Pour la première fois en France, une étude inédite révèle l’ampleur de la pollution des sols par les microplastiques. Publiés le 26 décembre 2024, les résultats présentés par l’ADEME font état de la « présence quasi systématique » de ces fragments de plastique à travers l’Hexagone : prairies, vignes, vergers ou grandes cultures, aucun type de sol n’est épargné.
Depuis 2015, plus de 6,9 milliards de tonnes de déchets plastiques ont été produites. Environ 9 % ont été recyclés, 12 % ont été incinérés et 79 % se sont accumulés dans des décharges ou dans la nature. Contrairement à d’autres matériaux, le plastique n’est pas biodégradable et peut mettre des centaines d’années pour se décomposer. « Cette pollution asphyxie les espèces marines, a une incidence négative sur les sols, empoisonne l’eau souterraine, et peut avoir de graves répercussions sur la santé », rappelle l’Organisation des Nations-Unies.
Premières données sur le sol français
Alors que de nombreux rapports documentent la pollution plastique des océans et la menace que fait peser cette accumulation de déchets sur les environnements marins, très peu de travaux ont à ce jour étudié leur présence dans les sols.
Mais qu’est-ce qu’un microplastique ? « On qualifie de microplastiques les plastiques qui mesurent moins de 5 mm et plus de 1 micron (sous cette taille, ce sont des nanoplastiques) », explique Isabelle Deportes, ingénieure impacts sanitaires et écotoxicologiques de l’économie circulaire à l’ADEME, dans un communiqué.
Pour établir les « premières références nationales » sur la contamination des sols français par les microplastiques, l’ADEME a recueilli 33 échantillons de terres sur tout le territoire métropolitain. Réalisée en collaboration avec le réseau de mesure de qualité des sols de l’INRAE, cette analyse révèle des résultats sans appel. Sur 25 extraits étudiés, 76% contiennent des microplastiques, à des niveaux variables.
Une pollution généralisée
Prélevés dans des prairies, forêts, vergers, vignes et grandes cultures répartis sur le territoire, les échantillons ont été analysés par l’Institut de recherche Dupuy de Lôme, à Lorient (Morbihan). Si aucun type de sols n’est complètement épargné par la présence de microplastiques, les auteur·ices de l’étude observent rapidement qu’il existe « un risque accru de pollution des sols soumis aux interventions humaines par rapport aux espaces naturels ».
« En moyenne, un kilogramme de sol sec renferme 15 microparticules de plastique, dont 70 % affichent une taille inférieure à 2 mm. »
Et pour cause : la très grande majorité des sols de prairies (4 échantillons sur 4), de vignes et vergers (3 sur 4) et de grandes cultures (17 sur 21) est contaminée, contrairement aux sols de forêts (1 sur 4). En moyenne, un kilogramme de sol sec renferme 15 microparticules de plastique, dont 70 % affichent une taille inférieure à 2 mm.
Un détail qui a toute son importance, car si une réglementation existe pour les plus gros d’entre eux (compris entre 2 et 5 mm) dans les matières fertilisantes et les supports de culture, « on note un manque juridique, mais aussi un manque scientifique » pour les autres types de molécules circulant dans notre environnement, observe Isabelle Deportes. En l’absence de réglementation adaptée, une contamination diffuse mais légale se propage sans contrôle.
Certaines activités agricoles en cause
Le rapport suggère des sources de pollution multiples, même si elles ne sont pas identifiées clairement par les auteur·ices. Ainsi, la présence de décharges à proximité des sols étudiés, le dépôt atmosphérique ou encore le ruissellement de surface sont toutes des causes de pollution probables pour chaque environnement étudié.

En outre, l’ADEME pointe certaines pratiques agricoles comme sources majeures de contamination. La dégradation des films plastiques installés chaque année sur les parcelles — pour réguler la chaleur, maintenir l’humidité ou bloquer les herbes indésirables — libère des fragments dans les sols, y compris pour les versions dites biodégradables. Les fertilisants issus de matières organiques contiennent eux aussi du plastique, via des erreurs de tri des biodéchets. « Le plastique est partout, même le lisier des vaches en contient », alerte Isabelle Deportes, ingénieure à l’ADEME.
Ces pratiques agricoles sont pourtant vertueuses à plusieurs égards, notamment car elles permettent de réduire l’utilisation d’engrais de synthèse délétères pour l’environnement et la santé humaine. Elles constituent dès lors un « enjeu fort de l’économie circulaire et de la transition agroécologique et climatique », rappelle l’ADEME, mais doivent être mieux encadrées et surveillées pour assurer leur innocuité.
Poursuivre les efforts de recherche
Au-delà des activités agricoles, l’étude note également le poids des emballages plastiques dans la contamination des sols français. Les polymères fréquemment retrouvés dans les échantillons analysés, sont en effet principalement utilisés dans la fabrication des emballages courants.
Ils recouvrent ou contiennent chacun de nos achats jusqu’à nos aliments, comme le polystyrène. Principalement destiné à un usage unique, ce segment de marché représente près de la moitié de tous les déchets plastiques produits dans le monde, la plupart n’étant jamais recyclés ou incinérés.

Finalement, l’ADEME appelle à poursuivre les efforts scientifiques dans ce domaine afin d’encadrer au mieux cette pollution encore mal connue. « Comme on l’a fait pour les milieux aquatiques, il est désormais urgent d’accélérer la recherche pour évaluer les conséquences de cette contamination terrestre sur l’environnement et la santé humaine », commente Isabelle Deportes au Monde.
Afin d’élargir l’état des connaissances, l’agence française souhaite poursuivre son analyse en explorant d’autres types de sols, comme les zones urbaines ou les territoires d’Outre-Mer.
–Aure Gemiot
Source image d’en-tête : troupeau de bovins au sommet d’ordures ©Unsplash















