Alors que la population humaine mondiale dépasse les 8 milliards de personnes et occupe plus de 70 % de la surface terrestre, les animaux sauvages peinent à y trouver leur place. Selon une nouvelle étude parue dans SciencesAdvisor en août dernier, le partage contraint d’espaces entre humains et faune sauvage entrainerait un risque accru de pandémies, de conflits inter-espèces et de perte de la biodiversité à l’avenir.

D’ici 2070, les être humains auront envahi les espaces des animaux sauvages sur près de 56% du territoire terrestre. C’est le constat d’une nouvelle étude menée par Neil Carter, professeur associé d’environnement et de durabilité à l’Université du Michigan aux États-Unis. Publié dans la revue SciencesAdvisor le 21 août dernier, le rapport calcule les risques de chevauchement entre les espaces naturels où vivent la faune sauvage et les espaces occupés par l’humanité dans les décennies à venir.

Les terres sauvages de plus en plus rares

« Près de la moitié de la superficie terrestre mondiale connaîtra un doublement du chevauchement entre [l’humain] et la faune d’ici 2070, alors que le chevauchement diminuera de moitié sur seulement 6,1 % de la surface terrestre », relèvent les chercheurs. C’est particulièrement en Afrique et en Amérique du Sud que l’augmentation des surfaces de chevauchement sera la plus frappante, avec respectivement 70,6 % et 66,5 % des territoires touchés d’ici 2070. À même horizon, seulement un tiers des zones d’Amérique du Nord (38,5 %) et un quart des terres d’Océanie (25,9 %) seraient concernées.

Face à ces voisins, l’Europe s’en sort plutôt bien, avec la plus forte proportion de terres qui connaîtront un déclin du chevauchement entre les activités humaines et la faune d’ici 2070, soit 21,4 %. À l’échelle globale, le chevauchement des terres augmentera dans 178 pays au cours des 50 prochaines années.

La croissance exponentielle de la population humaine ces derniers siècles et son étalement  sans précédent expliquent le phénomène. Les zones présentant un taux de chevauchement très important concernent inévitablement les régions où la tendance démographique est à la hausse, comme la Chine ou l’Inde, et le continent africain plus généralement. A contrario, les régions d’Europe et d’Amérique du Nord enregistrent un taux de chevauchement stable, voire à la baisse.

Un déclin de la biodiversité sans précédent

Au niveau global, de tels changements présenteront « des défis de conservation sans précédent ». La pression humaine exercée sur les habitats naturels des espèces sauvages affecte durablement la biodiversité. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) estimait en 2019 que seuls un quart des terres émergées et un tiers des océans restent relativement épargnés par les sociétés humaines.

Les grands mammifères, comme les éléphants à la recherche de nourriture suffisante, se voient de plus en plus contraints d’approcher les villages. Au Sri Lanka, cela occasionne de nombreux conflits avec la population locale, faisant des victimes des deux côtés. – Source image : Pixabay

La Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) recense quant à elle plus de 45 300 espèces menacées d’extinction, dont 41 % des amphibiens, 37 % des requins et des raies, 36 % des coraux constructeurs de récifs, 26 % des mammifères et 12 % des oiseaux.

Comme le détaille le rapport Vanishing Icons de l’association Population Matters, les  causes de l’effondrement des espaces sauvages sont multiples. D’abord, le défrichement des terres au service de l’urbanisation croissante ou des surfaces agricoles mène à une réduction des espaces disponibles.


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Ensuite, la fragmentation des espaces sauvages causée par l’aménagement du territoire empêche les animaux de parcourir les distances nécessaires pour accéder à leurs ressources essentielles, telles que l’eau, l’abri et la nourriture, ainsi qu’à réaliser leurs comportements naturels, comme l’accouplement ou la délimitation des territoires. Enfin, le commerce de la viande de brousse, qui constitue une source de protéines importante pour de nombreuses communautés à faible revenu, implique inévitablement la capture et la mise à mort d’un grand nombre d’animaux sauvages.

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Des points de contact à risque avec la faune sauvage

Pour les zones agricoles du monde entier, cette perte de biodiversité sera inévitablement associée à des changements dans « l’offre de services écosystémiques » rendus par la faune sauvage. « Par exemple, plus des deux tiers (70,2 %) des terres cultivées qui devraient connaître un chevauchement croissant entre les activités humaines et la faune sauvage d’ici 2070 enregistreraient également une diminution de la richesse en oiseaux insectivores, des espèces qui peuvent aider à réduire le nombre de ravageurs des cultures », explique l’équipe de chercheurs.

Selon les chercheurs, une grande partie de l’augmentation du taux de chevauchement se produira dans les nouvelles zones urbanisées, où la densité humaine moyenne devrait augmenter de 1,9 fois d’ici 2070. – Source image : Pixabay

En ville, la multiplication des points de contacts avec les animaux sauvages présentent des risques, notamment en termes de transmission des maladies zoonotiques comme la mpox, la grippe aviaire, la grippe porcine et probablement le Covid-19.

« la diminution de la richesse en espèces dans les zones urbaines pourrait réduire les services écosystémiques fournis aux résidents urbains, car la faune sauvage comme les prédateurs et les charognards peut réduire la prévalence de certaines maladies humaines dans les environnements urbains ou périurbains comme la rage, l’anthrax et la tuberculose bovine ».

Alors que l’humanité étend son emprise sur le vivant, la cohabitation forcée avec la faune sauvage devient inévitable, accentuant les conflits et les risques sanitaires. Cette situation exige des actions urgentes pour réduire la fragmentation des habitats et préserver les espèces menacées. Deqiang Ma, co-auteur de l’étude, appelle les décideurs politiques à se saisir des résultats de son travail « pour éviter les conflits entre les humains et la faune et se concentrer davantage sur la conservation de la richesse des espèces ». 

– Lou A.


Image de couverture générée par l’IA.

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