À l’occasion de la COP16 sur la biodiversité, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a présenté la mise à jour de sa Liste rouge mondiale des espèces végétales et animales menacées d’extinction. Parmi les données observées : l’état de conservation du hérisson d’Europe s’est considérablement détériorée et près de 40% des arbres à travers le monde sont menacés d’extinction. Une évaluation qui appelle à l’action.

Les chiffres sont alarmants : sur les 166 061 espèces étudiées, 46 337 sont classées menacées par la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), récemment mise à jour à l’occasion de la COP16 sur la biodiversité tenue à Cali (Colombie) en novembre. Parmi ces espèces, 41% des amphibiens, 34% des arbres, 12% des oiseaux et 26% des mammifères sont menacés d’extinction au niveau mondial. « C’est également le cas pour 37% des requins et raies, 44% des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères », complètent les auteur·ices du rapport.

Pour la première fois, l’UICN présente une image globale de l’état de conservation des arbres à travers la planète. – Crédits : Pixabay

Un quart des arbres de la planète en danger

La France figure parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées : au total, 2 434 espèces menacées au niveau mondial sont présentes sur son territoire, en métropole et en outre-mer. La Liste rouge de l’organisation est un indicateur privilégié pour suivre l’état de la biodiversité dans le monde.

« Sur la base d’une information précise sur les espèces menacées, son but essentiel est d’identifier les priorités d’action, de mobiliser l’attention du public et des responsables politiques sur l’urgence et l’étendue des problèmes de conservation, et d’inciter tous les acteur·rices à agir en vue de limiter le taux d’extinction des espèces », explique l’organisation.

Pour la première fois, la majorité des arbres du monde ont été ajoutés à la Liste rouge de l’UICN, révélant qu’au moins 16 425 des 47 282 espèces évaluées sont en danger d’extinction. « Les arbres représentent désormais plus d’un quart des espèces présentes sur la Liste rouge de l’UICN, et le nombre d’arbres menacés est plus de deux fois supérieur au nombre total d’oiseaux, de mammifères, de reptiles et d’amphibiens menacés combinés. Des espèces d’arbres sont menacées d’extinction dans 192 pays à travers le monde ».

Les arbres : piliers fragiles de nos écosystèmes

En première ligne, ce sont les espèces insulaires qui se trouvent le plus en danger. Les auteur·ices du rapport pointent notamment les effets dévastateurs de la déforestation au profit du développement urbain et de l’agriculture, mais aussi l’impact des espèces envahissantes, des ravageurs et des maladies. En outre, « les changements climatiques menacent de plus en plus les arbres, en particulier sous les tropiques, en raison de l’élévation du niveau des mers et des tempêtes plus fortes et plus fréquentes ».

« En tant que composante déterminante de nombreux écosystèmes, les arbres sont fondamentaux à toute vie sur Terre en raison de leur rôle dans les cycles du carbone, de l’eau et des nutriments, la formation des sols et la régulation du climat »

La perte de ces espèces forestières constitue une menace majeure pour des milliers d’autres plantes, champignons et animaux. « En tant que composante déterminante de nombreux écosystèmes, les arbres sont fondamentaux à toute vie sur Terre en raison de leur rôle dans les cycles du carbone, de l’eau et des nutriments, la formation des sols et la régulation du climat ».

De nombreuses communautés rurales et autochtones dépendent également des arbres, « plus de 5 000 espèces sur la Liste rouge de l’UICN étant utilisées comme source de bois pour la construction, et plus de 2 000 comme source de médicaments, de nourriture et de combustibles ».

Pour contrer cette tendance, plusieurs initiatives de protection et la restauration des habitats voient le jour, comme les banques de semences et la collection d’espèces dans les jardins botaniques. « En Colombie, les évaluations de la Liste rouge ont guidé la planification nationale des actions de conservation. Sept espèces de Magnolia considérées « En danger » et « En danger critique » ont été utilisées pour la désignation de cinq nouvelles « Zones clés pour la biodiversité », qui seront utilisées par les gouvernements locaux et nationaux pour éclairer la planification spatiale », félicite le rapport.

Le hérisson d’Europe : une icône en sursis

En Europe, c’est un symbole de vulnérabilité et de résilience qui se voit menacé. Le hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus) est en effet passé de la catégorie « Préoccupation mineure » à « Quasi menacé » sur la Liste rouge. « On estime que les effectifs de l’espèce ont diminué dans plus de la moitié des pays où elle est présente, y compris au Royaume-Uni, en Norvège, en Suède, au Danemark, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche », expliquent les chercheur·euses.

Les études locales ont notamment signalé une nette diminution des effectifs en Bavière (Allemagne) et en Flandre (Belgique), atteignant parfois les 50%. En France, les populations ont diminué d’environ 16 à 33% au cours des dix dernières années.

L’évaluation de la Liste rouge révèle également des lacunes dans les connaissances, par exemple en ce qui concerne les limites de la répartition de l’espèce de hérisson. Un suivi accru dans toute l’Europe sera essentiel pour en savoir plus sur les populations moins étudiées. – Crédits : Pixabay

Le petit mammifère épineux est principalement menacé par la pression humaine croissante qui conduit à la destruction de son habitats ou de ses ressources vitales. La dégradation des habitats ruraux par l’intensification agricole et l’utilisation massive des pesticides, le développement urbain et la construction de nouvelles routes sont principalement pointés du doigts comme causes d’extinction du hérisson.

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Protéger la biodiversité : repenser nos pratiques

Pour Chris Carbone, professeur de macroécologie et de conservation à l’Institut de zoologie de ZSL, « des stratégies de conservation visant à atténuer la perte et la fragmentation des habitats ainsi que l’intensification agricole ralentiront le déclin de l’espèce. En créant des corridors d’habitats, en réduisant l’utilisation de pesticides et en promouvant des environnements favorables aux hérissons, nous pourrons leur fournir une protection à long terme ».

Pour l’heure, les scientifiques appellent également les particuliers à adopter des pratiques de jardinage bénéfiques pour la faune locale, en évitant l’usage de pesticides et en favorisant la pousse naturelle des herbes et végétaux, ou encore en créant des passages dans les clôtures pour permettre aux petits mammifères un déplacement plus sûr.

« face à un si grand nombre d’espèces d’arbres menacées, la tâche est énorme, mais elle a déjà commencé ».

Loin d’être suffisante, ces mesures devront impérativement être couplées à des politiques de grandes échelles pour la préservation des espèces et de leur environnement. Les auteur·ices du rapport appellent les gouvernements à adopter des stratégies nationales ambitieuses, soulignant qu’au vu des résultats du rapport, « il n’y a aucune excuse pour ne pas agir ». Pour Jean-Christophe Vié, Directeur général de la Fondation Franklinia, il est clair que « face à un si grand nombre d’espèces d’arbres menacées, la tâche est énorme, mais elle a déjà commencé ».

Aure Gemiot


Source image d’en-tête : hérisson ©Pixabay 

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