Ce jeudi 11 avril, L214 révèle des images de l’abattoir Bigard de Venarey-les-Laumes en Côte-d’Or (Bourgogne-Franche-Comté). La vidéo de mars 2024 montre l’abattage sans étourdissement (halal et casher) de vaches et de veaux, et des actes de violence délibérée. Révélations inédites et, attention, réalité difficile.
L214 porte plainte et demande la fermeture de l’abattoir, ainsi que la fin de la dérogation autorisant les abattages d’animaux sans étourdissement. L214 demande à rencontrer les représentants de la Grande Mosquée de Paris, d’Évry-Courcouronnes et de Lyon, ainsi que les représentants du Consistoire de France afin d’entamer un échange sur cette enquête.
Des animaux suspendus encore conscients, la gorge béante
Lors de ces abattages réalisés sans étourdissement, les animaux sont poussés dans un box rotatif qui les retourne sur le dos, puis sont saignés à vif. La majorité d’entre eux sont égorgés par un geste de cisaillement, avec des retours dans la plaie ouverte à la lame ou à la main alors que la saignée doit être effectuée en un seul passage et en un seul geste.
« redressement du haut du corps, tentative de se mettre debout, clignement des yeux, mouvements volontaires.
Certains sont en panique totale »
Les animaux sont relâchés du box rotatif juste après l’égorgement, alors que l’immobilisation doit être maintenue jusqu’à l’état d’inconscience. Ils montrent des signes de conscience évidents une fois sur la table d’affalage et jusqu’à leur suspension : redressement du haut du corps, tentative de se mettre debout, clignement des yeux, mouvements volontaires. Certains sont en panique totale.
Dans l’enclos d’attente, des animaux sont frappés : un bovin subit l’acharnement du bouvier, qui le bat avec rage et lui enfonce son bâton dans l’anus. L’animal reçoit en une minute plus de 20 coups violents sur le corps et la tête.
Les 60 tonnes de viande bovine produites chaque jour sont commercialisées sous certifications halal, casher et dans le circuit conventionnel, principalement dans les grandes surfaces, entre autres sous la marque Bigard, et chez des bouchers artisanaux. La viande produite sous certification halal et casher alimente aussi le circuit standard¹.
L214 s’adresse aux représentants religieux
Cet abattoir abat essentiellement des bovins de façon rituelle, sans étourdissement des animaux au préalable. Les communautés juives et musulmanes sont donc particulièrement concernées par les pratiques et les souffrances extrêmes vécues par les animaux dans cet abattoir.
Il est important que les autorités religieuses se saisissent des enjeux éthiques liés à l’abattage sans étourdissement des animaux, dont les souffrances supplémentaires font consensus auprès des principales institutions vétérinaires. Il leur appartient aussi, comme tout acteur majeur de la société, de s’emparer des impératifs à végétaliser l’alimentation.
L’abattage des animaux est encadré par la réglementation européenne : « Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement […]. L’animal est maintenu dans un état d’inconscience et d’insensibilité jusqu’à sa mort. » Mais une dérogation à l’obligation d’étourdissement y est prévue : l’abattage sans étourdissement pour le marché halal et casher.
Cette dérogation est facultative et non obligatoire dans chaque législation nationale. C’est pourquoi L214 demande au ministère de l’Agriculture la fin de l’application de cette dérogation.
Danemark, en Norvège, en Finlande, en Suède, au Luxembourg ou encore en Suisse,… Plusieurs pays d’Europe ont déjà adopté des pratiques différentes pour produire de la viande certifiée halal et casher².
L214 porte plainte contre l’abattoir et exige sa fermeture en urgence
L214 porte plainte contre l’abattoir pour sévices graves et actes de cruauté auprès du procureur du tribunal judiciaire de Dijon pour les faits suivants :
- coups d’aiguillon sur des endroits interdits,
- violents coups donnés à des animaux,
- manipulations interdites et source de souffrance,
- absence d’immobilisation durant toute la saignée,
- temps d’attente excessif dans le box d’immobilisation avant saignée,
- défaut de vérification de l’état d’inconscience et la suspension d’animaux conscients,
- inadaptation des installations et du matériel,
- saignée par cisaillement et le défaut de compétence du personnel,
- méconnaissance des règles relatives à l’abattage d’urgence.
L214 demande au préfet de la Côte-d’Or la suspension immédiate de l’agrément d’abattage qui a été délivré à cet abattoir au vu des graves dysfonctionnements. Seule une fermeture permettrait d’éviter que ces infractions se reproduisent au lendemain de cette enquête, et ainsi de protéger les animaux prévus à l’abattage les jours prochains.
Pour Olivier Morice, porte-parole de L214 : « Cette enquête est l’occasion pour L214 de s’adresser à tous les consommateurs de viande, qu’elle soit halal, casher ou standard. La mise à mort des animaux, quel que soit le type d’abattage, est l’affaire de tous.
Les 25 abattoirs épinglés par L214 ont tous un point commun, c’est la souffrance des animaux. Nous l’avons encore montré en janvier dernier à l’abattoir de Craon où des animaux étaient découpés vivants.
Élevage en cage, animaux entassés, mutilations, abattage avec ou sans étourdissement : il est urgent de s’engager collectivement vers un objectif concret de – 50 % d’animaux tués d’ici 2030. Pour cela, chacun doit prendre sa part de responsabilités : le gouvernement, les industriels, les distributeurs, les consommateurs, mais aussi les autorités religieuses. »
Bigard : le règne de l’opacité
« En France, ses 30 abattoirs produisent 43 % de la production française de viande et 70 % des steaks hachés »
Le groupe Bigard (marques Bigard, Charal et Socopa) est le leader européen du boeuf. En France, ses 30 abattoirs produisent 43 % de la production française de viande et 70 % des steaks hachés.
