Tribune – Alors que la pandémie de Covid-19 atteint le chiffre de plus de 1 900 000 morts (OMS), il nous apparaît urgent de penser – à côté de la distanciation physique imposée – l’esprit de la distanciation sociale – qui se poursuit, voire s’accentue. Plus qu’un effort sanitaire visant à enrayer la propagation de ce virus mortel, nous envisageons la myriade d’opportunités à venir pour transformer l’effet socialement néfaste de la logique capitaliste ayant conduit à cette pandémie. Cet article, en quatre parties, se propose de mettre en lumière ces opportunités politiques de transformation sociale.
Les quatre axes qui seront développés :
1. Comme un puissant processus de réflexion : une dimension ontologique et réflexive sur l’espace que le ‘je’ occupe dans le monde.
2. Une comparaison des privilèges de classes : dérivée de la première, mise en avant par les circonstances, une dimension matérielle de classe sociale.
3. Des opportunités politiques parlementaires, au niveau de l’État, de la classe politique et de la société civile. Une dimension collective, d’action collective sur les possibles politiques qui s’ouvrent sur le comportement, la mobilisation des acteurs politiques et sociaux.
4. Entre les pays par un pacte environnemental global, et dans les règlements des dilemmes entre conflit et coopération. C’est une dimension systémique qui doit nous animer relativement au fonctionnement complexe de notre société basée sur la marchandisation (qui, en dernier recours, intervient sur la question essentielle de la relation homme-nature, chère à la théorie marxiste).
Comme un puissant processus de réflexion
Abordée comme processus de réflexion, la distanciation sociale draine en elle de manière globale l’esprit critique. Du fait de la suspension des process habituels de rationalité économique, le processus de rationalisation du monde, de la vie, occupe aujourd’hui l’espace hégémonique tenu auparavant par l’activité économique, l’activité monétaire qui est le propre des relations capitalistes de production. Cette forme matérielle de constitution de la vie sociale est aujourd’hui, par ce temps pandémique, radicalement mise à l’épreuve par cette distanciation sociale nécessaire à la préservation de nos propres vies. Cette existence matérielle – mise en échec – ouvre la voie à une réflexion plus profonde sur la place de l’individu dans ce système complexe d’accumulation de la richesse. Ce qu’il s’agit de dire ici, c’est que cette réflexion ouvre la voie vers une autre possibilité de vivre, une alternative, une prise de conscience de son existence. Il est clair que le système – complexe – que nous appelons le capitalisme, est constitué de rouages entre État et société civile. L’individu s’insère dans un espace social défini, où le formatage État-société civile conditionne la forme de sa réflexion, de sa conscience, de ses actes.
Nous partons du principe selon lequel cette pandémie est associée à la mondialisation néolibérale et aux changements climatiques déjà vifs mais que nous ne commençons à voir que maintenant, malgré les diverses alertes des écologistes et autres environnementalistes. Nous souhaitons insister sur le fait que la réponse à la rationalité mondialisée, orientée vers la productivité de masse, entraîne de manière amplifiée un mouvement de chosification de l’humain et sa dénaturalité. Cette forme de globalisation rationalisée dans la constitution de grandes chaînes de valeurs, augmentant démesurément la productivité de la force de travail, crée non seulement des défis mais aussi des tensions dans la forme donnée à l’organisation de la vie sociale, aux relations entre les progrès permis par les forces productives et les relations sociales de production, et cela, au niveau de la planète. Apprivoiser le principe d’accumulation est une tâche urgente mais il ne s’agit pas pour autant de régresser ou de “rétropédaler” : il n’y a pas de paradis perdu à reconquérir ! Ce qu’il faut, c’est parvenir à un équilibre permettant de concilier les progrès techniques, notre propension à la “compression de l’espace-temps” selon les termes de Fernand Braudel, avec une économie qui retrouve son sens premier.
En termes plus pragmatiques, disons que la distanciation imposée a pour fonction de protéger la vie, mais l’esprit social global de cette distanciation pourrait permettre l’invention de mécanismes de défense de nos valeurs et de nouvelles formes de sociabilité et de convivialité sociale. Ces formes, qui sont aujourd’hui des réponses en urgence à la distanciation, peuvent engendrer des changements en terme d’adaptation, qui pourraient valablement perdurer, en termes de nouvelles habitudes d’hygiène de vie, ou par la multiplication d’instruments virtuels de communication et d’interactions. C’est aussi un nouvel espace d’innovation sociale et de transformation des mécanismes de gouvernement de la vie sociale et de système de gouvernance globale qui pourraient voir le jour.
