En Éthiopie, un pays toujours marqué par la sécheresse et des famines meurtrières, des millions de familles vivent dans l’insécurité alimentaire permanente. Au beau milieu d’un décor désertique, un petit village a opéré une transition verte inimaginable, transformant l’environnement local aride en une oasis hors du temps. Le « chef » du village, l’instigateur de cette révolution, est appelé à partager son modèle dans tout le pays et à l’étranger.
Abrha We Atsbha est un véritable miracle écologique ! Ce petit village du nord de l’Ethiopie, perché à 2000 mètres d’altitude, a fait sa propre révolution sans aide extérieure. Il y a 30 ans pourtant, la nourriture et l’eau manquaient dans cette région touchée par la sécheresse et les famines. Aujourd’hui, c’est une oasis et un village-modèle pour tout le pays.
Derrière cette transition verte, 5000 habitants, des paysans entièrement dépendants de leurs terres et de l’agriculture vivrière, mais surtout un homme et ses idées : Abo Hawi, gardien d’un village depuis 30 ans, acteur du changement sur un sol désertique : « Si vous voulez former les gens à travailler dur pour améliorer leur mode de vie, vous devez d’abord être un modèle pour eux », nous explique Abo en nous ouvrant les portes de son potager. « La priorité donc était que je me forme, que je change d’abord et qu’après que ma communauté évolue. C’était mon objectif ! » nous explique-t-il. Et quel bel objectif !
Tout autour de sa petite maison, le jardin est luxuriant, un paradis vert au beau milieu d’un territoire aride. On y trouve pommes, mangues, oranges, avocats, pastèques, café, chili, choux, maïs, teff, … Il y a ici toute la végétation présente dans l’ensemble de l’Éthiopie. Et tout ça grâce à l’eau et sa bonne gestion : tout d’abord, deux puits qu’il a creusés de ses mains, couplés à un système d’irrigation qui donne vie à ce sol sablonneux, brûlant et desséché pendant des décennies : « tous les fermiers d’Éthiopie viennent ici pour voir ce laboratoire et apprendre de notre expérience. Ma motivation est née de la stratégie du gouvernement pour une économie verte. Ils ont encouragé les gens à changer leur manière de faire face aux famines, à la sécheresse, aux migrants et à la pauvreté. »
Malgré les efforts depuis la grande famine des années 80 (1 million de morts en 1984-85), l’Éthiopie, comme les pays voisins, reste très vulnérable face aux rigueurs du climat. Selon les chiffres d’Oxfam et des autorités, entre 7 et 9 millions d’Éthiopiens vivent en ce moment dans l’insécurité alimentaire, la faim, l’absence d’eau potable. Le réchauffement du climat, le phénomène El Niño, les épisodes de sécheresse, les inondations lors de la saison des pluies mettent les populations locales en grand danger et poussent certains à fuir pour leur vie. Selon la FAO, l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture, « l’Ethiopie reste sujette aux sécheresses et aux inondations qui ont un impact particulièrement négatif sur les communautés d’agriculteurs et les éleveurs. Cette vulnérabilité est aggravée par la prédominance de systèmes de production liés aux pluies, l’appauvrissement des sols et la qualité des semences. » C’est pourquoi, les autorités s’attèlent à développer une économie verte et résiliente aux effets du changement climatique d’ici 2025. Car si les éthiopiens souffrent déjà des affres du climat, la situation ne risque pas de s’améliorer à l’avenir.
Sous sa casquette orange flash et du haut de ses 49 ans, Abo Hawi se souvient bien des catastrophes de son enfance et comprend parfaitement cette épée de Damoclès qui pend au dessus de la tête des siens. Il a donc appliqué des changements radicaux dans les pratiques agricoles traditionnelles et avec l’aide de sa communauté, transformé le visage du village : creuser des centaines de puits souterrains et des digues pour retenir l’eau de pluie, apprendre de nouvelles techniques comme le compostage, la diversification et la rotation des cultures, aménager des terrasses dans les montagnes et planter plus de 2,5 millions d’arbres !
Nous marchons dans les pas du chef sous une chaleur suffocante. Il veut nous montrer chacune des réalisations qui font la fierté du village. Devant nous, une gigantesque vallée verte où des millions d’acacias poussent paisiblement. Le profond sillon d’une rivière est désormais rempli de plantations qui conservent l’eau de pluie et de nombreux barrages ont été aménagés. Près des parcelles de cultures, le résultat vaut de l’or : les puits gardent précieusement l’eau stockée depuis des mois. “Ce que nous avons réalisé ici est incroyable”, s’enthousiasme Abo Hawi. ”Avec notre simple volonté et en travaillant dur, on bénéficie tous de la transformation du village. Moi, je suis juste fermier, je n’ai jamais étudié, je pense qu’on peut faire de grandes choses avec la seule volonté de changer la vie”.
En quelques années, la production alimentaire a été décuplée. Cette bourgade ne craint plus la sécheresse grâce à ce grand bonhomme qui rêvait d’en faire « l’Amazonie éthiopienne ». Son village-modèle en inspire plus d’un : Désormais, Abo Hawi est appelé à partager sa recette avec les villages voisins, mais également lors de conférences à l’étranger. Il a reçu de nombreuses récompenses ses dernières années, toutes exposées dans sa maison, dont le prix Équateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 2012. « Quand on veut réaliser quelque chose, tout est possible, rien n’est impossible ! »
– Pascale Sury & Mr Mondialisation
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