Après New York en 2017 et Lisbonne en 2022, la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan s’est tenue à Nice du 9 au 13 juin 2025. Coorganisé par la France et le Costa Rica, ce sommet historique a rassemblé un nombre record de participants autour d’un enjeu commun : sauver les océans. Protection de la haute mer, lutte contre la surpêche, moratoire sur les fonds marins, réduction des plastiques, transition du transport maritime… Autant de fronts ouverts pour faire émerger une véritable diplomatie océanique. Bilan d’un sommet à la fois ambitieux… et confronté à ses contradictions.

Les chiffres parlent. 175 États, 64 chefs d’État et de gouvernement, 28 responsables d’organisations onusiennes, intergouvernementales et internationales, 115 ministres, 12 000 délégués et près de 130 000 visiteurs venus assister à plus de 1 000 événements…

C’est sans doute le plus gros sommet sur l’océan jamais organisé, et on l’espère, le début d’une véritable diplomatie océanique face à la surpêche et certains de ses procédés désastreux, la pollution plastique, la pollution sonore et le réchauffement climatique

Le traité sur la haute mer qui gonfle les rangs 

Bonne nouvelle pour la haute mer (zones océaniques situées au-delà des juridictions nationales – à environ 370 km – des côtes), qui représente 64 % des eaux océaniques : elle sera enfin protégée par des règles internationales.

19 pays supplémentaires ont ratifié le Traité sur la haute mer (BBNJ) –  qui vise à la protection de la biodiversité marine. Ainsi, 51 parties (50 pays plus l’Union européenne) en sont signataires, ce qui rapproche de l’accord du seuil de 60 nécessaires pour son entrée en vigueur.  Si d’autres le ratifiaient d’ici septembre, cela pourrait permettre la création d’aires marines protégées en haute mer.

Plus concrètement, la part des aires marines protégées dans le monde passe de 8,4 % à 10 % de la surface totale des océans, rapprochant de l’objectif international de protéger 30 % des océans d’ici 2030 (« 30×30 »), fixé dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique de la COP28 qui s’est déroulée aux Émirats arabes unis.

La filière pêche : une protection certes, mais insuffisante

La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) représente jusqu’à 15 % des captures mondiales. En réponse à cela, quelques mesures ont été prises : 

La création de la plus grande Aire Marine Protégée (AMP) (une zone dédiée à la protection et restauration des écosystèmes marins, selon Bloom) du monde, en Polynésie, avec près de 20 % de sa superficie en « protection stricte » (900 000 km²). Ce terme correspond à la définition internationale (notamment celle de l’Union européenne et de l’Union internationale pour la conservation de la nature) et implique l’exclusion totale de toute activité extractive, y compris toute forme de pêche, ainsi que l’interdiction des infrastructures et activités industrielles.

La France joue la carte du flou juridique, en créant la « protection forte » pour 4% des eaux d’ici 2026, contre seulement 0,1 % aujourd’hui, qui se concentre sur l’interdiction du chalutage de fonds – ce qui n’est pas suffisant. Cela signifie que toutes les activités humaines ne sont pas supprimées de ces zones, laissant aux lobbies et industriels quelques brèches.

En matière de pêche, 103 pays ont ratifié l’accord de l’OMC pour la réduction des subventions les plus néfastes, comme celles qui soutiennent la pêche illégale, et la pêche non réglementée en haute mer, selon WWF.

« Il ne manque plus que dix ratifications pour l’entrée en vigueur de l’accord », précise l’article, ce que la France attend avec impatience – au vu de la pêche illégale qui a doublé en Guyane en 10 ans, selon une étude réalisée par l’IFREMER, le Comité des Pêches et le WWF France. 

L’exécutif européen s’est ainsi fixé pour objectif de protéger 30 % des 11 millions de km2 de mers de l’Union européenne en 2030, selon un article d’info.gouv. Il n’y a plus qu’à constater – ou non – la mise en œuvre. 

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Une coalition mondiale pour stopper l’extinction des requins et des raies, conduite par la France et soutenue par une dizaine d’états et plus de 70 organisations, a été lancée. Parmi les signataires : la France, l’Australie, l’Équateur, les Maldives, Malte, le Panama, la République du Congo, l’Espagne et le Royaume-Uni, en attente d’autres qui devraient les rejoindre dans les semaines à venir.