Les tensions provoquées par le confinement ou pas varient d’un pays à l’autre, d’un lieu à l’autre. Entrent en jeu les valeurs et systèmes de croyances, la forme d’organisation sociale et d’insertion dans la division sociale du travail.
De ce processus en cours de rationalisation des incertitudes, nous faisons référence à une remarque du sociologue Howard Becker (qui a aujourd’hui près de 100 ans !) – éminent sociologue spécialiste de l’interactionnisme symbolique, qui vit à San Francisco. Évoquant les changements sociaux provoqués par le Covid-19, il explique qu’en ce moment, les inventions sociales portent inévitablement sur l’organisation sociale, l’alimentation, la mobilité sociale, les traitements interpersonnels, etc. La capacité d’analyse critique est ailleurs et doit amener les individus à structurer des mécanismes de changement face aux incertitudes, même dans des conditions difficiles.
De fait, il y a aussi un aspect psychanalytique intéressant dans ce processus de distanciation sociale tel qu’on le voit dans la société brésilienne, mais qui pourrait tout autant être relevé aux États-Unis (ou en Europe). S’il s’agit bien d’un processus d’alerte sociale qui va s’étendre dans le temps, il est clair que les résistances à ce confinement relèvent bien souvent de l’ignorance (une méconnaissance totale du danger de contamination face à un ennemi invisible), mais aussi d’une forme de blocage psychologique (voire de nature psychiatrique !) émanant principalement des secteurs néo-fascistes de la société. Nous faisons ici référence au concept freudien de résistance comme signe de processus prolongés de répression. Il est alors utile de noter ici combien cette distanciation sociale fait émerger avec beaucoup de vigueur une prise de conscience inespérée de la valeur de la vie et de sa préservation – quitte à rompre avec le modèle du gouvernement prôné par un Bolsonaro, figure pathologique de la répression qui rejette effrontément le danger de mort.
Une comparaison des privilèges de classe
On dit que le virus ne choisit pas la classe sociale, mais force est de constater que les lieux de vie selon la classe sociale sont décisifs pour affronter le danger de contamination.
Ceux qui bénéficient de revenus garantis ou non, ceux qui ont un logement spacieux, ceux qui exploitent une main-d’œuvre, ceux qui ont accès à une information de qualité, y compris parce qu’ils parlent des langues étrangères et peuvent comparer les informations recueillies, ceux qui peuvent bénéficier de coûteuses assurances de santé pour se prémunir et se protéger, sont clairement et définitivement dans une position avantagée face à ceux que nous appelons de manière générique les “dépossédés”, ceux qui n’ont que leur force de travail comme moyen de subsistance.
Du fait des pressions et intérêts divers, la condition de classe est affectée par la condition matérielle et immédiate d’existence. Et nous ne devrions pas nous inquiéter quand les discours négationnistes sur les risques du Covid-19 viennent à proliférer parmi les dépossédés ? La nécessaire condition immédiate d’existence, de survie, vient se surimposer sur celle de la contagion. Il est fatalement clair que ces discours négationnistes et opportunistes de Trump et Bolsonaro, entrent en résonance chez ceux qui n’ont pas d’assurance ni d’épargne et qui doivent s’exposer au risque de contagion pour ne pas vivre le risque d’une perte d’emploi ou d’une faillite de leur entreprise.
Ainsi, la condition de classe, la fraction de la classe à laquelle vous appartenez explique aussi les comportements des uns et des autres sur la forme de rejet et/ou d’adhésion aux formes de combat social du virus.
De ce point de vue, l’éventail des opportunités qui s’ouvrent et la prise de conscience seront largement véhiculées par la condition sociale des individus et les inégalités de revenus entre les différentes classes et strates sociales.
Des opportunités politiques parlementaires, au niveau de l’État, de la classe politique et de la société civile
Les États ressurgissent dans l’arène politique. La société se retrouve face à un moment des plus rares pour appréhender et comprendre les différents types d’organisation sociale, les styles de capitalisme, et pour les comparer aux systèmes qui se présentent comme alternatifs.
Les contrastes entre des exemples comme l’Italie, l’Espagne, les États-Unis d’un côté et l’Allemagne de l’autre, montrent d’importants clivages entre des pays aux revenus moyens et élevés. Une société mieux organisée, moins inégalitaire avec des infrastructures sanitaires et hospitalières développées et prenant en compte la notion de bien-être comme l’Allemagne, a, de fait, de meilleurs moyens que la plupart des autres pays de l’Union européenne pour faire face à la situation pandémique présente. L’Allemagne, pour autant, n’est pas un Eldorado ; de grandes inégalités subsistent (le salaire minimum n’a été introduit qu’en 2015). En revanche, à la grande différence d’autres pays européens, l’Allemagne a très rapidement mis en place des tests de dépistage permettant, pour endiguer l’épidémie, l’isolement et le traitement rapide des personnes contaminées. Ils ont par ailleurs su mobiliser leurs industries pour la mise en fabrication urgente de masques, gels hydro-alcooliques, etc.
