En 20 ans, les coraux ont subi une destruction massive aux quatre coins du globe. Dans un récent article, nous vous montrions que pour mieux les protéger, il faut lutter contre le réchauffement climatique en amont et limiter la pollution à l’échelle du globe. En parallèle, plusieurs associations restaurent des coraux en ayant recours à des méthodes naturelles et innovantes. Menées sur le long terme et contrôlées, ces restaurations ont un impact bénéfique sur les écosystèmes marins.
Dans cet article, nous vous proposons de découvrir les techniques de restauration des coraux en partant à la rencontre d’associations françaises qui œuvrent pour la protection des coraux. Bien que cette démarche soit nécessaire, elle demande de suivre certaines précautions dans des fonds marins sensibles aux moindres changements. Nous verrons de quelle manière les Antilles sont particulièrement touchées par cette destruction des coraux, quelles espèces de coraux sont les plus résistantes et les plus utilisées et les dernières innovations en matière de transplantations coralliennes.
Transplanter des coraux
Passionné de plongée, le couple fondateur de l’association La tête dans l’eau, une organisation qui met en avant la beauté des fonds marins en sensibilisant à leur protection, a suivi une formation de transplantation à Bonaire, une île des Caraïbes : « La formatrice, qui travaille avec Reef Renewal Fondation Bonaire, nous a appris que le choix des coraux se faisait en fonction des sites. Par exemple, à Bonaire, les premiers coraux réintroduits étaient des coraux « corne d’élan » et des coraux « corne de cerf ». Ces coraux présents autour de l’île ont la particularité de se reproduire rapidement et d’être robustes ».
IGREC Mer, une autre association dont l’objectif est la préservation et la restauration des écosystèmes marins, a la vaste tache de protéger les coraux. Mariane Aimar, directrice d’IGREC Mer témoigne : « Nous avons pu restaurer des mangroves en cultivant des palétuviers. Nous avons collecté en mer des petits larves de poisson puis les avons conservées. Sachant qu’elles se font manger par 95 % des gros poissons, nous les avons relâchées dans la mer une fois que les larves avaient atteint leur taille adulte, pour repeupler des zones dévastées. Nous sommes la première organisation européenne à avoir utilisé cette méthode de préservation des poissons ainsi que celle de transplantation des coraux. Les espèces que nous utilisons le plus sont l’Acropora Palmata et la Silviporis ».
La particularité du corail est de se reproduire de manière asexuée et sexuée. À ce sujet, Mariane Aimar ajoute que « si l’on investit la reproduction asexuée, on prélève des petits morceaux de coraux qu’on accroche à différentes structures. Le corail se reproduit aussi de manière sexuée : d’aout à septembre, des œufs vont être expulsés et vont s’installer sur le corail mort ou bien dans un fond sableux ».
Ensuite, Coral Planters, créé en 2017 à Bayonne et Anglet, un an après un épisode catastrophique de blanchiment des coraux en 2016, est aussi une association de conservation des coraux. Elle procède de plusieurs manières pour replanter les coraux. « D’abord naturellement en récupérant des fragments directement tombés des coraux ou bien indirectement en les élevant dans des nurseries et pépinières puis en les posant sur des structures. Tous les 6 mois, une nouvelle photo des récifs est transmise par une IA qui permet de déterminer le taux de survie des coraux. Nos structures sont plantées aux Maldives et sur l’île Rodrigues » précise Coral Planters.
Des recherches et des restaurations laborieuses
En 20 ans, Mariane Aimar de l’association IGREC Mer a vu la destruction inexorable des coraux. Une dégradation massive qui ne s’est pas arrangée dans les Antilles Françaises avec la mise en place d’un traité environnemental de Ségolène Royal signé en 2017, toujours en vigueur. Cet arrêté de protection des coraux interdit toute recherche scientifique sur les espèces protégés de coraux, entraînant l’arrêt des recherches d’IGREC Mer. Depuis l’association ne peut plus poursuivre ses actions de transplantation de coraux, réduite à n’utiliser plus que des espèces de coraux protégées qui ont une croissance plus lente que les coraux auxquels l’association avait recours. « La Guadeloupe était l’une des îles les plus avancées en matière de protection des coraux mais avec cet arrêté, nous devons faire de longues procédures administratives » déplore l’association.
In this video you can see Marina, our Deep CORE project manager, performing a transplant operation on one of the chandelier #corals in our area of action in #Spain!💪
— Coral Guardian (@CoralGuardian) February 22, 2023
You too can #adoptacoral in the #Mediterranean👉 https://t.co/egNHdZDtAR
📷Rafael Camacho🤝Coral Soul pic.twitter.com/tUbu1aUNLW
Coral Guardian prépare le terrain, un passage obligé pour optimiser l’effet des transplantations. Elle nettoie donc d’abord les fonds marins avec une équipe de plongeurs techniques aguerris. L’équipe locale transplante ensuite les coraux en utilisant une résine non toxique. Pour les coraux d’eaux froides, l’organisation doit faire face à des difficultés techniques. La transplantation corallienne s’effectue alors avec des Véhicules d’Opération Remote.
