Alors que l’irresponsabilité sanitaire et environnementale de notre consommation de viande est une problématique qui entre progressivement dans le débat public, Greenpeace jette un nouveau pavé dans la mare en dénonçant l’influence qu’ont les lobbies sur l’alimentation dans les écoles en France. La conséquence n’étonne pas : les assiettes proposées contiennent trop de viande et de produits laitiers, souvent plus de deux fois trop ! L’ONG demande au gouvernement d’entamer une réforme profonde de l’alimentation en milieu scolaire en réduisant la consommation excessive de viande et en bannissant l’influence des lobbies des établissements. L’ensemble du rapport peut être consulté en ligne, il est également disponible sous forme résumé. La pétition de Greenpeace est à retrouver sur le site de l’ONG. 

Les cantines scolaires en France, c’est pas moins de « 6,8 millions d’élèves concernés, un milliard de repas proposés par an, plus de 80 000 tonnes de produits carnés et plus de 120 000 tonnes de produits laitiers distribués chaque année, pour un chiffre d’affaires de plus de 460 et 280 millions d’euros respectivement ». Si les chiffres sont effrayants, car, en plus des conséquences sanitaires connues, la consommation excessive de viande participe à la déforestation globale et au changement climatique (14,5 % des émissions de gaz à effet de serre sont la conséquence de l’élevage), le secteur scolaire représente un levier important pour commencer à réduire la consommation de viande et changer les habitudes alimentaires, mais aussi pour protéger les enfants. Pourtant, pas si facile quand les lobbies ont un poids considérable dans les instances de décision.

Deforestation

Les lobbies influencent le contenu des assiettes des enfants

En effet, en pratique, c’est le Groupe d’Étude des Marchés de Restauration Collective et de Nutrition (GEM-RCN) qui décide du contenu des assiettes dans les cantines, en établissant, en fonction de l’âge des enfants, les éléments que doivent contenir les repas et en quelles quantités. Mais selon Greenpeace, « l’influence des lobbies de la viande et des produits laitiers sur les recommandations du GEM-RCN est criante », alors que l’ONG constate également les écarts importants en ce qui concerne les recommandations en protéines de l’organisme et celles de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), avec des différences pouvant aller, selon les tranches d’âge, jusqu’à 400 %.

Ainsi, pour un enfant âgé de 11 ans, la viande et le yaourt recommandés par le GEM-RCN couvrent à eux seuls 224% des besoins identifiés par l’ANSES. Ces chiffres sont particulièrement inquiétants, non seulement parce que les repas servis dans les cantines peuvent influencer le régime des enfants, mais aussi parce qu’il est aujourd’hui établi scientifiquement que l’excès de consommation de viande est mauvais pour la santé et peut favoriser l’apparition de certaines maladies, notamment certains types de cancers. Si un adulte « libre » peut décider pour lui-même, comment justifier un tel régime auprès des enfants ?

Source : Greenpeace

Des lobbies présents jusque dans les classes

D’après des fiches de présence auxquelles Greenpeace a eu accès, lorsqu’il s’agit de décider du contenu des assiettes des enfants (au sein du GEM-RCN), les lobbies sont surreprésentés. Les représentants de l’État, les scientifiques ou les représentants des filières végétales étant moins assidus aux réunions, l’agro-industrie se retrouve par conséquent aussi bien représentée que les nutritionnistes !

Mais ce n’est pas là le seul coup de force des lobbies, qui ont trouvé d’autres moyens pour influencer l’alimentation des jeunes enfants. Ainsi, prétextant l’organisation d’ateliers et d’animations à titre informatif, ces groupes de représentation « continue[nt]à perpétuer ce mythe erroné que les protéines animales sont indispensables à tous les repas », au nez du corps enseignant. Parmi ces organisations qui poussent allègrement la porte des écoles, parfois avec le soutien du gouvernement, on trouve notamment l’Interbev (interprofession du bétail et de la viande) et le Cniel (interprofession du lait).

Ces éléments ne manquent pas d’interroger, alors qu’on pourrait légitimement penser que les plus jeunes, qui ne peuvent que difficilement trier les informations qu’on leur donne, devraient être les premiers à être protégés de groupes qui défendent des intérêts privés.

Des alternatives pour une alimentation plus saine existent déjà

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Au regard de ces éléments, Greenpeace demande à l’État de « réformer en profondeur la gouvernance des politiques publiques en matière d’alimentation » et d’assurer que ces politiques puissent être mise en œuvre en allouant les fonds nécessaires. L’ONG demande également de mettre fin à toutes les formes d’influence que peuvent avoir les lobbies dans le contexte scolaire. L’ONG réclame enfin des politiques volontaristes et audacieuses, notamment la mise en place d’au moins deux repas végétariens par semaine et d’augmenter la part du bio.

Certains n’attendent pas l’État…

Certains établissements peuvent dès aujourd’hui être pris pour exemple. En effet, localement, certaines municipalités ont montré qu’il était possible de développer un modèle alternatif dans les cantines, en réduisant la consommation de viande, en se tournant vers une alimentation biologique et en éliminant les gaspillages importants. À Mouans-Sartoux, la transition s’est faîte avec succès, si bien que d’autres municipalités s’inspirent désormais de l’expérience qui y a été menée. Là-bas, la transition s’est faîte sans augmenter les coûts et au bénéfice de la santé des enfants qui sont moins exposés aux produits chimiques. D’autres communes lui ont emboîté le pas. À Bègles, près de Bordeaux, on propose même, en option, un repas végétarien tous les jours aux enfants qui le souhaiteraient et, une fois par semaine, le menu est entièrement végétarien pour tous. Ces initiatives montrent que le changement est surtout fonction de volonté politique et qu’il est possible de déconstruire le mythe selon lequel on doit manger de la viande et des produits laitiers à tous les repas.


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