Hô-Chi-Minh-Ville : une mondialisation débridée photographiée par Martin Bertrand

VIETNAM - HO-CHI-MINH THE BOULIMIC Portrait of the metropolis Ho Chi Minh City which is experiencing an exponential economic boom. VIETNAM - HO-CHI-MINH LA BOULIMIQUE Portrait de la métropole Ho-Chi-Minh Ville qui vit un boom économique exponentiel.

Le photographe Martin Bertrand a passé un mois et demi à Hô Chi Minh-Ville au Vietnam, explorant la ville depuis ses quartiers populaires jusqu’aux tours de verre. Son reportage photo édifiant nous fait découvrir une ville de 8 millions d’habitants où l’explosion économique de ces dernières années a propulsé une bonne partie des habitants dans l’ère de la consommation à outrance. Interview.

Mr Mondialisation : Qu’est-ce qui t’a mené à Hô Chi Minh-Ville ?

Martin Bertrand : C’était la première étape de mon périple le long des régions qui bordent le fleuve du Mékong et le premier chapitre de mon projet qui s’articule autour de deux aspects : le développement exponentiel des mégapoles et les conséquences pour les régions voisines, notamment en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles (eau, sable, forêt). Les dragages accélèrent l’érosion des sols et la multiplication de barrages hydro-électriques menace la biodiversité.

Ici, ce qui frappe, comme ailleurs dans la région, c’est que la « modernité » est arrivée du jour au lendemain alors qu’en Europe cela s’est fait de manière progressive. Tout se fait de manière exponentielle…

Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand

Mr Mondialisation : … d’où le titre de titre de cette série, « Ho-Chi-Minh la boulimique ». Tes photos donnent également le sentiment d’une construction anarchique de la ville. Est-ce que tu confirmes ?

Martin Bertrand : En ce qui concerne l’architecture, très certainement. Les nouvelles constructions se sont ajoutées aux constructions traditionnelles, les tours de verre ont poussé au milieu des quartiers populaires. Il y a également une anarchie dans la circulation : les vélos et les charrues ont fait place aux scooters – il y a dans cette ville autant de scooters que d’habitants ! – et la circulation se fait dans un grand désordre. Maintenant, les voitures se multiplient également dans les rues, alors que ces dernières ne sont pas adaptées à ces véhicules plus encombrants. Les rues sont bondées, le désordre règne !

Néanmoins, au niveau social, difficile de parler d’anarchie. On est au Vietnam, dans un pays qui est le théâtre d’une dictature communiste et où le pouvoir est détenu par un parti unique. Il verrouille toutes les institutions du pays. Mais d’un point de vue économique, c’est désormais le libéralisme qui s’est imposé.

Mr Mondialisation : Quelle est l’ambition de ce reportage ?

Martin Bertrand : J’ai voulu éviter de faire de la photo de voyage. Certes, le pays est souvent mis en avant dans les revues pour ses attraits touristiques. Mais c’est un pays qui souffre avant tout de problématiques sociales, politiques, économiques et environnementales. J’ai justement essayé de comprendre les mécanismes qui alimentent le développement de la péninsule indochinoise et qui ne sont pas à sens unique : pendant que certains, en particulier dans les mégapoles, jouissent de la réussite économique de la région, d’autres subissent les conséquences de cette croissance exponentielle.

Je n’ai donc pas voulu m’attarder sur les folklores et les traditions locales : j’ai essayé de montrer que j’étais dans une ville du 21e siècle. Ce qui frappe ce sont les excès, les chiffres de la croissance économique et démographique sont énormes. Alors que chez nous, le développement de l’économie a été accompagné par la mise en place de normes sociales, environnementales et sanitaires, dans des pays autoritaires comme le Vietnam, le boom économique s’est fait sans qu’apparaissent de nouvelles législations.

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Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand

Mr Mondialisation : La publicité et la mode sont omniprésentes dans ton reportage. C’est volontaire ?

Martin Bertrand : Oui, c’est toujours cette même idée : sous beaucoup d’aspects, la culture qui s’impose à Hô-chi-Minh ressemble à la nôtre. Le rapport de la population à la consommation et aux centres commerciaux est démentiel, beaucoup pensent que H&M et les autres marques de vêtements sont l’avenir. Via la consommation et la mode, ces personnes cherchent à ressembler aux Européens. Certains centres commerciaux sont titanesques.

Mr Mondialisation : Qu’en est-il de la pollution ?

Martin Bertrand : Dans la rue, tous ces gens qui portent des masques devant leur bouche, ça donne parfois un effet de science-fiction post-apocalyptique. Au milieu de la circulation, l’air est très pollué. Les premiers jours, je ne portais pas de protection, mais j’ai fini par mettre un masque notamment pour me protéger de la poussière.

Mr Mondialisation : Qu’est-ce qui t’a le plus marqué pendant ce séjour ?

Martin Bertrand : Le jour de mon arrivée était un jour gris. Sorti de l’hôtel, j’ai mis plusieurs minutes avant de traverser la rue, tellement la circulation est dense : j’ai observé comment faisaient les habitants et je me suis lancé. Un peu plus loin, un couple s’embrassait sur un banc et derrière eux, des panneaux publicitaires de plusieurs mètres de long étaient suspendus. Il y avait comme une ambiance dystopique.

Pour découvrir le travail de Martin Bertrand : facebook.com/MBphotos7

Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
Crédit image : Martin Bertrand
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