Le néolibéralisme a créé un problème récurrent dans les démocraties : l’état d’austérité permanente. Les pays qui ont fait face à la crise de 2008 en augmentant les programmes et mesures d’austérité, comme l’Italie et l’Espagne, montrent aujourd’hui de plus grandes difficultés à affronter la situation, notamment parce qu’ils ont diminué les investissements dans les infrastructures sociales et de santé.
En une dizaine d’années, la France a perdu près de 70 000 lits d’hôpitaux. Les nombreuses grèves et manifestations du personnel hospitalier, durant près d’une année (avant l’épisode Covid-19), tout comme la démission des chefs de services hospitaliers pour pointer les carences du système et obtenir plus de moyens n’ont pas abouti et ont été durement réprimées par la police politique du président Macron.
Champion dans les inégalités, les États-Unis se retrouvent, dans cette pandémie, à compter un nombre impressionnant de décès – qui affectent particulièrement les noirs et les latinos, bref, la base de la pyramide sociale. Que cette nation soit la plus riche du monde, elle est néanmoins dépourvue d’un système de santé et de protection universelle de base. Que le système des croyances et de valeurs soit fondé sur la charité chrétienne et la méritocratie, au bout du compte, ils sapent toute possibilité compensatrice d’intervention de l’État et créent les bases d’une sociabilité “darwiniste” racisée.
Ces différences entre pays apparaissent aussi du fait de coalitions. Il est cependant difficile d’en établir un modèle. Au Japon, le gouvernement conservateur, de droite, de Abe a sous-estimé l’impact de la crise. En Europe, des gouvernements ultranationalistes comme celui de la Hongrie en ont profité pour se donner les pleins pouvoirs.
Que dire du Brésil ? Le pays fait face à un double défi : la reprimarisation économique et le gouvernement Bolosonaro. La reprimarisation de l’économie nous lègue une société d’abord exportatrice, avec une faible extension des emplois qualifiés, sans écologie soutenable et complètement dépendante. S’ajoute à cette reprimarisation un secteur des services hypertrophié, une économie de rentes et de finances qui nous positionne comme une société de classes et de castes. Les symptômes classiques du sous-développement et de la dépendance ont pris le dessus : sur-exploitation de la force de travail, s’alliant à des formes pré-capitalistes de cette exploitation de la force de travail, dépendance aux cycles des marchés internationaux, faible productivité des facteurs de production, gap technologique, taux élevé de monopolisations et des inégalités sociales poussées à l’extrême.
Là aussi, il serait possible de transformer ce moment particulier en opportunité. Les acteurs ont à faire des choix qui sont fondamentaux, qui les exposent ou devraient leur permettre de révéler leurs réelles affinités politiques, provoquer des changements dans l’échiquier des alliances et des arrangements politiques. Cela vaut pour tout le système d’État et la société politique. Dans un monde uni, plus que jamais dans l’histoire récente, la force des coalitions du gouvernement et la capacité des gouvernants, tout comme la rigidité institutionnelle des systèmes politiques ont une lourde épreuve à affronter. Il faut aussi retenir ce que nous avons appris de l’histoire récente avec la crise de 2008 afin que les politiques de lutte contre la crise économique ne soient pas encore une fois l’occasion de mécanismes de transferts de revenus vers les riches.
Entre les pays par un pacte environnemental global
Le monde ne va pas bien. Le monde, déjà, n’allait pas bien. Depuis l’élection de Donald Trump, l’escalade des conflits avec la Chine a montré que l’empire américain commençait à subir le contrecoup d’une globalisation qu’il avait lui-même engendrée. La mondialisation avait eu un double effet économique sur l’empire : l’expansion offshore du capital américain et la consolidation du dollar comme monnaie de change international. Des effets collatéraux se sont faits sentir : la désindustrialisation des États-Unis, la précarisation du marché du travail, la perte de revenus moyens et le surendettement des familles et de l’État. L’élection de Trump est intervenue dans un scénario de précarisation persistante et croissante sur le long terme des familles de classes moyennes et s’accompagne d’une expansion chaque fois plus agressive de la politique extérieure du pays.
