Le sort de l’Aquarius a fait la une des médias ces derniers jours, alors que le gouvernement italien a refusé d’accueillir le navire de secours transportant 629 personnes exilées en manque de vivres. L’évènement a, une fois de plus, fait l’objet de multiples polémiques stigmatisant souvent les réfugiés en dépit de leur situation d’extrême détresse. Exodos, reportage réalisé par Fabien Guillermont en 2016, nous emmène au-delà des clichés faciles et des caricatures et nous propose de découvrir la réalité de la vie et des opérations de sauvetage à bord du bateau. Le producteur a décidé de mettre son film en diffusion gratuite en réaction à ces évènements récents.
Les images dures et brutes du film Exodos ont été prises par Fabien Guillermont entre le 14 septembre et le 6 octobre 2016 à bord de l’Aquarius, quelques mois après la mise en service de ce navire de l’ONG SOS Méditerranée. Elles montrent, sans commentaire, le déroulement des opérations de sauvetage en mer entre les côtes de l’Europe du Sud et celles de l’Afrique du Nord, là où des milliers de personnes tentent de rejoindre l’Europe à l’aide de frêles embarcations. Si des femmes, hommes et enfants décident d’affronter ce voyage en dépit de tous les risques auxquels ils s’exposent, c’est qu’ils fuient la faim, la soif, le changement climatique, les crises économiques et des régimes qui les persécutent. Souvent, ces causes s’entremêlent. Entre 1993 et 2017, selon des journalistes allemands, 33.000 personnes seraient mortes en tentant de rejoindre l’Europe.
Une poignée de bénévoles au secours de centaines de personnes en détresse
« En réaction à la situation critique que traverse les membres d’équipage de l’Aquarius et le combat politique qui s’engage autour de l’action de ces bénévoles au sein de l’ONG SOS Méditerranée, j’ai décidé de mettre en ligne la totalité du film EXODOS, réalisé à bord de l’Aquarius en septembre-octobre 2016″, nous explique le réalisateur, qui s’engage lui-même bénévolement auprès de l’ONG. Ainsi, le film suit les membres d’équipage tout au long de leur « rotation » et montre de manière précise la vie à bord et le travail effectué par les sauveteurs.
Sur le bateau, un équipage bénévoles de 12 personnes et de 7 ou 8 médecins et infirmiers qui sont à bord pour prendre soin des personnes secourues en leur apportant de l’eau et de la nourriture. Certaines personnes, déjà fragilisées par le long périple derrière eux, sont dans un état de fatigue extrême ou blessées et ont besoin d’interventions urgentes et importantes. Les bénévoles prennent des risques personnels importants et interviennent avec courage malgré les moyens matériels et humains précaires à leur disposition.
« Il me semble nécessaire dans le contexte actuel que les gens aient accès à cette information et comprennent la difficulté de telles opérations, ainsi que leur durée, et les complications qu’elles peuvent engendrer », confie Fabien Guillermont qui n’hésite pas à dénoncer « l’inaction des États européen alors que cette crise est annoncée depuis plusieurs années ». Mais les citoyens européens ont-ils réellement conscience que l’essentiel des personnes qui décident de s’engager sur les bateaux de sauvetage sont des personnes bénévoles qui ne disposent pas vraiment de formation et qui apprennent sur le terrain ? Que les bénévoles sont souvent de jeunes étudiants qui ont pris la décision d’interrompre leurs études pour un engament périlleux et dangereux, où ils risquent non seulement leur vie, mais sont également parfois menacés juridiquement ?
Alors que les portes de l’Europe se ferment, la situation des réfugiés s’aggrave
C’est finalement l’Espagne qui a décidé de faire un geste envers l’équipage et les personnes à bord, en annonçant que le navire pouvait accoster dans le port de Valence. La France, elle, s’est montrée particulièrement silencieuse à ce sujet, ce qui a été critiqué par de nombreuses associations et médias. Pour se justifier, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a indiqué ce 12 juin devant l’Assemblée Nationale que l’Espagne était le pays le plus proche pour le bateau, une affirmation pourtant fausse, comme le montre « Le Monde ». Pour rappel, les vivres commençaient à manquer dangereusement à bord.
Pour les réfugiés et les migrants, la situation est de plus en plus préoccupante. L’Union européenne ferme progressivement ses portes et les membres tardent à prendre des décisions politiques commune pour venir en aide aux personnes en détresse, à l’image de l’échec de l’opération de sauvetage « Mare Nostrum » en 2013 et 2014 et pour laquelle seule l’Italie s’était véritablement impliquée. Et pendant que les chefs d’Etat se rejettent la balle des responsabilités, les corps de ceux qui fuient l’oppression, la misère et la guerre s’accumulent au fond de la méditerranée dans une indifférence qui glace le sang. Une régression inédite pour les droits humains portée par ceux qui n’hésitent pourtant pas à se vanter des Droits de l’Homme dans leurs discours, tout en prenant des décisions économiques qui parfois génèrent les conditions d’un exode rural en Afrique du Nord.
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