Bien souvent, lorsque nous avons une opinion tranchée, celle-ci rejoint exactement le préjugé que nous avions dès le départ avant de nous renseigner sur le sujet. Ce phénomène, nommé biais de confirmation, est la tendance naturelle à ne considérer que les informations qui corroborent nos a priori.

Une personne intimement convaincue de quelque chose ne retiendra que les éléments qui vont dans ce sens, aussi bien dans les données qu’elle verra passer ou bien dans les faits qu’elle interprétera de la manière qui l’arrange. Ainsi, tout ce qui validera sa thèse sera repéré par son cerveau tandis qu’à l’inverse, tout ce qui l’infirmera sera rejeté ou ignoré.

Se voiler la face pour parfaire un biais de confirmation. Photo de Samson Katt sur Pexels

Une origine floue, mais une existence certaine

Si l’existence du biais de confirmation ne fait plus débat dans la communauté scientifique, ce n’est en revanche pas le cas de son origine. À ce propos, les chercheurs donnent encore plusieurs explications sans être capables de trancher pour l’une ou pour l’autre.

Le biais de confirmation pourrait par exemple avoir un rapport avec l’inaptitude du cerveau humain à s’adapter à la vitesse de l’actualité de nos jours. Des siècles d’évolution l’ont au contraire programmé à recevoir très peu d’informations dans sa vie. Devant le flux permanent contemporain, il aurait alors une propension à simplifier les choses et prendre des raccourcis.

Pour un esprit humain, il est bien plus facile d’appréhender le monde à l’aide de ses préjugés et de ses croyances existantes plutôt que constamment les remettre en cause. Un processus qui explique aisément que l’humain ait tendance à sélectionner et à se souvenir uniquement de ce qui va conforter ce qu’il pense déjà et ainsi économiser énormément d’énergie.

Avoir raison à tout prix

Une autre explication convaincante pour justifier l’existence de ce problème réside dans une volonté forte d’avoir raison. De fait, dans un mécanisme de pensée de compétition et de pouvoir (particulièrement prégnant dans les sociétés capitalistes et patriarcales), admettre ses torts est très vite perçu comme une faiblesse.

Ainsi le cerveau va protéger l’individu de ce phénomène en le poussant à conserver son point de vue afin de ne pas perdre la face. Reconnaître une erreur ou avoir été trompé peut, en effet, être vécu comme une forme d’humiliation, d’autant plus lorsque l’individu s’est engagé de toute son âme pour défendre son opinion. C’est d’ailleurs sur ce même mécanisme que se fonde en partie la mauvaise foi.

La compétition et le pouvoir empêche l’humilité et pousse à la mauvaise foi. Photo de Pixabay

Trouver des raisons de croire ce que l’on pense

Ce procédé se retrouve dans de nombreux débats, en particulier politiques, où le but n’est plus la recherche de la vérité, mais bien d’avoir raison. Par la suite, lorsqu’une affirmation ou une opinion sera discréditée par des faits tangibles ou par la science, l’individu se trouvera confronté à une dissonance cognitive : pour garder une situation psychologique confortable, un individu aura besoin d’établir une cohérence entre ses actions et ses croyances.

L’un des exemples les plus célèbres est sans doute celui de l’amoureux des animaux qui mange de la viande. Pour mettre fin à cette situation d’incommodité mentale, il aura deux solutions possibles. La première consiste tout simplement à devenir végane. La deuxième sera d’opter pour une forme de déni. Il devra alors se construire un discours permettant de justifier son comportement. Sur cette voie, le biais de confirmation jouera un rôle majeur puisqu’il conduira l’individu en question à ignorer tout ce qui remettrait en cause sa parole et pourrait le replonger dans une position importune.

Les théories du complot 

La période de pandémie de covid-19 a également été l’un des plus beaux exemples de conjoncture favorable au biais de confirmation. A eu lieu à un festival de personnes refusant de croire à la réalité de l’épidémie, sélectionnant uniquement les rares médias et articles allant à contre-courant des faits pour conforter leurs propres préjugés.

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Par ailleurs, le même processus peut être observé avec de nombreuses théories alternatives à la science. Il peut être par exemple évoqué le climatosceptiscisme, le grand remplacement, le great reset, ou encore la rotondité de la terre. Si ces biais sont évidemment déplorables, il est intéressant de s’interroger sur les raisons qui engendrent de tels préjugés à l’origine et pourquoi autant d’individus choisissent de s’y engouffrer.

Le complotisme se nourrit de biais de confirmation. Photo de Markus Winkler sur Unsplash

Une remise en question nécessaire

Les algorithmes pourraient à nouveau être blâmés : ils ont tendance à mettre sous les yeux des utilisateurs des informations en adéquation avec leurs points de vue. Internet en général permet d’ailleurs à un individu de trouver des arguments pour étayer n’importe quel propos, y compris lorsque cette opinion est farfelue et ultra minoritaire. Il est, par exemple, parfaitement possible de dénicher des sites donnant des « preuves » que la terre est plate. Dans ce cas de figure, la personne choisira volontairement d’ignorer toutes les pages qui la contredisent, en sélectionnant au contraire celles qui vont la conforter.

En outre, les responsabilités des gouvernements libéraux successifs peuvent également être pointées du doigt. En menant des politiques de plus en plus opposées aux intérêts populaires, le lien de confiance qui devrait exister entre le peuple et les pouvoirs publics a largement été entamé. Certaines personnes se sont alors laissées aller à une pensée binaire, où tout ce qui viendrait du « système » serait foncièrement mauvais.

Toutefois, la réalité est sans doute plus complexe et le monde n’est pas tout noir ou tout blanc. Fondamentalement, n’importe qui peut mentir ou dire la vérité. Ainsi, pour appréhender des informations en se préservant au maximum du biais de confirmation, il est essentiel de croiser les sources, mais surtout de faire preuve d’esprit critique et de ne surtout pas se croire « du côté du bien ».

Il serait en effet illusoire de se figurer que le biais de confirmation ne « concerne que les autres ». Des études démontrent même qu’il peut frapper n’importe qui indépendamment de son « intelligence ». Les gens obsédés par la compétition seraient en revanche plus touchés par ce phénomène. Le lien semble d’ailleurs plutôt logique puisque ce type de personnalité favorise la « volonté d’avoir raison ».

Pour finir, le fait d’avoir conscience de ses potentielles failles est déjà un premier pas pour tâcher de les réduire. Reste ensuite à essayer de penser contre soi-même (par exemple en tentant de démontrer que ce que l’on croit est faux) et comprendre le point de vue d’autrui. Pour cela, il sera évidemment nécessaire de faire preuve d’empathie, de respect et surtout d’humilité. Et bien se souvenir, qu’en ce bas monde, personne n’est à l’abri de se tromper.

– Simon Verdière


Photo de couverture de JESHOOTS.COM sur Unsplash

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