Depuis de nombreux mois, les soutiens d’Emmanuel Macron ne cessent de se féliciter de la « baisse du chômage ». Reprises par les médias de masse, ces annonces cachent pourtant une malhonnêteté intellectuelle. Certaine allient manipulation des chiffres et occultation de la réalité engendrée par les politiques du gouvernement, notamment en matière de pauvreté. Décryptage.

À en écouter le pouvoir en place, la France n’aurait pas connu une telle situation depuis quarante ans : le taux de chomage serait au plus bas. La presse des milliardaires n’a d’ailleurs pas tardé à lui emboîter le pas, évoquant sans nuances ce moment « historique ». Bien entendu, la précarisation grandissante de l’emploi ou les petits arrangements avec les chiffres opérés par l’État ont bien moins été évoqués.

Plusieurs catégories de chômeurs

Pour bien comprendre les données utilisées par les médias et le gouvernement, il convient d’abord de noter qu’il existe plusieurs catégories de chômeurs allant de A à E. C’était généralement la première qui était mise en avant par les observateurs. Celle-ci concerne les « personnes sans emploi, devant accomplir des actes positifs de recherche d’emploi. »

Source : Pôle emploi

Autrefois, cette classification était assez similaire de celle de la définition du chômage selon le Bureau International du Travail (BIT). Or, depuis une dizaine d’années, les deux chiffres se sont largement éloignés.

Sortir les gens des statistiques avec des formations

Ainsi, comme le rapporte le média Elucid, il existe aujourd’hui pas moins de 800 000 chômeurs de plus en catégorie A que selon la définition du BIT. Une différence que l’on peut en partie expliquer par le nombre grandissant de seniors sans profession, mais aussi par une politique gouvernementale poussant massivement les chômeurs vers des formations.

On a par exemple pu voir une forte redirection des jeunes vers l’apprentissage avec 800 000 contrats signés rien qu’en 2022. Or un quart d’entre eux ne termine jamais son cursus, et 35 % de ceux qui arrivent au bout ne parviennent pas à trouver un travail dans les six mois qui suivent.

La nouvelle loi « France Travail » obligeant les allocataires du RSA à 15 heures d’activité hebdomadaires pour continuer à toucher leurs aides va d’ailleurs aussi dans ce sens. En effet, effectuer une formation pourra permettre aux bénéficiaires de toujours percevoir ce revenu. Or, un chômeur engagé dans cette voie sortira immédiatement des statistiques du BIT et ne sera donc pas considéré comme à la recherche d’un emploi.

20 % de la population active inscrite à pôle emploi

Rien de surprenant, donc, à ce que les responsables politiques et les médias préfèrent mettre en avant la définition du BIT qui concerne actuellement 2,2 millions de personnes. Si l’on s’intéresse aux chiffres des autres catégories, les résultats sont en effet beaucoup moins glorieux.

Pour la catégorie A, il y a environ 3 millions de chômeurs, soit 9,8 % des actifs. Toutes catégories confondues, l’addition grimpe même jusqu’à 6,1 millions de chômeurs, soit 19,96 % des actifs. Autrement dit, près d’un actif français sur cinq est en recherche d’un poste. De quoi émmettre des doutes face au gouvernement qui ose évoquer le « plein emploi » comme objectif.

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Lorsque l’on observe ces indicateurs plus larges, on comprend mieux pourquoi la Macronie fait tout pour transvaser les chômeurs d’une catégorie à une autre. C’est d’ailleurs bien dans cette optique qu’il a mené diverses réformes, comme celle de l’assurance chômage. Tout en justifiant ces réformes par l’idée mensongère que les chômeurs refuseraient de travailler. 

En s’attaquant au Code du travail et en libéralisant encore plus le marché, il a également permis la multiplication des contrats précaires et courts, notamment en intérim. Reste que toutes catégories confondues le nombre de demandeurs d’emploi a bien augmenté de près de deux millions de personnes depuis la crise de 2008.

Et si on arrêtait de prendre le chômage comme un indicateur de santé du pays ?

Au-delà du débat statistique, il est aussi sain de s’interroger sur la pertinence de l’utilisation des chiffres du chômage pour évaluer la situation d’un pays. C’est bien pourtant ce que font bon nombre de politiciens, en particulier les défenseurs du capitalisme et du productivisme.

Dans ce contexte, un pays qui fonctionnerait bien serait donc un pays qui mettrait un maximum de personnes à l’emploi, comme si la destinée de chaque être humain était avant tout de travailler pour un marché capitaliste

Or, il serait plus sain de considérer d’autres indicateurs comme la santé physique et psychologique des habitants par exemple. Et pour en arriver là, il faudrait déjà garantir une vie digne à chaque individu. Un objectif qui est loin d’être foncièrement corrélé aux statistiques du chômage.

Une recrudescence de travailleurs pauvres

Pendant que le gouvernement se gargarise de ses effets de manches, ce sont bien les plus précaires de ce pays qui continuent de trinquer, non seulement financièrement, mais aussi socialement tant une bonne partie du spectre politique passe son temps à les traquer.

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, le nombre de pauvres en France n’a d’ailleurs cessé de progresser. Leur niveau de vie s’est, en outre, dégradé d’autant plus. D’après une enquête, plus d’un tiers des Français déclarent de même ne plus pouvoir manger trois fois par jour et se priver régulièrement de nourriture pour subvenir aux besoins de leurs enfants.

Il demeure en effet de multiples travailleurs précaires ; un Français sur dix se trouve dans cette situation. En outre, un sur cinq estime que son emploi est inutile, et neuf sur dix s’ennuient souvent durant leur activité professionnelle. Des chiffres qui n’ont pourtant pas l’air d’intéresser beaucoup les responsables politiques promoteurs du capitalisme.

– Simon Verdière


Photo de couverture de The New York Public Library sur Unsplash

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