D’ici 2022, l’entreprise nantaise Neoline promet de lancer une ligne de fret reliant l’Europe aux États-Unis avec des navires à propulsion éolienne. Le retour du voilier inaugure-t-il une nouvelle ère pour le transport maritime avec un modèle responsable, « propre » et décarboné ?
On pourrait s’en réjouir : une entreprise française, Neoline, envisage de lancer un service de transport de marchandises grâce à des cargos à voiles d’ici 2022. L’ambition : « économiser entre 80% et 90% de la consommation de fuel, tout en assurant un service compétitif et efficace » et ce grâce à la propulsion éolienne, apprend-on sur le site de l’entreprise. Les entrepreneurs à l’origine du projet espèrent même que les prix élevés des carburants (qui ont néanmoins chuté au dernier trimestre 2018), puissent rendre l’alternative attractive face à la concurrence. Ils peuvent également espérer bénéficier d’aides à la transition écologique, si les États prennent à bras le corps la question du changement climatique et celle de la pollution de l’air.
Après une phase de test en 2020 et 2021, Neoline devrait proposer un service de fret régulier entre Saint-Nazaire et la côte Est des États-Unis. Les navires, de 136 mètres de long et qui pourront atteindre une vitesse de 11 noeuds, feront deux rotations mensuelles et seront capables d’accueillir « une très grande variété de frets ». Jusqu’à 5000 tonnes de marchandises pourront être transportées à travers l’Atlantique en treize jours. La propulsion auxiliaire diesel-électrique ne devrait être utilisée que pour certaines manœuvres plus compliquées, dans les ports notamment. Une réduction de 80% et plus du carburant consommé n’est pas une amélioration négligeable.
Des géants dépendants au fioul lourd
La mondialisation actuelle est toujours calquée sur une énergie bon marché et abondante, permettant des échanges internationaux à petits prix. Les arguments en faveur du transport à la voile sont donc nombreux, alors que le transport maritime et ses immenses cargos sont régulièrement accusés d’être à l’origine de pollutions. À ce jour, les moteurs des cargos sont essentiellement alimentés avec des hydrocarbures de densité importante et les géants des mers sont l’un des premiers consommateurs de pétrole. À raison de 250 millions de tonnes de carburant par an, ils engloutissent à eux seuls environ 10 % de la production pétrolière mondiale.
Le fioul lourd dont les transporteurs maritimes sont accros est obtenu par des processus successifs de distillation et de craquage du pétrole brut, ce qui permet de séparer d’un côté les hydrocarbures de faible et de moyenne densité comme l’essence ou le diesel et le carburant d’aviation, de l’autre les hydrocarbures lourds et visqueux, comme le fioul lourd. Concentrant les impuretés et les contaminants, le fioul lourd est à l’origine de pollutions importantes de l’air, notamment au soufre.
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D’ici le 1er janvier 2020, le mazout soufré devrait être interdit dans la marine marchande. Privé de l’un des carburants les moins chers du marché, les transporteurs devront se tourner obligatoirement vers des alternatives certes moins polluantes, mais également moins bon marché, ce qui pourrait conduire à une augmentation importante du prix du transport. D’autres analystes craignent que les raffineries ne puissent pas répondre à la hausse de la demande de mazout peu soufré, laissant présager de nouvelles tensions sur un marché qui fait d’ores et déjà les montagnes russes.
Dans ce contexte, l’idée de Neoline fait mouche. L’entreprise Renault pourrait figurer parmi les premiers clients. Un siècle après avoir été remplacés par des navires propulsés au mazout, les voiliers feront-ils leur grand retour ? Si l’idée est séduisante à certains égards, elle ne laisse pas moins certaines interrogations en suspens. Parmi elles, cette question brûlante : ces voiliers seront-ils capables, à terme, de se substituer aux concurrents plus polluants ou ne feront-ils qu’augmenter le nombre de marchandises transportées d’un bout à l’autre de la planète ? Ou, au contraire, l’augmentation du prix des transports va-t-elle encourager la consommation locale ? Sans impulsion politique, rien n’est moins certain…
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