Parce qu’il s’agit d’une idée reçue qui a décidément la vie dure, le Centre de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles de l’Université du Kansas a organisé une exposition inédite présentant les vêtements portés par des victimes de viol. Dans le but de susciter une prise de conscience afin que la responsabilité d’un crime cesse d’être rejetée sur la victime à l’aide de quelques odieuses pirouettes sémantiques.
C’est une question que se sont vues poser nombre de victimes de viol et que d’autres entendront encore, hélas : « Tu portais quoi comme vêtement ? ». Car dans l’inconscient collectif d’encore trop de personnes, hommes comme femmes, si une personne est abusée sexuellement c’est qu’il existerait une justification à la conduite de l’agresseur… Une excuse d’une incroyable violence qui contribue à déresponsabiliser le violeur et au contraire à culpabiliser la victime, ce qui l’incitera parfois à ne pas porter plainte (souvent un parcours du combattant, que seules 10% des victimes ont le courage d’effectuer en France). Dans le pire des cas, la victime incomprise ira jusqu’au suicide.
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La cause d’un viol : une mini-jupe, l’alcool, la drague, marcher seul, la télévision/le cinéma ? non, uniquement le violeur.
Parmi les reproches adressés aux victimes de violences sexuelles, celui qui revient le plus souvent concerne les vêtements portés par la victime lorsqu’elle a été agressée. Tenue qui aurait été « trop sexy » ou « trop aguicheuse » selon des critères purement subjectifs donc, car ils ne seront pas les mêmes selon les époques et les pays. Cette question déplacée revient trop souvent dans la bouche de proches, des soignants, de policiers ou même de juges. C’est pour tordre le coup à cette idée fausse qu’une exposition intitulée « What were you wearing ? » (« Comment étais-tu habillée ? ») a été créée, en se basant sur des témoignages d’étudiantes et pour laquelle sont exposées des reproductions fidèles des tenues portées par les victimes et le récit de leur agression.
Ce projet né de la volonté de Jen Brockman, directrice du Centre de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles de l’Université du Kansas, a pour objectif de sensibiliser le public et de faire cesser de rejet de la faute sur les victimes. L’organisatrice précise : « Nous voulons que les visiteurs puissent se voir eux-mêmes dans l’exposition, aussi bien dans les tenues que dans les récits. Le but est d’arriver à ce qu’ils se disent : ‘Eh ! J’ai la même tenue dans mon placard’ ou ‘J’étais habillée comme ça cette semaine.’ Nous tentons ainsi de tordre le cou à la croyance selon laquelle il suffit d’éviter de porter cette tenue pour être sûre de n’avoir aucun problème, ou que l’on peut faire disparaître les violences sexuelles en changeant de manière de s’habiller ». Car parmi les vêtements présentés, on retrouve : maillot de bain, robe (d’enfant), t-shirts, jeans, pantalons larges et pyjamas… des tenues de tous les jours.
« Une robe d’été. Des mois plus tard ma mère se tenait devant mon placard et se plaignait que je ne mettais plus de robe. J’avais 6 ans. »
Il serait rassurant de se dire qu’un viol peut être évité si on porte la tenue « adéquate » (encore une fois selon quels critères ?), mais la réalité est différente et difficile à entendre pour beaucoup. Personne n’est à l’abri d’un viol, car le seul responsable d’un viol est le violeur. Ce qui pousse un violeur à agir, contrairement à ce qu’un quart des Français pensent encore, n’est pas la tenue ou le comportement de sa victime, mais uniquement la volonté de l’asservir, de la dominer, et c’est de cela qu’il tire son plaisir, non d’une pulsion sexuelle subite et incontrôlée que pourrait provoquer le « sexappeal » de la victime. Une victime qui, dans la majorité des cas, connait son agresseur, contrairement à l’image du viol que se font la plupart des gens « lieu le soir dans une ruelle sombre par un étranger guettant sa proie » (le fameux mythe du vrai viol).
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Et tant que toutes les idées fausses autour de ce crime (à la fois trop peu souvent jugé aux assises et trop peu condamné en France) n’auront pas été éradiquées les initiatives comme cette exposition seront nécessaires. Pour terminer sur une note d’espoir, on remarquera que l’exposition a eu des retours positifs dans les sept lycées et universités de l’Arkansas, du Kansas et de l’Iowa qui l’ont accueillie depuis 2014. On veut y voir un signe que les mentalités bougent enfin.
(Les établissements américains qui le souhaitent peuvent contacter le Centre de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles de l’Université du Kansas pour recevoir l’exposition dans leurs murs. Et pour toucher un public international elle devrait être mise en ligne dans le courant de l’automne sur le site du Centre de prévention).
S. Barret
Sources : huffingtonpost.fr / chicagotribune.com / indianwomenblog.org / stop-violences-femmes.gouv.fr
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