Silence radio sur les captures accidentelles en revanche !

Les fonds marins au point mort 

« La haute mer ne sera plus le far west », disait pourtant Emmanuel Macron. Mais le dictateur américain, pourtant absent du sommet et représentant 8 % des voix – en a décidé autrement en lançant unilatéralement l’exploitation des « nodules » polymétalliques (des boules de minéraux riches en fer et en manganèse, qui se forment au fond de l’océan autour d’un noyau) dans les eaux internationales du Pacifique. 

Deux mesures phare ont été prises :

Quatre états supplémentaires ont rejoint l’appel à une pause de précaution ou un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins, portant le total à 37 pays, contre 32 sur les 169 États membres de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), chargée de rédiger un code minier. Les pays engagés se réuniront à Kingston (Jamaïque) en juillet dans l’espoir d’adopter ce code réglementaire.

La Commission européenne a indiqué en juin 2022 que l’exploitation minière en eaux profondes devrait être interdite jusqu’à ce que les connaissances scientifiques sur ses conséquences soient plus poussées. Elle souhaite attendre que les techniques d’extraction ne causent pas d’effets néfastes et que l’environnement marin soit efficacement protégé.

Quid de la pollution plastique ?  

Chaque année, 8 millions de tonnes de plastiques sont déversées dans les océans, selon les chiffres de la WWF.

« Nous demandons l’adoption d’un objectif mondial visant à réduire la production et la consommation de polymères plastiques primaires à des niveaux durables »

Voici les mesures prises pour contrer la pollution plastique : 

« Nous demandons l’adoption d’un objectif mondial visant à réduire la production et la consommation de polymères plastiques primaires à des niveaux durables », écrivent les 96 signataires de la déclaration selon un article de Touteleurope. Avec un accord qui pourrait être finalisé cet été, à Genève, cette déclaration s’accompagnerait d’une obligation juridiquement contraignante pour éliminer progressivement les produits plastiques et les substances chimiques préoccupantes, en soutenant l’élaboration d’une liste mondiale de ces produits et substances, et la conception des produits plastiques avec un impact environnemental minimal. 

Au niveau national cette fois, la mise en place d’un Plan Plastique 2025-2030, axé sur l’éco-conception des produits prenant en compte la recyclabilité et la réemployabilité des emballages plastiques, le développement d’une vision industrielle de l’économie circulaire du plastique, avec des investissements dans des infrastructures de réemploi et de recyclage, le soutien aux collectivités pour améliorer la performance de collecte et de tri, l’exemplarité des acteurs publics et privés dans leur usage des produits plastiques. Malheureusement, cela ne vient pas contrevenir à la diminution de l’activité industrielle globale, d’autant que le recyclage peut être une source de pollution océanique.

Le transport maritime dans le viseur 

Le transport maritime représente 90 % des échanges mondiaux et 3 % des émissions de gaz à effet de serre, selon les données de l’ONU. 

Pour y remédier, l’Organisation maritime internationale a adopté en 2023 un accord visant à réduire les émissions de 20 % d’ici à 2030 et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Dans ce cadre, des mesures contraignantes, dont une tarification du carbone, seront votées en octobre 2025.

Au niveau national, la France a adopté une stratégie ambitieuse pour atteindre la neutralité carbone, en collaboration avec l’ensemble de la filière : 

  • Efficacité énergétique : optimisation des carènes, entretien des navires, développement des systèmes d’économie d’énergie et routage météo.
  • Sobriété : réduction volontaire de la vitesse des navires (jusqu’à -30 % d’émissions possibles), limitation des voyages à vide et mutualisation du fret.
  • Transition énergétique : substitution progressive du fioul lourd par des biocarburants et e-carburants, et mise en place de sources d’énergie et de technologies décarbonées (vent, etc.).

Cette transformation impose aussi de repenser en profondeur tout l’écosystème maritime. La France investit 1,5 milliard d’euros dans la modernisation des ports, la formation des professionnels et l’innovation, via le plan France 2030.

(source : mer.gouv)

–  Maureen Damman


Photo de couverture : UNOC3 à Nice, France. Wikimedia.

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