A l’approche des fêtes de fin d’année, il convient de rappeler l’importance de bien choisir les produits qui composeront les festins qui s’annoncent. Si les maltraitances animales liées au foie gras sont déjà bien connues, un autre aliment-phare fait aujourd’hui polémique : la dinde, prisée à Noël. Certains élevages et abattoirs de cette volaille sont en effet loin de respecter les réglementations en vigueur. C’est ce que révèle une nouvelle enquête de l’association L214, qui s’intéresse à l’abattage de dindes notamment commercialisées sous la marque Le Gaulois. Les violations massives aux règles les plus élémentaires et les maltraitances animales systématiques constatées ont mené l’association à réclamer, via une pétition et une plainte, la suspension immédiate de l’agrément de cet abattoir.

Si la dinde est loin d’être l’animal le plus consommé en France, sa production représente tout de même près de 20 % de la production de volaille de l’Hexagone. Au total, ce sont ainsi 48 millions de dindes qui ont été abattues en 2019, d’après les chiffres du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Une écrasante majorité d’entre elles (97 %) provenaient d’élevages intensifs, ce qui signifie qu’elles ont vécues la totalité de leur vie en bâtiments fermés sans accès à l’extérieur. Outre ses effets particulièrement néfastes pour l’environnement, ce type de filière est souvent synonyme de maltraitances animales.

C’est ce que confirme une nouvelle enquête de l’association L214, menée dans un élevage du Loiret qui produit 140 000 dindes par an, mais surtout dans l’abattoir qu’il fournit, à Blancafort dans le département du Cher. D’après l’association, 75 000 volailles y seraient abattues par semaine. Parmi celles-ci, on retrouve notamment les dindes commercialisées sous la marque Le Gaulois, du groupe agroalimentaire français LDC. Spécialisé dans la commercialisation et la transformation de volaille, il s’agit du premier groupe volailler en Europe, qui comprend également les marques Maître Coq et Loué.

Des infractions flagrantes aux réglementations

Ces nouvelles images révélées par L214 ont été tournées par un employé en octobre 2020. Elles montrent que l’infrastructure est en violation flagrante de la réglementation qui encadre la mise à mort des animaux. Selon L214, la chaîne d’abattage où sont suspendues les dindes avant d’être étourdies présente au moins 3 non-conformités majeures. Tout d’abord, lorsqu’elles sont suspendues aux crochets, les dindes doivent relever la tête pour ne pas racler le plancher métallique, ce qui contrevient à la loi, qui stipule que les oiseaux suspendus ne doivent rencontrer aucun obstacle et que les causes de dérangement doivent être réduites au minimum.

Ensuite, la chaîne est si longue (plus de 50 mètres) que les dindes peuvent rester suspendues, conscientes, pendant plus de 2 minutes, un délai qui dépasse le maximum autorisé par la réglementation. La troisième infraction concerne la chaîne d’abattage en elle-même, qui s’élève par endroits à plusieurs mettre de hauteur. Ces installations ne permettent pas aux ouvriers d’accéder aux animaux sur toute la chaîne, ce qui rend impossible toute intervention en cas d’urgence. A la fin de ce long rail, les dindes sont finalement abattues en étant plongées dans un bac d’eau électrifiée.

Une maltraitance qui commence lors du transport

Si les abattoirs de ce type sont par définition des lieux de souffrance pour les animaux, ces différentes infractions aux réglementations en vigueur entraînent une maltraitance accrue et inutile pour les dindes, qui commence dès le transport vers l’abattoir. En effet, elles sont entassées dans des caisses dont la hauteur est insuffisante pour permettre une ventilation adéquate. Ceci entraîne un stress thermique pour les dindes, dont les têtes touchent le plafond. Beaucoup des volatiles ne survivent pas à ces conditions de transport désastreuses, et viennent s’amonceler dans les poubelles de l’abattoir, remplies de cadavres.

Suspendues au rail, les dindes doivent relever la tête pour ne pas racler le plancher métallique.

Le lanceur d’alerte rapporte également la pénibilité du travail extrême dans les abattoirs. Outre la portée sinistre de leurs actes quotidiens et leurs effets sur la psyché humaine, les ouvriers répètent inlassablement les mêmes gestes qui peuvent à terme engendrer des troubles musculo-squelettiques. Pour accrocher les dindes, qui pèsent jusqu’à 15 kg, ils doivent en permanence effectuer des mouvements de torsion. Sur douze personnes présentes en début de journée, L214 constate qu’il n’en reste parfois plus que huit deux heures plus tard, des ouvriers ne pouvant rapidement plus continuer à travailler dans ces conditions.

« La réglementation ne sert à rien »

L’enquête de L214 s’est également intéressée à l’un des élevages de dindes qui fournit cet abattoir. Comme dans beaucoup d’exploitations intensives, les animaux y sont entassés dans un bâtiment fermé sans jamais avoir accès à l’extérieur, piétinant un sol imbibé de fientes. « Les dindes qui finissent en barquette, vendues sous la marque Le Gaulois dans les rayons de supermarchés, n’ont jamais connu un brin d’herbe » résume Sébastien Arsac, cofondateur de L214, qui lance une pétition en ligne pour demander la suspension immédiate de l’agrément de cet abattoir. On notera à ce sujet que les pétitions de L214, de par leur ampleur nationale, arrivent souvent à faire plier les autorités et les marques. Difficile en effet de rester insensible à tant de souffrance animale.

Les cadavres de dindes qui n’ont pas survécu aux conditions de transport s’entassent dans les poubelles de l’abattoir.

Pour le rappeur Gringe, qui soutient cette cause, « cette pétition qu’on peut tous signer, c’est le droit qui nous est donné de contester et de mettre fin à l’ignominie des conditions de vie et de mort de ces animaux. » Constatant ces multiples violations flagrantes des règles qui encadrent la mise à mort des volailles, L214 dépose également plainte contre le transporteur Avilog et l’abattoir de Blancafort pour maltraitance envers les animaux. « La réglementation qui encadre l’élevage, le transport et la mise à mort des animaux est dérisoire, et elle n’est même pas respectée. Si l’abattoir de Blancafort continue de fonctionner en l’état, alors il faudra se rendre à l’évidence : la réglementation ne sert à rien » déplore Sébastien Arsac.

Au-delà de la nécessité de s’assurer du respect des règles en vigueur aujourd’hui, des évolutions législatives sont clairement indispensables pour mettre fin aux maltraitances animales liées à l’élevage intensif et à l’abattage industriel des animaux. En attendant, le meilleur repas en cette période festive est celui qui n’invite pas la souffrance animale et le réchauffement climatique dans notre assiette.

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