Comme pour la publication de ses comptes, le groupe Bigard s’oppose à toute transparence concernant la mise à mort des animaux. Au cours de la commission d’enquête de 2016 sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, Jean-Paul Bigard déclarait :
« L’acte de mort est totalement verrouillé. […] nous n’avons aucun intérêt à mettre en scène et à ouvrir le début d’une chaîne d’abattage. […] on ne peut pas montrer des animaux pour dire au consommateur qu’il va manger de la bonne viande. Bigard, Charal et Socopa investissent des sommes considérables dans la communication. Avec les “Hachés de nos régions”, on voit furtivement, pendant une seconde, un troupeau de vaches normandes, mais tout de suite après on parle de viande et surtout pas de ce qui se passe dans l’abattoir. »
Update : Réaction de BIGARD et du Ministère
Suite aux images révélées par L214 ce jeudi 11 avril, les services de la préfecture de la Côte-d’Or se sont rendus ce jeudi 11 avril à l’abattoir Bigard de Venarey-les-Laumes. Dans un communiqué, la préfecture annonce un audit et la suspension provisoire des abattages des veaux et des bovins de grand gabarit.
Des mesures dérisoires au regard des graves infractions observées sur les images, en particulier les animaux libérés de leur contention encore conscients qui se débattent jusqu’après leur suspension. Une non-conformité majeure déjà constatée en 2016 et qui aurait dû être sanctionnée par les services vétérinaires de l’État présents quotidiennement sur place.
En conséquence, L214 engage ce jour un recours contre l’État pour manquement à sa mission de contrôle.
La préfecture de Côte-d’Or contrôle un abattoir… contrôlé quotidiennement par ses propres services
Informé de l’enquête à paraître, le préfet de la Côte-d’Or a annoncé dans un communiqué prendre « des mesures immédiates ». Les mesures immédiates en question : envoyer sur place le directeur départemental de la DDPP21 « afin d’évaluer la situation et la nécessité de mettre en œuvre des mesures correctives ».
Dans le même communiqué, la préfecture rappelle pourtant que « cet abattoir fait l’objet d’un contrôle permanent par la Direction départementale de la protection des populations de Côte-d’Or (DDPP21 – ex services vétérinaires) chargée de l’application de la réglementation relative à la protection animale ». Alors pourquoi ces infractions n’ont-elles pas été corrigées par les agents vétérinaires présents quotidiennement à l’abattoir ?
Le ministère de l’Agriculture envisage le contrôle vidéo dans les abattoirs
« Cette mesure est une tentative de diversion »
Le ministère de l’Agriculture envisage le contrôle vidéo « comme une des réponses à apporter pour lever le climat de suspicion et de défiance qui règne sur les abattoirs ».
Pour L214, il est impossible d’espérer pouvoir limiter la souffrance de plus d’un milliard d’animaux abattus chaque année en France avec des caméras qui ne seront accessibles qu’aux services vétérinaires, déjà présents dans les abattoirs. Cette mesure est une tentative de diversion pour éviter d’aborder la seule solution qui traite vraiment le problème de la souffrance des animaux d’élevage, déjà évoquée par le récent rapport de la Cour des comptes, à savoir diminuer le nombre d’animaux élevés, comme s’y engagent déjà d’autres pays (Allemagne, Pays-Bas).
« Il faut diminuer le nombre d’animaux élevés »
Pour Sébastien Arsac, directeur des enquêtes de L214 : « Les mesures annoncées par la préfecture sont dérisoires, pour ne pas dire risibles ! Les mesures correctives, c’est au quotidien que les services vétérinaires présents à l’abattoir sont censés les demander ! Ces non-conformités sont d’ailleurs connues depuis 2016, où les mêmes dysfonctionnements avaient déjà été observés… par les mêmes services ! Les services de l’État sont au courant depuis des années, ils se moquent du monde en prétendant les découvrir aujourd’hui. Nous portons donc plainte contre les services de l’État pour manquement à leur mission de contrôle !
La seule solution pour limiter la souffrance des animaux dans les abattoirs, c’est de diminuer les cadences et donc de diminuer le nombre d’animaux tués. L214 va mettre tous les moyens en œuvre pour atteindre un objectif très concret : diminuer de 50 % le nombre d’animaux tués d’ici 2030. »
Signer la pétition adressée à Franck Robine, préfet de la Côte-d’Or, et à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture.
1. L’ensemble de la carcasse et des organes d’un bovin ne peut être certifié casher (sources : OABA p. 5 et SMAC Corse), la viande est donc acheminée vers le marché conventionnel, tout comme le surplus de viandes halal et casher qui ne trouve pas de preneur sur le marché confessionnel (source : note de service DGAL – Ministère de l’Agriculture – p. 19).
2. Au Danemark, en Norvège, en Finlande, en Suède, au Luxembourg ou encore en Suisse, les animaux sont étourdis avant l’abattage rituel. La Belgique (hors région de Bruxelles-Capitale) a également mis fin à l’abattage sans étourdissement, décision validée par la Cour européenne des droits de l’Homme en février 2024.
Aux Pays-Bas, les autorités musulmanes ont accepté par un contrat passé avec l’État le principe de l’étourdissement post-jugulatoire, comme le rapportait Arnaud Schaumasse du bureau central des cultes lors de la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux en France (2016).