Caroline Porteau est une agricultrice biologique aux multiples casquettes. À la fois apicultrice, productrice de plantes aromatiques et gérante d’une ferme pédagogique, elle a à cœur de sensibiliser à la protection de l’environnement. Rencontre avec une femme au parcours étonnant.

Caroline Porteau vit dans les Ardennes, en pleine zone rurale. Avec son mari Thierry, elle gère le Rucher du Marcassin à Seraincourt, où elle élève des abeilles, gère une ferme pédagogique et produit des plantes aromatiques.

Alors qu’elle travaillait dans le milieu médical, Caroline Porteau a décidé de changer de vie en 2018 en se lançant pleinement dans l’agriculture biologique.

Cette nouvelle vocation est née lors d’une visite au Musée de l’abeille, dans le Tarn. Sur place, Caroline et Thierry ont rencontré des personnes passionnées par l’apiculture, qui leur ont transmis leur savoir et leur envie. En 2015, Thierry est devenu apiculteur professionnel et a été rejoint par Caroline trois ans plus tard.

En plus d’être apicultrice, Caroline Porteau produit des plantes aromatiques. @Caroline Porteau/Avec toutes autorisations

« Si l’environnement n’est pas en bonne santé, cela a des répercussions sur notre santé à nous ».

De sage-femme à apicultrice : faire naître le vivant

Avant de se lancer dans le monde de l’apiculture, Caroline était sage-femme. Un changement de cap qui peut étonner, mais qui n’est pourtant pas si différent.

« Quand tu es sage-femme, tu es une passeuse de vie, tu joues sur la génération d’après et sur l’avenir. Et maintenant, qu’est-ce que je fais en agriculture et en apiculture bio ? Exactement la même chose. Je suis une protectrice du vivant dans tous les sens du terme.

Si l’environnement n’est pas en bonne santé, cela a des répercussions sur notre santé à nous. Quand j’étais dans le corps médical et que je voyais la santé publique se dégrader, avec le taux de diabète qui explose, les scléroses en plaque et les cancers chez les jeunes, je me disais qu’il y avait de quoi se poser des questions. Aujourd’hui je reviens à la base, je fais de la prévention. »

Une ferme pédagogique autour des abeilles

« Caroline et Thierry possèdent désormais 150 ruches ».

Caroline et Thierry possèdent désormais 150 ruches. Ils élèvent leurs abeilles en suivant les principes de l’agriculture biologique, c’est-à-dire en respectant leur cycle de vie naturel et en évitant la surproduction de miel.

Pour compléter leur projet, ils ont ouvert une ferme pédagogique qui sensibilise le public à l’agriculture biologique comme à la protection de la biodiversité.

Abrités derrière un chalet vitré, les visiteurs peuvent observer les ruches de très près. @Caroline Porteau

« Les abeilles font partie d’un monde fascinant, plein de leçons sur la vie en communauté. On voulait ouvrir notre ferme pour que les gens découvrent ce monde vivant et pour qu’ils découvrent notre pratique agricole.

Généralement, le public ne sait pas comment est fabriqué le miel. Il y a beaucoup de façons de produire du miel : on peut opter pour une agriculture hyper intensive, alors qu’il existe aussi d’autres méthodes où l’on respecte les abeilles et leur cycle de vie. On réfléchit aux besoins de l’abeille et on s’adapte à elle, et non l’inverse. On n’adapte pas l’abeille à nos besoins de production », nous a expliqué Caroline Porteau.

Une expérience immersive

Dans sa ferme pédagogique, Caroline Porteau accueille des familles, des touristes, des associations, des IME, des centres scolaires ou encore des centres de loisirs. Au sein de la ferme, le public peut choisir entre trois visites : découvrir les abeilles, les plantes aromatiques ou les insectes pollinisateurs. 

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La visite concernant les abeilles dure 45 minutes. Pendant ce laps de temps, Caroline aborde la vie de l’abeille et l’histoire de l’apiculture.

« Je leur explique que c’est la vie d’un peuple qui est dans une ruche, qu’une ruche est une ville de 50 000 habitants où tout le monde travaille… sauf les mâles ! J’explique le fonctionnement d’une ruche mais aussi la pollinisation, l’utilité de l’abeille quand elle transporte le pollen de fleur en fleur. Une fois que les visiteurs ont compris comment naissent les abeilles, quels sont leurs besoins – et quelle est leur vie parfois tragique – je les emmène dans un chalet qui est complètement vitré et qui surplombe les ruches ».

