Dans ce contexte d’effondrements écologiques et sociaux, les alternatives au modèle dominant jouent un rôle essentiel dans la construction de notre avenir collectif. Parmi elles, Bascule Argoat, un tiers-lieu implanté depuis quatre ans en Bretagne, aujourd’hui menacé de fermeture administrative. Un financement participatif a été lancé pour sauver ce lieu de partage autogéré, ouvert à tous·tes et porteur de projets engagés.
Installé depuis décembre 2019 dans l’ancienne blanchisserie de l’abbaye de Langonnet, à Plouray (dans le Morbihan), Bascule Argoat fait partie des rares tiers-lieux fonctionnant en autogestion. Cet épicentre de résilience, de solidarité et de gouvernance partagée se retrouve toutefois aujourd’hui sous une épée de Damoclès : il reste moins de cinq mois aux membres de l’association pour réaliser des travaux de rénovation afin de répondre aux normes ERP (établissement recevant du public), sous peine de fermeture administrative.
Pour pouvoir payer les frais conséquents de cette mise en conformité, l’association a lancé un financement participatif qui a, jusqu’ici atteint 82 % de l’objectif. Les fonds perçus au-delà seront destinés au développement des multiples facettes de ce tiers-lieu engagé. La campagne se termine le 15 janvier.
« Un lieu d’accueil, de formation et d’engagement politique »
Face à la crise écologique, sociale et démocratique en cours, beaucoup se sentent désarmés et ne savent pas comment s’y prendre pour faire évoluer la situation de manière tangible. Comment apporter sa pierre à cet immense édifice qu’est la transition vers une société plus viable ? Les actes individuels et isolés, s’ils ont bien entendu leur utilité, demeurent toutefois largement insuffisants pour changer réellement la donne.
Le monde politique, quant à lui, sombre chaque jour un peu plus dans le déni de la démocratie, sur la voie du fascisme. C’est pourquoi les actions collectives sont le levier majeur des changements sociétaux nécessaires. Agir ensemble, c’est partager et mettre en action des connaissances, des compétences et des expériences qui, mises commun, constituent un réel rempart face au système dominant qui détruit chaque jour un peu plus la dignité des individus.
Parce qu’il est plus que temps aujourd’hui de basculer vers une nouvelle société, un réseau national intitulé « La Bascule » a été créé en 2019, destiné à l’origine à fédérer des mouvements citoyens naissants et existants. Un projet qui n’a pas cessé d’évoluer depuis quatre ans, devenant un « archipel de projets coopératifs » qui se compose de trois lieux collectifs (L’Oasis des âges, Bascule Argoat et La Caserne Bascule) et d’organismes éducatifs proposant des formations centrées sur la coopération, la permaculture et la gouvernance partagée. Le but ? Bâtir un avenir plus serein pour tous·tes en faisant basculer le système vers une société plus juste envers les êtres vivants.
Incarner une utopie
Implanté depuis quatre ans dans une ancienne bâtisse au bord d’un lac, Bascule Argoat est un lieu de vie collectif destiné à accueillir tout·e un·e chacun·e voulant participer à la mise en œuvre du monde d’aujourd’hui et de demain. Actuellement en éco-rénovation par les membres de l’association, on y pratique la permaculture et la création d’outils low-tech pour diminuer notamment l’impact environnemental des habitant·es et développer leur autonomie.
En autogestion, Bascule Argoat mise sur la gouvernance partagée – c’est-à-dire une absence de hiérarchie dans les rapports et les décisions. Un lieu de sobriété heureuse, de partage, d’entraide, de convivialité et par dessus tout, de respect du vivant sous toutes ses formes. L’association est également porteuse de projets et d’actions engagés, à la fois sur le plan social, environnemental et démocratique. L’échange et la sensibilisation des populations aux problématiques d’aujourd’hui fait aussi partie de ses objectifs.
Doté d’une grande capacité d’accueil, il s’agit d’un lieu ouvert aux personnes souhaitant faire l’expérience d’un mode de vie plus durable, en communauté. L’écologie, l’amour, la démocratie, l’ouverture, l’épanouissement, l’expérimentation mais aussi la radicalité – en conscience de la gravité de la situation dont les causes à déconstruire sont structurelles –, constituent le socle de valeurs bien ancré de Bascule Argoat. En immersion dans les forêts bretonnes, ce petit paradis terrestre se trouve en bordure d’un lac, entouré d’une forêt verdoyante.
« Aujourd’hui, surtout en Occident, nous avons pris le contrôle presque total des territoires. Il y a très peu de place laissée à l’inconnu, comme si nous avions peur de lui. C’est aussi dans un souci de rentabilité et de rendement des espaces que nous prenons la liberté de prendre possession des terres. Il faut bien habiter quelque part, il faut bien se nourrir. Mais nous posons-nous les bonnes questions avant d’intervenir avec la main aussi lourde ? Notre modèle de vie est-il le plus juste ? Notre modèle d’habitat ? Notre modèle alimentaire ? Sommes-nous prêts à sacrifier la biodiversité qui nous entoure pour notre confort ? »
Un séjour d’exploration d’au moins une semaine est proposé à celles et ceux qui souhaitent découvrir Bascule Argoat, suivi ensuite d’une immersion plus longue pour les désireux·ses de continuer l’aventure. Les définitivement conquis·es peuvent ensuite faire une demande pour rejoindre le collectif et emménager sur les lieux. Il est également possible de s’engager auprès de Bascule Argoat sans y établir résidence en devenant un·e membre extérieur·e.
De l’importance des tiers-lieux face à un modèle en effondrement
Les lieux alternatifs comme Bascule Argoat jouent un rôle primordial dans la construction d’un modèle de société viable, à l’heure où la décroissance devrait être le maître mot de tout projet naissant. Ces hauts-lieux de pratiques durables misent principalement sur la coopération, le partage des ressources et l’économie collaborative, montrant qu’il est possible de vivre autrement qu’en suivant le modèle de consommation dominant.
Ils sont un rempart de taille face au monstre industriel qui ravage sans répit notre planète. Et c’est bien pour cela que Bascule Argoat est menacée de fermeture administrative par la Préfecture. Celle-ci n’avait jusque là jamais inquiété le tiers-lieu. Mais depuis que certain·es de ses membres s’engagent contre l’agro-industrie et les fermes-usines, la répression se manifeste sous différentes formes : perquisition, contrôles judiciaires et désormais menace de fermeture administrative.
Ainsi, Bascule Argoat se positionnant comme un caillou dans la chaussure à un modèle mortifère, ce dernier tente de le faire disparaitre. Bascule Argoat doit perdurer et poursuivre sa contribution à la construction d’un futur durable et serein. Protéger les tiers-lieux, c’est protéger notre avenir collectif.
– Elena M.
Photo de couverture : @Bascule Argoat