Les Caraïbes, zone corallienne en voie de disparition
Toutes les Antilles françaises sont menacées par la destruction de coraux : 85 % de coraux sont anéantis dans cette zone. On retrouve de rares endroits préservés comme à Saint Barthélemy et à Saint Martin, des îles non urbanisées. En Guadeloupe, les réserves naturelles ont aussi vu leurs coraux se dégrader. La réserve naturelle nationale des îles de la Petite Terre est impactée. La réserve Cousteau conserve, quant à elle, quelques coraux intacts.
Le dérèglement climatique s’accentue. D’août a novembre, l’eau au large des Antilles était généralement à 29 degrés. Sa température avoisine désormais les 31 degrés. Au-delà de 29 degrés, le blanchiment devient inévitable. Ce sont alors les algues qui sont impactées, elles qui assurent la bonne santé des coraux en agissant sur leur teneur en sucre et leur couleur. Les épisodes d’eau chaude se sont aussi rallongés. « La période d’eau chaude s’étendait de deux à trois semaines. Maintenant, elle dure trois mois » alerte IGREC Mer.
Des stations d’épuration dégradées
En Guadeloupe, 75 % des eaux usées sont rejetées dans la mer là où les stations d’épuration ne sont plus aux normes.
Un constat étayé par la responsable d’IGREC Mer : « La pollution est la cause principale de la destruction des coraux. Dès qu’il pleut beaucoup, les stations d’épuration débordent en mer. Les pratiques de pêche et l’agriculture intensive renforcent la destruction des coraux ».
D’autres menaces planent sur le corail alerte IGREC Mer : « On a découvert depuis quelques années une nouvelle maladie. La maladie des pertes des tissus coralliens (SCTLD) qui vient de Floride et gagne à présent toutes les Antilles. Elle a dévasté les coraux ronds mais n’a pas eu le même impact partout. On a remarqué que les coraux en meilleure santé sont les moins touchés. Un constat surprenant a été fait : à condition égales, certains coraux résistent mieux. Des études génétiques sont en cours pour voir pourquoi certains sont plus résistants que d’autres. En Polynésie et en Australie, on tente même de créer des espèces plus résistantes à partir de ces coraux ».
Des recherches scientifiques sur l’aspect probiotique des coraux ont lieu pour récupérer de leur souche bactérienne afin de la disperser sur les coraux, dans les zones dévastées.
Quels risques lors de la transplantation ?
L’introduction des substrats artificiels comme les coques de bateaux, les pneumatiques ou les grilles métalliques peut endommager l’environnement si l’opération est mal controlée.
« Si on parle de restauration écologique, il faut que ces nurseries contribuent à la récupération de l’écosystème, et qu’elles n’endommagent pas davantage les écosystèmes coralliens à travers la libération de polluants ! Les coques de bateaux sont connues pour avoir des métaux lourds et des substances anti-fouling, qui évitent la colonisation d’organismes marins. Nous faisons des analyses afin de s’assurer que leur introduction ait un impact positif et ne représente pas une menace en plus » signale Coral Guardian.
Adopt a coral in the Mediterranean Sea 💙
— Coral Guardian (@CoralGuardian) November 16, 2022
Here we go!! You can now participate in our #DeepCOREproject in the Mediterranean with our local nonprofit partner Coral Soul.
Join us today by adopting a coral in the Mediterranean 👉 https://t.co/slxUcMsYoR
📸 Javier Sánchez pic.twitter.com/5JfPDNauXm
« Il ne faut pas introduire une espèce étrangère dans une nouvelle zone. On fait très attention avant de replanter. Il faut bien réfléchir et faire une étude d’impact ! Il faut savoir quelles espèces on met les unes à côté des autres selon leur taux de croissance » ajoute Coral Planters.
Une restauration durable ?
Coral Planters, qui s’investit dans des projets de trois ans au moins, a recours à plusieurs espèces de coraux d’eau chaude qu’elle transplante sur le temps long : « On réintroduit essentiellement des espèces Acropora au taux de croissance assez élevé. La résistance n’est pas la même en fonction des espèces : les Acropora sont moins résistantes que les Porites, des coraux à la forme de cerveaux massifs. Nous avons récupéré de l’Acropora Digitifera, de l’Acropora Humilis, de la Pocillopora Verrucosa. Nous utilisons aussi des Digitifera en eaux peu profondes. Nous avons recours à l’Acropora Secales dans des eaux plus profondes. On a observé une augmentation des espèces biologiques depuis replantage. Au bout de six mois, on voyait déjà les espèces revenir ».
En dessous de trois ans, les coraux n’ont pas atteint la majorité sexuelle donc c’est plus difficile de statuer sur leur récupération. « C’est pourquoi nous menons un projet sur le long terme qui peut durer pendant plus de vingt ans. Reefscapers est un partenaire terrain actuel qui a pu nous transmettre des données antérieures » souligne Coral Planters.
– Audrey Poussines
Photo de couverture : Un arbre, structure avec des cornes d’élans en haut et des cornes de cerf en bas. Page Facebook de la tête dans l’eau