier le développement de son projet, Nicky Britton-Williams, membre de la Kent Wildlife Trust, rappelle au contraire que cet ancien site industriel a été rapidement reconquis et recolonisé par la nature, créant ainsi une grande diversité d’habitats, et que la construction de ce parc à thème entrainerait l’extinction de nombreuses espèces[3].
L’avenir de la péninsule entre les mains du gouvernement
Bien que la demande de permis ait été récemment retirée, l’avenir du parc n’est pas pour autant scellée. En effet, la compagnie a déjà déclaré qu’elle soumettra une nouvelle demande avant la fin de cette année.
Toutefois, non sans crainte pour les écologistes, le parc à thème ayant été proposé comme un projet d’infrastructure d’importance nationale, son approbation finale revient au gouvernement britannique, et non aux autorités locales.
Habituellement réservé aux projets d’infrastructures énergétiques, de transports ou grands axes routiers, ce statut inquiète les parties directement concernées par la réalisation de ce projet, plaçant le sort de la péninsule entre les mains du gouvernement, au détriment des communautés locales mieux placées pour défendre leurs intérêts et l’environnement dont elles dépendent directement.
Malgré ses doutes, Britton-Williams se veut optimiste. « Si le gouvernement respecte ses engagements quant à la nécessité de protéger la nature et de s’attaquer à l’urgence climatique, et s’il met en place les politiques et plans nécessaires à cette fin, je ne vois pas comment ce projet pourrait être approuvé »[4], a-t-elle déclaré.
Hélas, les récentes prises de positions politiques liées à la question climatique nous ont démontré à maintes reprises que les beaux discours étaient très peu souvent assortis d’engagements et d’actions réelles. Affaire à suivre…
W.D.
[1] The London Resort, Welcome to the London Resort – A world-class, sustainable, next generation entertainment resort, disponible sur: https://londonresort.info/ ; Deskin, E., “The London Resort will be the UK’s Version of Disney World” in Matadornetwork, 17 décembre 2019, disponible sur: https://matadornetwork.com/read/london-resort-uks-version-disney-world/
[2] Kent Wildlife Trust, Swanscombe saved – for now. But campaigners stress the fight is not over, disponible sur: https://www.kentwildlifetrust.org.uk/news/swanscombe-saved-now-campaigners-stress-fight-not-over
[3] Limb, L., “Why building a Disney-esque theme park near London is a bad idea” in Euronews, 29 mars 2022, disponible sur: https://www.euronews.com/green/2022/03/29/why-building-a-disney-esque-theme-park-near-london-is-a-bad-idea
[4] McKie, R., “Rollercoasters v. water voles: ’Disney-on-Thames’ plan could devastate wildlife” in The Guardian, 26 mars 2022, disponible sur: https://www.theguardian.com/environment/2022/mar/26/plastic-t-rex-vs-rare-beetles-disney-on-thames-plan-london-devastate-wildlife
Crédit photo de couverture @Save Swanscombe Peninsula / https://www.kentonline.co.uk/dartford/news/london-resort-theme-park-plans-withdrawn-264685/