Le smartphone : summum de l’évolution technologique et emblème de notre XXIe siècle. Il s’en vend plus d’1 milliard chaque année dans le monde, repoussant toujours plus loin la limite entre un simple téléphone et un ordinateur de poche. Mais outre son coût à la caisse, le prix humain et environnemental d’une telle production de masse reste dramatique bien que désormais connu de tous. Petite plongée dans les yeux d’un smartphone, bien loin de l’univers féérique affiché par les géants de la téléphonie.
Durant la semaine du 28 novembre au 5 décembre, la chaîne Arte a diffusé une série de 10 courts-métrages, plutôt déroutants, sous le nom de « Product ». Le concept est novateur. Il plonge le spectateur en immersion totale dans la chaîne de production de divers produits de consommation de masse. En se plongeant dans les yeux d’un produit, ces films retracent le parcours invisible des biens que nous consommons. À travers le carnet de route de bonbons, crevettes, textiles ou même des extensions de cheveux, ces images insistent particulièrement sur la distance, et donc pollution, des trajets parfois absurdes effectués par une même cargaison. Sans autre commentaire qu’un compteur kilométrique, Arte nous dévoile ainsi la face cachée de la mondialisation.
Dans les yeux d’un smartphone
Si on évoque souvent le Coltan comme matériau polluant utilisé dans la fabrication des téléphones, il en existe un beaucoup plus commun dont l’exploitation n’est pas à négliger. L’étain est un composant fondamental des circuits électroniques. C’est lui qui, une fois fondu, permet la soudure des différentes pièces du circuit. Il fait partie des 40 métaux qui composent nos téléphones. Et comme la production de smartphones ne cesse d’augmenter chaque année (plus d’1,3 milliard d’exemplaires vendus dans le monde en 2014), la demande en métaux ne cesse d’augmenter elle aussi. L’île de Bangka, en Indonésie, est connue pour être l’un des principaux fournisseurs de ce précieux métal. Elle possède en effet plus de 30% de la production mondiale de minerai d’étain, qu’elle exploite principalement de façon illégale et grâce à la prolifération du marché noir.
La vidéo
Les dégâts d’une telle exploitation sont bien sûr connus. Tout d’abord point de vue écologique, puisque l’extraction de l’étain engendre une pollution majeure autour de la zone exploitée, qui, selon un rapport des Amis de la Terre datant de 2012, a d’ores et déjà détérioré « plus de 65 % des forêts et plus de 70 % des récifs coralliens de Bangka ». De plus, les dragages des fonds marins à répétition pour en extraire les métaux détruisent non seulement les récifs de coraux mais font également fuir toute la faune marine, obligeant la population à s’adapter à ce nouvel environnement dicté par la loi du marché de l’étain.
Cette plongée dans les yeux d’un smartphone nous rappelle également la dangerosité de toutes les étapes d’extraction de minerai. Entre le dragage qui peut entraîner les plus petits gabarits dans son sillage et les feux de fortune servant à faire fondre les particules d’étain, risquant de provoquer une explosion, on comprend alors que chaque acteur de cette chaîne de production immense risque sa vie lors du processus. Tant d’étapes dans bien des cas incompatibles avec l’idée même de Droits Humains, comme des notions de sécurité élémentaires.
En moyenne, ce sont 13 281 km parcourus entre l’Indonésie, la Corée du Sud, la Chine et la France, pour 125 morts par an dans les mines indonésiennes. Voilà le triste bilan de ce court-métrage qui pose une nouvelle fois question : que font les décideurs, que doivent faire les consommateurs ? Comment les géants de la téléphonie mobile peuvent-ils fonder une immense partie de leurs bénéfices sur un marché illégal et des droits de l’Homme bafoués ? On rappellera qu’il existe quelques pistes positive comme le Fairphone, premier téléphone équitable, qui tente de limiter l’impact de la producteur. Cependant, la demande en matières premières reste inchangée et risque de poser de sérieux problèmes à l’avenir.