Cette agressivité rhétorique croissante va de pair avec les avancées militaires. Le gouvernement Trump s’est étendu sur le Proche-Orient, avec une tentative, vaine, de déstabilisation du gouvernement syrien, tout comme il s’est aussi impliqué en Iran, à Cuba, au Venezuela. Sa flotte a été réactivée dans la région sud, comptant désormais sur son allié, le gouvernement brésilien. Il s’en prend alors à son vieil opposant, la Chine, sur leur souveraineté maritime et la délicate question de Hong Kong et Taiwan ; se livre à un néomercantilisme pour défier l’OMC[1].
Les attaques contre l’ONU montrent bien cet abandon de la multipolarité que les États-Unis avaient eux-mêmes aidé à construire après la Seconde Guerre mondiale. De l’UNESCO à l’OMS, toutes ces grandes organisations sont visées. Dans le même temps, le gouvernement Trump s’ingénie à déconstruire les agendas de prises de décisions multilatérales, au premier rang desquels, l’agenda environnemental.
Les questions que nous posons sont les suivantes : Quelles sont les relations entre cette crise et notre monde actuel ? Des fenêtres d’opportunités que cette crise ouvre, quel monde pourrions-nous construire ?
Il faut redonner son rôle à l’État et reconstruire une politique du sens. Le néolibéralisme est anti-coopératif, il promeut un type d’universalisation qui vide la politique de son sens, qui détruit le collectif au profit du manteau mystique de la suprématie de l’individuel, qui – par essence – perçu au travers d’un voile idéologique, ouvre sur le règne du monopole du capital. Ce chemin néolibéral, de la financiarisation, est aussi le chemin de la militarisation – et c’est sans doute aussi le chemin le plus court vers le fascisme, vers la guerre, et pour le monde dans lequel nous vivons, vers un épuisement des ressources naturelles de la vie.
De manière plus implicite, les diverses interprétations que cette crise fait émerger montrent un système qui, d’un point de vue environnemental, n’est pas soutenable, dont l’accumulation de valeurs arrive à ses limites, dans une contradiction fondamentale entre le progrès des forces productives et la régression dans les relations sociales de production, tous ces éléments nous conduisant à penser que cette globalisation est vouée à l’échec. La droite parle de boycotter les produits chinois, la gauche rêve d’une société non mercantile.
Le fait est que si nous avons conduit notre environnement à ses limites, ces limites sont aussi celles de notre humanité. Le problème à résoudre maintenant consiste à trouver comment combiner le changement de ce système complexe tout en évitant un effondrement complet ; la débâcle de ce système pouvant provoquer famine et misère à large échelle, nous propulsant dans un scénario hobbesien de lutte de tous contre tous.
Conclusion : pour une culture de la paix et de la réaffirmation du multilatéralisme
Malgré de nombreuses incertitudes en ce moment historique, nous pensons que des solutions environnementales raisonnables existent et méritent d’être prises en compte. Elles doivent intervenir en parallèle de politiques nationales de contrôles sanitaires et de prévention, avec pour objectif la protection de la vie – non seulement en réaction d’urgence face à la gravité de cette pandémie, mais comme politique d’État, à moyen et long termes.
Sans doute la situation actuelle est-elle une bonne leçon politique pour mesurer les potentialités de chaque pays à y faire face et les articulations possibles en termes de coopérations internationales. À partir de maintenant, il serait salutaire que les initiatives des partis de gauche puissent s’orienter vers une écologisation plus dynamique et que cela apparaisse clairement dans leurs agendas. Dans ce cheminement lié à l’esprit de la distanciation sociale pour préserver la vie, nous soulignons ici neuf points de changements culturels permettant de penser un environnement global moins toxique que la situation tragique que nous vivons actuellement et qui nous donnerait un nouveau souffle de vie, contre cette dystopie néolibérale :
1. Une culture de la paix – contre les politiques d’armement, ce qui relève aussi de la pandémie si nous considérons le nombre exponentiel de meurtres en série, notamment aux USA, les féminicides et les assassinats entre jeunes pour le contrôle du marché de la drogue dans les métropoles. La culture de la paix doit s’accompagner d’un processus vers un monde multiculturel, de coopération et de valorisation de la diversité comme instrument de résolution des conflits et de promotion d’un bien-être universel [2]. De fait, il est nécessaire que ce multilatéralisme suive le même agenda que celui de l´égalisation : la paix sans la diminution des asymétries de classes et d’États serait vide de sens.
2. Réaffirmer l’avancée civilisationnelle d’une éducation laïque, dotée d’esprit critique et créatrice, contre l’obscurantisme dogmatique.
