Belgique – Source de nombreuses inquiétudes depuis 2012, les réacteurs Tihange 2 et Doel 3 sont une nouvelle fois accusés de ne pas répondre aux normes de sécurité. Cette fois-ci, c’est une étude scientifique réalisée par trois chercheurs de la KU Leuven (Katholieke Universiteit Leuven) qui met ces réacteurs belges en cause : les micro-fissures présentes dans les cuves ne seraient pas seulement dues à un défaut de fabrication et continueraient à se multiplier. Pourtant pro-nucléaire, René Boonen, Jan Piers et Walter Bogaerts, les auteurs du rapport, tirent la sonnette d’alarme, pendant que l’Autorité Fédérale de Sécurité Nucléaire (AFSN) tente de rassurer.
Des ingénieurs de l’université de Louvain s’inquiètent de l’état des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2. En cause, les « micro-fissures » présentes par milliers dans les cuves, et qui font déjà l’objet de nombreuses critiques depuis quelques années. Selon le rapport, ces micro-fissures ne seraient pas stabilisées et continueraient de grandir. Pour éviter tout risque, les auteurs du rapport, qui se définissent par ailleurs comme favorable à l’énergie nucléaire, demandent la mise à l’arrêt des deux réacteurs. Malgré ces éléments inquiétants, l’agence de contrôle nucléaire estime pour sa part que la situation ne présente aucun danger. La guerre des experts est lancée.
Les micro-fissures une nouvelle fois en cause
Pour rappel, c’est en 2012 que Electrabel découvre plusieurs milliers de mirco-fissures dans les cuves des réacteurs visés par les trois scientifiques. Les conclusions scientifiques avaient alors établies que ces micro-fissures auraient été causées par un défaut de fabrication, éludant le risque de développement incontrôlé de ces fissures. Mais selon les trois scientifiques, cette hypothèse ne permet d’expliquer qu’une partie des fissures seulement. Pour Boonen, ce défaut de fabrication peut expliquer jusqu’à 1500 micro-fissures, mais pas les 13 000 fissures détectées dans les derniers contrôles réalisés. Une part des fissures serait causée sous l’action de l’hydrogène produit dans les réacteurs. De nouvelles fissures seraient donc en train d’apparaître avec le risque d’un incident nucléaire, si on en croit leur rapport.
Selon eux, la situation est préoccupante, puisque les autorités « ne sont pas en mesure d’assurer la stabilité des micro-fissures présentes dans les parois des cuves des réacteurs ». Mais auprès de la RTBF, l’agence de contrôle balaie les mises en garde d’un revers de la main : « nous avons l’avis d’autres experts qui disent le contraire. Il y a des indications [fissures, ndll] dans ces cuves. On les a analysées. Il n’y a aucun élément pour nous amener à arrêter les centrales ». Sur son site internet, l’AFSN s’oppose par ailleurs aux principales conclusions des scientifiques et assure que les bulles d’hydrogène datent toutes du moment de fabrication, suggérant ainsi que les cuves sont stables. Chacun campe sur sa position.
Des réacteurs sous le feu des critiques des associations
L’état de ces réacteurs inquiète une partie de l’opinion publique depuis de nombreuses années. En 2012, suite aux premières révélations, les deux réacteurs nucléaires avaient été mis à l’arrêt le temps d’effectuer des tests et d’établir l’origine des fissures ainsi que le danger qu’elles pourraient représenter pour la sécurité des sites et des populations. Finalement, l’AFSC avait donné son autorisation au redémarrage fin 2015 sans véritablement convaincre les associations.
Depuis, les doutes persistent et de nombreuses voix s’élèvent contre cette décision. Cet été, une importante manifestation avait d’ailleurs mobilisé 50.000 personnes venues de Belgique, des Pays-Bas et de l’Allemagne pour demander aux responsables politiques la fermeture immédiate de ces réacteurs. Selon la loi actuelle, Doel 3 ne sera fermé qu’en 2022, Tihange 2 en 2023. D’ici là, tout le monde retiendra sa respiration en espérant que les scientifiques de l’UCL fassent fausse route…
Source : rtbf.be
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