La Maraude de Lausanne, une action citoyenne composée d’une centaine de bénévoles et de cuisiniers, vient en aide aux sans-abri et personnes dans la misère. Il y a quelques jours, un article du 20 Minutes suisse mettait en cause l’association de fait, qui, selon le journal, viendrait en aide à des dealers de drogues, « principalement [des] Africains de l’Ouest » avec un titre ouvertement racoleur, cherchant le clic sur fond de polémique raciale. Frédéric Nejad Toulami, le « journaliste » à l’origine du papier, se serait présenté sans rendez-vous, sans dévoiler sa profession et filmant les bénéficiaires comme des bêtes curieuses avec une caméra cachée. Un goût du buzz qui passe mal.

Quel fut le choc pour les bénévoles de « La Maraude » en découvrant l’article du site 20 minutes publié à leur sujet le 28 février dernier. Avec un titre évocateur et volontairement choc : « Des trafiquants de drogue chouchoutés dans la rue« , le journal fait un pas de plus dans la désinformation malsaine au détriment direct d’une association de terrain. Totalement à charge contre « les maraudeurs » bénévoles, cet article politisé ne correspond pas au témoignage direct que nous livre Wanda Maspoli, une des six planificateur.trice.s qui soutiennent l’engagement des maraudeurs. Dénonçant l’article du 20 minutes, elle souligne le caractère hétérogène et précaire du public qui se présente aux bénévoles, tout en rappelant que le rôle des associations n’est pas de juger les activités des personnes à qui elles viennent en aide ni à organiser une ségrégation. Comme dans la grande majorité des associations qui viennent en aide aux personnes dans le besoin, tout être humain réclamant de l’aide est accueilli de manière égalitaire par La Maraude.

Extrait de l’article du 20 minutes

Une aide indispensable aux sans-abri

La Maraude de Lausanne est une structure sans but lucratif qui vient bénévolement en aide aux sans-abri de la commune de Lausanne. Ses origines remontent à 2016 lorsque des citoyen.ne.s décident spontanément de soutenir matériellement des personnes devant dormir aux abords du sleep-in de la ville, faute de place dans les bâtiments dédiés aux personnes sans domicile. « Le terme « maraude » vient de Paris où des bénévoles s’engagent pour aider les sans-abri en allant au devant d’eux », nous explique Wanda Maspoli. À Lausanne, depuis que la ville a délogé les personnes aux abords du refuge, « nous allons à divers endroits, ce que nous appelons des « spots », pour aider les sans-abri qui s’y trouvent », ajoute-elle. L’association a également été remarquée pour avoir installé des armoires solidaires en libre service.

Sur le terrain, les maraudeurs apportent toutes sortes de produits de première nécessité, « de la nourriture, des sandwichs (les invendus d’une boulangerie), des boissons chaudes, des vêtements chauds, des sacs de couchage et couvertures » sans se préoccuper de l’origine ou du travail des bénéficiaires. « Ces moments sont privilégiés et nous discutons beaucoup avec les personnes que nous rencontrons », précise notre interlocutrice. Le public que les bénévoles côtoient est très hétérogène : « dans la rue, nous rencontrons des personnes très différentes, des jeunes, des personnes âgées, des femmes, des migrants, des Roms, des toxicomanes, des polytoxicomanes, des dealers, des alcooliques, des personnes en grande détresse psychique, physique ». L’association apporte une aide indifférenciée à ces personnes qui sont toutes dans le besoin.

Armoire à couv’ en libre service / Facebook de La Maraude Lausanne

« Nous ne sommes pas là pour juger »

Wanda Maspoli ne mâche pas ses mots à l’égard de l’article publié dans 20 Minutes. À plusieurs reprises, elle insiste sur le caractère malhonnête des affirmations et dénonce la méthode du journaliste qui s’est introduit un soir parmi les Maraudeurs, en caméra cachée et sans dévoiler sa profession. Pour défendre sa cause, la planificatrice souligne que les associations d’aide aux plus démunis n’ont pas vocation à faire « de distinction ou de hiérarchie dans la souffrance », avant d’ajouter qu’il est hors de question de juger le vécu des personnes qui demandent de l’aide. Par ailleurs, elle tient à préciser que chez La Maraude « nous aidons des êtres humains, pas des activités. Dans la rue, beaucoup de choses sont sombres et si nous ne les cautionnons pas, nous ne les jugeons pas non plus. Nous ne sommes pas là pour ça ». Enfin, contrairement à ce que laisse suggérer Frédéric Nejad Toulami, La Maraude travaille en collaboration avec les autres associations locales, notamment la Fondation Mère Sofia, dont l’action est « complémentaire ».

On notera que le groupe Tamédia, propriétaire, entre autre, de 20minutes.ch, expérimente actuellement en suisse alémanique un système de rémunération de ses journalistes qui remet en cause leur neutralité professionnelle, puisque sont accordées des primes aux rédacteurs des articles les plus consultés sur internet. Entendez : « une prime au clic ». Pas étonnant que les titres racoleurs se multiplient sur les articles, parfois même dans la presse traditionnelle. Si la mesure fait encore débat pour les rédacteurs travaillant en Suisse Romande, il semblerait que la pratique se généralise au détriment du contenu, donc de l’information. Cette vision strictement comptable de l’information met en lumière un aspect de l’évolution actuelle du travail des journalistes qui sont soumis, directement ou indirectement, à une obligation de rendement. Or, une prime à la performance encourage ces journalistes à créer le « buzz » autour de sujets sensibles, quitte à jouer sur les peurs et les haines des citoyen.ne.s, le tout étant très profitable à certains mouvements politiques.

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Sources : 20minutes.ch / lecourrier.ch / Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation

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