Abrités derrière les vitres, les visiteurs vivent une expérience inoubliable et immersive. Sous leurs yeux, Caroline revêt sa tenue d’apicultrice et leur dévoile le fonctionnement de la ruche.

« ils plongent le doigt directement dans le cadre pour goûter le miel ».

« Les visiteurs participent à un spectacle vivant. Je sors les abeilles de la ruche, cadre par cadre. Ils peuvent observer le miel et, quand les abeilles sont sympathiques et qu’il fait beau, je fais le tour et ils plongent le doigt directement dans le cadre pour goûter le miel. Ils observent les abeilles naître, mais aussi la reine. Les visiteurs voient vraiment ce que je fais dans les ruches et comment nos abeilles travaillent tous les jours », a expliqué Caroline Porteau.

Lors d’une visite, les familles observent le fonctionnement d’une ruche et peuvent goûter le miel. @Caroline Porteau

En France, très peu d’apiculteurs proposent une expérience aussi immersive. Caroline et Thierry sont les premiers à organiser ce genre de visites dans le Grand-Est. Ils n’accueillent le public que pendant la période de production des abeilles et des plantes, qui au lieu au printemps et en été. Un moment inoubliable pour les visiteurs qui découvrent la vie des abeilles et leur rôle indispensable dans l’environnement. 

Découvrir les plantes aromatiques

Par ailleurs, Caroline est productrice de plantes aromatiques car « une abeille sans fleur n’est rien ». Ainsi, elle propose aux visiteurs de « découvrir des plantes que tout le monde connaissait autrefois et que tout le monde a oublié ».

Quand elle était sage-femme, Caroline s’est intéressée aux vertus apaisantes des plantes comme la camomille, la sauge ou encore le thym dont elle partage les bienfaits. Au détour de son jardin, Caroline évoque également les autres pollinisateurs et petites bêtes qui peuplent le riche écosystème. 

Pendant la visite, le public découvre une trentaine de plantes aromatiques différentes. À la fin, les visiteurs reçoivent les productions de fleurs séchées de l’agricultrice. Selon leurs besoins et leurs goûts, ils peuvent repartir avec les plantes qu’ils souhaitent pour concocter des tisanes saines et savoureuses.

« J’adore quand je rencontre des grands-mères qui me disent : “C’est vrai que mes parents faisaient des tisanes avec des plantes séchées… » Il y a un goût de retour en enfance. Je me dis que c’est bien car leur mémoire allait peut-être se perdre, et je suis là pour la réanimer ».

La ferme pédagogique de Caroline connaît un grand succès grâce au bouche-à-oreille. Les visites sont payantes, au prix de 8 euros par adulte et 5 euros par enfant. L’accès au jardin pour découvrir les insectes pollinisateurs est quant à lui gratuit. 

Une production en vente directe

« on veut rester maître de notre produit et ne pas produire pour produire ».

Au sein de sa ferme, Caroline vend de nombreux produits faits maison comme : du miel, des tisanes, de l’hydromel, du pain d’épice, du nougat, du vinaigre, des sirops composés de seulement 55% de sucre ou encore des confitures.

Toute la production est en vente directe et en circuit court. 

« C’est quelque chose d’important pour nous, rien ne part chez des grossistes. On veut rester maître de notre produit et ne pas produire pour produire. On reste fidèle à nos valeurs », affirme Caroline Porteau.

Dans sa ferme, Caroline Porteau vend du miel et de l’hydromel, mais aussi de nombreux produits faits maison. Photo : Caroline Porteau

Depuis près de 10 ans, Caroline et Thierry proposent également de former des futurs apiculteurs amateurs, à raison d’une fois par an. En parallèle de son métier, Caroline est militante au sein de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) et vice-présidente du groupement national bio des Ardennes

« Aujourd’hui, l’agroécologie est un mot rayé du dictionnaire. On ne cherche qu’à pousser l’agriculture dans une seule direction, une agriculture de plus en plus intensive et industrielle, afin de répondre à des normes de compétitivité bien souvent internationales. Les agriculteurs bios sont là pour rappeler qu’il existe des solutions qui reposent sur le vivant et sur un système naturel, loin de la chimie et des rendements surdimensionnés et surdopés ».

Par la suite, le couple envisage de mettre en place un système de ferme auberge et d’organiser une guinguette champêtre. L’occasion pour les agriculteurs de toucher de nouvelles personnes et de leur faire découvrir leur pratique et leurs valeurs.

– Lisa Guinot

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