Depuis l’effondrement du duel artificiel entre la droite et la gauche, le système médiatico-politique français s’articule autour d’un prétendu autre affrontement entre le camp libéral et celui d’extrême droite. Et pourtant, cette bataille que l’élite bourgeoise souhaite infliger à la population a elle aussi tout d’un combat factice. Décryptage en 5 points.

Après deux deuxièmes tours des présidentielles entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l’intégralité des médias de masse tente d’imposer ce duo dans la tête des citoyens, excluant le bloc de gauche de l’équation. Toutefois, comme vu dans de précédents articles, la Macronie sert d’un côté de marchepied à l’extrême droite tandis que le RN est également au service du libéralisme.

Dans ce contexte, il n’y a donc rien de surprenant au fait que ces deux blocs au service du néolibéralisme soient régulièrement en contact et entretiennent une certaine connivence. Mr Mondialisation se remémore cinq fois où le RN et la Macronie se sont commodément arrangés sur l’autel du capitalisme.

1. 2017-2024 : une flopée de votes convergents

Avant d’entrer le détail d’anecdotes précises de petits arrangements entre le RN et la Macronie, comment ne pas commencer par rappeler la meilleure des preuves de compromissions entre les deux partis ?

En effet, tandis que les macronistes se décrivent comme un barrage envers l’extrême droite et que le RN se dépeint en principal opposant du chef d’État, les uns comme les autres se sont pourtant largement mutuellement soutenus dans toutes sortes de projets de loi destinés à maintenir les avantages des plus riches et à faire reculer le progrès social et écologique.

Ainsi, si la Macronie s’est définitivement compromise avec la loi immigration, le RN a quant à lui épaulé le président sur bon nombre de textes, notamment pour empêcher la hausse du SMIC, le dégel du point d’indices des fonctionnaires, le retour de l’ISF, l’indexation des salaires sur l’inflation, l’égalité salariale, le gel des loyers, une garantie d’autonomie pour les étudiants, ou encore la lutte contre la fraude fiscale et les déserts médicaux.

2. 2022 : les postes à l’assemblée

Face à l’émergence de la NUPES (151 députés), et en l’absence d’une majorité absolue, la Macronie s’était alors déjà considérablement rapprochée de la droite et de l’extrême droite pour affaiblir son adversaire le plus dangereux.

Tandis que le RN venait déjà de constituer le groupe le plus important de son existence avec 89 députés (record depuis battu en 2024), la Macronie a également décidé d’octroyer les deux premiers vice-présidents d’extrême droite de l’Histoire du parlement au mouvement de Marine Le Pen alors qu’elle avait pourtant la possibilité de désigner deux écologistes à leur place.

En faisant ce choix, elle a d’une part pu diminuer l’influence de l’opposition de gauche, mais elle a surtout noué un accord pour obtenir la présidence de l’Assemblée. Durant l’élection de celle-ci, le RN s’est en effet retiré et LR a soutenu la prétendante macroniste. En échange, le parti d’extrême droite a pu accéder à ces deux postes de vice-présidents, et LR s’est vu offrir un rôle de questeur qui aurait légitimement dû revenir à la France Insoumise. Pour les deux premières places, LR n’avait pas posé de candidature, tout comme le RN pour la seconde. Les bons comptes font les bons amis.

3. 2023 : une bonne entente pour écarter la gauche

Fin 2023, La France Insoumise, par l’intermédiaire du député martiniquais Jean-Philippe Nilor, avait réussi à obtenir la création d’une commission d’enquête sur la gestion des risques naturels en outre-mer. Une nouvelle importante pour un sujet qui prend de plus en plus d’ampleur, d’autant qu’il avait été solidement étudié par l’élu.

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Et pourtant, au moment d’attribuer les rôles à responsabilité de cette commission, la Macronie, LR et le RN n’ont pas hésité à lier une alliance pour écarter Jean-Philippe Nilor du poste au profit de parlementaires des Républicains, du camp macroniste, mais également du parti fondé par Jean-Marie Le Pen. Pour éloigner la gauche du pouvoir, il semble évident que la droite et l’extrême-droite n’ont visiblement aucun problème à se mettre d’accord.

4. 2024 : les petits dîners entre amis

Au cours de l’année 2024, plusieurs personnalités politiques proches d’Emmanuel Macron, et notamment son ancien premier ministre Édouard Philippe, mais aussi Gérald Darmanin ou encore le ministre des armées Sébastien Lecornu ont cordialement dîné avec Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Organisés par Thierry Solère, ancien sarkozyste actuellement proche conseiller d’Emmanuel Macron, ces repas clandestins ont sans aucun doute permis de discuter de stratégies politiques pour le futur.

Des faits que l’on pourrait d’ailleurs facilement relier aux rumeurs indiquant que la dissolution orchestrée par Emmanuel Macron était prévue de longue date et avait pour but d’installer le parti d’extrême-droite au pouvoir. S’il n’existe bien sûr pas de moyen de les démontrer directement (d’autant plus que le plan s’est effondré après la victoire surprise de la gauche), une chose est certaine, il est impossible de croire désormais que ce camp politique représente un barrage à l’extrême droite.

5. 2024 : la négociation Barnier

La dernière compromission du RN en date face à la Macronie — et sans doute la plus grande — remonte à seulement quelques semaines, puisqu’elle s’est effectuée au moment de la constitution du gouvernement Barnier en septembre 2024.


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Tandis que le Nouveau Front Populaire était arrivé en tête des élections législatives, le chef de l’État a préféré trouver un arrangement avec le RN pour ne pas remettre en cause sa ligne économique. Ainsi, le président a choisi à dessein un Premier ministre très à droite afin de séduire Marine Le Pen qui réclamait des garanties pour ne pas censurer ce gouvernement.

C’est donc avec l’accord de l’extrême-droite que le gouvernement peut tenir et c’est parce que les deux camps se retrouvent dans de nombreuses options politiques. Comme si une preuve était nécessaire pour entériner cet arrangement, le RN a voté contre la procédure de destitution d’Emmanuel Macron et il a refusé de prendre part à la censure du gouvernement Barnier.

La stratégie de la responsabilisation qui cache mal la connivence

Derrière cette compromission du parti d’extrême-droite se cache une stratégie de dédiabolisation. En agissant de cette manière, le RN joue la même partition que les grands médias qui affirment que la gauche refuserait tout par principe, quand le RN serait une opposition constructive.

En réalité, ce que le parti de Marine Le Pen désigne comme constructif dissimule à peine de vrais points de convergences idéologiques. Si cette excuse est bien pratique pour améliorer sa réputation auprès de l’opinion publique, elle est aussi un gage de complicité à l’élite bourgeoise qui pourrait ainsi faciliter son arrivée au pouvoir. En somme, changer de gouvernance pour ne rien faire contre le système capitaliste. Business as usual.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Montage Mr Mondialisation x Wikimedia.

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