Au cours des dernières décennies, l’équivalent d’une superficie de presque un tiers de plus que celle de l’Inde – plus grand pays du monde – est devenue définitivement aride. C’est le constat des scientifiques mandatés par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD). Selon leur rapport publié le 9 décembre 2024, les conséquences de l’aridité pourraient toucher jusqu’à 5 milliards de personnes d’ici la fin du siècle. 

Le nouveau rapport publié par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) prévient : « Une superficie globale équivalente à la moitié de la taille de l’Australie est passée de terres humides à des terres arides avec moins de pluie pour les cultures, les pâturages, la nature et les populations. »

Contrairement aux sécheresses – périodes temporaires de faibles précipitations – l’aridité représente une transformation permanente et durable de l’environnement. Crédits photos : Pixabay

77,6 % des terres de la Terre ont connu des conditions plus sèches durant les trois dernières décennies 

Les zones arides ont ainsi augmenté d’environ 4,3 millions de km2, soit une superficie équivalente à la moitié de celle de l’Australie, pour couvrir plus de 40 % des terres émergées (à l’exclusion de l’Antarctique). Les scientifiques estiment que :

« Parallèlement, le nombre de personnes vivant dans les zones arides a doublé au cours des trois dernières décennies, atteignant 2,3 milliards, soit plus d’un quart de la population mondiale »

Selon les modèles les plus pessimistes, jusqu’à 5 milliards de personnes pourraient subir les conséquences néfastes de l’aridité d’ici 2100

Les résultats de cette étude, intitulée La menace mondiale de l’assèchement des terres, ont été présentées aux gouvernements du monde entier à l’occasion de la 16e conférence des Parties de l’UNCCD (COP16) à Riyad, en Arabie Saoudite, une région profondément touchée par les impacts de l’aridité.

À cette occasion, les scientifiques distinguent spécifiquement les sécheresse de l’aridité. Alors que les sécheresses surviennent lorsque la pluie ne tombe pas ou tombe trop peu pendant des périodes prolongées mais néanmoins limitées, l’aridité se distingue par son caractère durable, affectant profondément les écosystèmes.

Ses conséquences sont dramatiques : insécurité alimentaire et hydrique, mauvaise fertilité des sols, pertes de productivité des cultures, déclin de la biodiversité, tempêtes de sable et de poussière intenses, incendies de forêt, mauvaise santé des populations et migrations humaines à grande échelle. 

Un quart de la population mondiale vit aujourd’hui dans les zones arides en expansion de la planète

Ces phénomènes sont directement liés à « des taux croissants de maladie et de mortalité, en particulier chez les enfants et les femmes du monde entier », regrettent les auteurs du rapport. En outre, l’aridité est aussi le principal facteur de dégradation des systèmes agricoles, affectant 40 % des terres arables de la planète. 

À l’heure actuelle, les zones arides les plus densément peuplées se trouvent en Californie, en Égypte, dans l’est et le nord du Pakistan, dans de grandes parties de l’Inde et dans le nord-est de la Chine. D’autres endroits du monde seront toutefois touchés de plein fouet par l’aridité, selon les scientifiques. C’est le cas de l’ouest des États-Unis, la péninsule du Yucatan, le nord-est du Brésil, le nord-ouest de l’Argentine, toute la région méditerranéenne, la rive nord de la mer Noire, le Sahel, la vallée du Rift, le nord-est de l’Afrique du Sud, la zone frontalière entre la Russie et le Kazakhstan, ainsi que de grandes parties de la Mongolie et du nord-est de la Chine, en plus du sud-est de l’Australie. 

L’augmentation de l’aridité et de la sécheresse joue finalement un rôle clé dans la hausse des migrations humaines à travers le monde, en particulier dans les zones hyperarides et arides du sud de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de l’Asie du Sud.

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« À mesure que les terres deviennent inhabitées, les familles et les communautés entières, confrontées à la pénurie d’eau et à l’effondrement de l’agriculture, n’ont souvent d’autre choix que d’abandonner leurs foyers, ce qui entraîne des défis sociaux et politiques à l’échelle mondiale », détaillent les scientifiques.

Les activités d’origine anthropique en cause

Alors, comment ralentir ce phénomène aux effets dramatiques ? D’abord, il faut en déterminer la cause, et sur ce point, pas de doute. Les auteurs du rapport expliquent :

« les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine ont joué un rôle clé dans l’expansion des zones arides, en particulier au cours des trois dernières décennies »

Les simulations climatiques montrent en effet une tendance mondiale prononcée à l’assèchement commençant dans les années 1950 et s’accélérant à partir des années 1990, suivant une courbe parallèle à la révolution industrielle et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. 

Pendant des années, il a pourtant été difficile et controversé de documenter rigoureusement l’augmentation de l’aridité. « Sa nature à long terme et la complexité des processus qui la déterminent (pluies, évaporation et transpiration des plantes, entre autres) ont conduit à des résultats contradictoires et à une grande prudence scientifique », souligne le rapport. 

Un appel à l’action pour la communauté internationale

Pour la première fois, ces résultats apportent la preuve de l’inexorable progression de l’aridité à travers le monde. « Cette analyse dissipe enfin une incertitude qui planait depuis longtemps sur les tendances mondiales de dessiccation », déclare Ibrahim Thiaw, Secrétaire exécutif de l’UNCCD.

Les zones arides sont des zones où 90 % des précipitations sont perdues par évaporation, ce qui ne laisse que 10 % pour la végétation. Selon le rapport, les deux tiers des terres du monde stockeront moins d’eau d’ici le milieu du siècle. – Crédits photo : Pixabay

L’étude s’attèle également à présenter des moyens d’atténuer et de s’adapter à ce défi. D’abord, en renforçant la surveillance de l’aridité, permettant de détecter au plus tôt les changements et d’orienter les interventions afin de prévenir une détérioration irréversible des conditions. Ensuite, en incitant à des systèmes d’utilisation des terres durables peut atténuer les impacts de l’augmentation de l’aridité, en particulier dans les régions vulnérables. À ce titre, les agriculteurs qui adoptent des cultures résistantes à la sécheresse ou les pasteurs qui choisissent des animaux plus tolérants à l’aridité sont des exemples d’adaptation progressive.

« Pour la première fois, la crise de l’aridité a été documentée avec une clarté scientifique, révélant une menace existentielle qui affecte des milliards de personnes à travers le monde. »

Il sera également nécessaire de multiplier les techniques favorisant une gestion efficace de l’eau, comme la collecte des eaux de pluie, l’irrigation goutte-à-goutte et le recyclage des eaux usées. Finalement, il est aussi primordial de développer des cadres internationaux de coopération afin de garantir une réponse unifiée à la crise. « À mesure que de vastes étendues de terres deviennent plus arides, les conséquences de l’inaction deviennent de plus en plus graves et l’adaptation n’est plus une option — elle est impérative », conclut Ibrahim Thiaw.

– Lou A.


Photo de couverture de Quang Nguyen Vinh. Pexels.

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