3. Une culture de l’alimentation saine – c’est un acte politique de résistance aux poisons de l’industrie qui doit valoriser la socialisation de la propriété rurale avec une production tournée vers la protection de l’environnement et la subsistance alimentaire des peuples ;
4. Une culture de protection des espèces, contre le massacre des animaux ;
5. Une culture de préservation des forêts et du climat, contre l’agro-business ;
6. Une culture respectueuse des savoirs et traditions des autochtones ;
7. Une culture de la vie comme art, contre les politiques de privatisations et de destruction culturelle ;
8. Une culture de l’amour, de la jouissance de la vie – ce qui requiert, pour le moins, que les revenus universels de base soient augmentés pour garantir les moyens d’une vie digne pour chacun et sa famille ; cette culture est directement impliquée dans celle d’une culture de paix ; et..
9. Une culture de la citoyenneté, de l’équité sociale. Pour parvenir à cette culture de la citoyenneté (entendue dans le sens de Andrea Rea comme « le libre accès aux biens socialement disponibles »), il convient de développer les infrastructures de santé, de soins, d’éducation, de culture – permettant à tous de participer pleinement, équitablement, de manière citoyenne à notre environnement naturel, culturel, économique et social et donnant l’opportunité à tous et chacun de s’éduquer, de prendre soin de son corps et de sa vie dans un environnement assaini.
La coopération internationale qui a pris forme pour le combat contre la pandémie doit aussi, par la pression de la société civile globale et des scientifiques, permettre de relancer l’accord climatique pour la transition énergétique. De fait, nous voyons bien une correspondance directe entre une politique attentive à la préservation de la vie, une culture de résistance environnementale qui émerge avec cette pandémie et qui s’oppose à la réalité dystopique et perverse du capitalisme rentier. Cette culture de résistance existe depuis la création du mouvement environnementaliste, comme ont pu le montrer symboliquement les manifestations et défilés en faveur du climat depuis 2015.
Il incombe ainsi aux réseaux de mouvements sociaux un rôle stratégique, celui de profiter de cette opportunité politique pour renforcer le débat sous de nouvelles formes pour défendre le sens de la vie sur notre planète. Nous pensons qu’en grande partie cette capacité que nous avons eu à répondre à une injonction de distanciation sociale, si elle est efficace, vient aussi de l’attention portée à une politique du care, dont les racines remontent au mouvement féministe. Les réseaux internationaux relatifs à la transition écologique auront aussi un rôle à jouer en termes d’articulation – une fois qu’ils apparaîtront bien comme alternatives concrètes à l’économie capitaliste.
Nous progressons vers une réappropriation des espaces communs, vers une socialisation de l’information et un combat permanent contre le pouvoir autocratique exercé en clair-obscur par les détenteurs des grandes richesses.
Nous souhaiterions terminer cet écrit en attirant l’attention sur le fait qu’il est fondamental, par tous les moyens, de lutter contre les manipulations qui restreignent chaque jour la capacité des peuples à user de leur esprit critique. Les débats, discussions, contestations qui sont (ou: la guerre des idées qui est) à la base de la société démocratique ne sont possibles que si les idées peuvent circuler librement dans l’espace, sans être privatisées, et si nous parvenons, au moyen d’une plus grande régulation sociale, à éviter la diffusion de fausses informations et autres fakes manipulateurs. La pandémie a exacerbé notre perception de la production et de la diffusion de l’information. Cette communication, et ce qu’elle sera, a un rôle crucial à jouer pour la vie des individus et des communautés; c’est peut-être là la plus difficile bataille à mener mais elle est essentielle et incontournable – pour plus de démocratie, plus d’équité et plus de solidarité !
Auteurs :
Agripa Faria Alexandre (Professeur associé au département des sciences sociales (UNIRIO – Brésil. Il est l’auteur de plusieurs livres sur l’écologie politique, parmi eux Écologie politique au Brésil. Paris: L´Harmathan, 2016.)
Jaime Cesar Coelho (Professeur titulaire du département d’économie et des relations internationales UFSC – Brésil ; chercheur invité à l’École normale supérieure de Pise.)
Traduction par Sylvie Chiousse
Notes
[1] En 2019, le National Geographic a listé les actions relatives aux politiques environnementales du gouvernement Trump. https://www.nationalgeographic.com/news/2017/03/how-trump-is-changing-science-environment/. Parmi les mesures prises par Trump, on note l’abandon pur et simple des Accords de Paris. https://www.nationalgeographic.com/news/2017/03/how-trump-is-changing-science-environment/.
[2] À propos de bien-être : renvoyer à la définition de la santé par l’OMS : « un état complet de bien-être bio-psycho-social »
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