Située dans les environs de Cannes et de Grasse, la petite commune de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) a cette particularité d’être la seule en France dont les cantines scolaires servent des plats 100% biologiques, produits sans intrants chimiques. Avec une régie agricole dédiée écoulant les 20 tonnes de sa production annuelle, ayant su mettre en place d’astucieuses solutions d’organisation pour réduire et recycler ses déchets, elle fait preuve d’une exemplarité qui gagnerait à inspirer d’autres initiatives du même acabit.
Dès la fin des années 1990, la municipalité de 10 000 habitants s’engage avant tout le monde dans une démarche d’inclusion croissante de produits naturels dans les menus des cantines. Et pour cause, si les consommateurs adultes sont libres de leurs choix, pourquoi devrait-on exposer les enfants à des produits industriels potentiellement mauvais pour leur santé et l’environnement ? Ainsi, la proportion de bio atteint les 25% en 2009, 50% en 2010, puis 100% au 1er janvier 2012 ! Mouans-Sartoux disait adieu aux pesticides et autres intrants chimiques dans la nourriture des enfants. « L’objectif prioritaire est de proposer un repas respectueux de la santé de l’enfant en terme d’équilibre alimentaire et de qualité des produits. C’est pourquoi un seul menu sera proposé et un accompagnement éducatif des animateurs incitera les enfants à goûter chaque aliment proposé », peut-on lire sur le site de la Mairie de Mouans-Sartoux.
Mais les décideurs locaux ne s’arrêtent pas là. En 2010, une pesée des déchets de fin de repas met en évidence un gaspillage bien trop élevé. Ce constat encourage les responsables à revoir l’organisation dans les cantines. Gilles Pérole, adjoint municipal en charge de l’enfance et de l’éducation, explique : « On s’est rendu compte qu’on jetait 147 grammes par repas. On était aussi mauvais que les autres ». Une série de mesures est donc adoptée afin de réduire le volume de déchets. Et le bilan parle pour lui-même : 5 ans plus tard, le poids des déchets alimentaires dans la restauration collective a diminué de 80% ! Un record possible grâce à la participation de tous, même des enfants…
100% bio : un exemple concret de relocalisation agricole
Mais comment ? Leur méthode : adapter les quantités à la consommation réelle des enfants. C’est évident, mais la pratique demande de l’organisation. En effet, chaque élève choisit sa propre portion… et peut obtenir « du rab » à volonté. Les pommes et les oranges sont coupées en petits quartiers, eux aussi en service à volonté. Responsable, chacun consomme ce qu’il sait qu’il va manger. Une partie des repas étant préparée « en direct », la quantité de nourriture cuisinée est également plus facilement adaptée à la demande des enfants. Par ailleurs, la commune s’engage à réduire la part de viande dans la consommation pour les mêmes questions écologiques. Chaque acteur se voit responsabilisé dans ses choix. Des choix qui pourront, peut-être, devenir des automatismes une fois à l’âge adulte. Car c’est probablement tout l’enjeu d’un tel engagement : ne pas « cultiver » des enfants à devenir de futurs consommateurs de produits industriels, déconnectés de l’origine des choses qu’ils mettent dans leur bouche.
Photographie à la discrétion du site de la commune de Mouans-Sartoux
Toutes ces mesures se ressentent sur le volume des déchets générés : de 40kg, la moyenne mensuelle de déchets générés à chaque repas était passée en 2014 à 10kg. Qui plus est, ceux-ci sont directement triés dans des poubelles adaptées. Heureuse conséquence : une économie de 0,20€ par repas (d’1,90€ en 2009 à 1,70€ en 2011, alors que la part du bio dans les cantines passait de 25% à 73% ), ce qui finance le surcoût des produits biologiques ! Le projet démontre ainsi que le choix d’une alimentation plus saine n’est pas toujours plus cher pour la collectivité quand il est organisé de manière intelligente en limitant le gaspillage alimentaire. C’est ainsi que ce modèle de gestion raisonnable des quantités a permis de passer dans les cantines au 100% bio depuis le 1er janvier 2012. Sans surprise, l’indice de satisfaction des parents atteint les 97%. Et l’initiative contribue aussi, par effet tache d’encre, à sensibiliser les parents et autres habitants de la commune, qui achètent de plus en plus de bio à la maison.
Sous une perspective écologique et décroissante, le lien entre la démocratie et l’autonomie alimentaire est aujourd’hui bien connu. En l’espèce, Mouans-Sartoux, qui est autonome à 80% en légumes, montre l’exemple des conditions d’une relocalisation qui fonctionne : une méthode efficace de limitation des déchets, un recyclage de ceux-ci (les épluchures, par exemple, vont au lombricompost, qui à son tour est réutilisé ultérieurement) ; le choix de privilégier le circuit court et la production bio en circuits courts, solution qui fait le double choix de l’écologie et de l’appui à l’économie agricole locale. Une régie agricole a même été créée en 2011 afin de maîtriser les coûts d’approvisionnement. En 2012, un plan local d’urbanisme a triplé la surface réservée aux activités agricoles de la région (de 42 à 119 hectares). Aujourd’hui, le modèle singulier de Mouans-Sartoux est bien ancré dans les habitudes et économiquement pérenne. On en prend de la graine ?
Une seule question se pose alors. Un tel modèle est-il reproductible dans des centres urbains de plus grande taille ? L’interrogation est lancée.
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