Retenez bien la date : le 21 mars sera dorénavant la journée mondiale de la préservation des glaciers. Par cette première, l’Unesco appelle à la préservation de ces « châteaux d’eau naturels ». Entre approvisionnement en eau, sécurité alimentaire, hydroélectricité, biodiversité et culture, on vous explique pourquoi les apports des glaciers et montagnes sont inestimables, et à protéger de toute urgence.
Alors que leur fonte s’accélère à cause du réchauffement climatique, le nouveau rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) sur la mise en valeur des ressources en eau alerte sur les « services essentiels et les bénéfices que procurent les eaux de montagne et les glaciers alpins aux sociétés, aux économies et à l’environnement ».

Sans glaciers, plus d’eau douce ?
En quelque 200 pages, le dossier détaille les facteurs de vulnérabilité de ces “châteaux d’eau naturels » et explique la mise en péril des ressources en eau dont dépendent des milliards de personnes et d’innombrables écosystèmes. Avec plus de 275 000 glaciers répartis à travers le monde couvrant environ 700 000 km2, ces géants de glace sont indispensables.
Et pour cause : les montagnes fournissent actuellement jusqu’à 60 % des flux annuels d’eau douce dans le monde. Alors que 1,1 milliard de personnes (15% de la population mondiale) vivent dans des régions montagneuses, plus de 2 milliards dépendent directement de l’eau provenant des montagnes pour leur eau potable, leurs installations sanitaires et leurs moyens de subsistance.
Des services écosystémiques essentiels
Les régions montagneuses sont en outre vitales pour des secteurs tels que le pastoralisme, la sylviculture, le tourisme et la production d’énergie. À titre d’exemple, dans les pays andins, 85 % de l’énergie hydroélectrique provient des zones montagneuses. « Les montagnes fournissent également des produits de valeur tels que du bois et d’autres produits forestiers, du bétail propre aux régions montagneuses et des produits agricoles spécialisés qui dépendent tous de l’eau », complète l’agence onusienne dans un communiqué.
Dans ces milieux d’apparence hostile, les communautés autochtones ont développé « des savoirs, des traditions et des pratiques culturelles propres » qui leur ont permis de se doter de systèmes alimentaires durables, d’assurer la gestion des terres et de préserver la biodiversité. Des techniques précieuses pour l’ensemble de l’humanité.
Finalement, les hautes altitudes sont également le refuge d’une biodiversité riche et parfois endémique au milieu. « Lorsqu’un glacier disparaît, c’est en réalité bien plus que de l’eau qui disparaît », alertent à ce titre les scientifiques de la mission pluridisciplinaire Vanishing Glaciers.
Après avoir parcouru les chaînes de montagnes de Nouvelle-Zélande, du Caucase russe, de l’Himalaya, du Pamir et du Tien Shan (Asie centrale), des monts Rwenzori (Ouganda), des Alpes européennes, des Alpes scandinaves, de l’Alaska, du sud-est du Groenland, de l’Équateur et du Chili, les chercheurs mettent en avant la disparition d’une biodiversité invisible qui peuple les cours d’eau glaciaires. Des microbiomes uniques aux capacités d’adaptation remarquables, constituant la base des chaînes alimentaires.
Glaciers en voie de disparition : un compte à rebours lancé
Pourtant, ces écosystèmes riches et indispensables à la survie humaine sont gravement menacés. Depuis le début du siècle, notre planète a perdu l’équivalent de 5 % de ses glaciers, soit des milliards de tonnes d’eau douce évaporées. Dans les Alpes, où les effets du réchauffement climatique sont particulièrement intenses, plus des deux tiers de la surface glaciaire se sont évaporés depuis 1850.
« La préservation des glaciers n’est pas seulement une nécessité environnementale, économique et sociétale. C’est une question de survie », alerte la secrétaire générale de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), Celeste Saulo, à l’occasion de cette première Journée mondiale des glaciers.
Si la tendance actuelle se poursuit, de nombreux glaciers situés dans l’ouest du Canada et des États-Unis, en Scandinavie, en Europe centrale, dans le Caucase, en Nouvelle-Zélande et dans les régions tropicales disparaîtront avant la fin du XXIe siècle selon les prévisions de l’organisme. Selon le directeur du Service mondial de surveillance des glaciers (WGMS), Michael Zemp, c’est l’équivalent d’ « un bloc de glace de la taille de l’Allemagne et d’une épaisseur de 25 mètres » qui s’est déjà évaporé depuis le début des relevés, en 1975.
Des phénomènes extrêmes à prévoir
Au fur et à mesure que l’atmosphère se réchauffe, la fonte des glaciers s’accélère, le manteau neigeux diminue, le dégel du pergélisol s’intensifie, les précipitations et les risques naturels deviennent plus extrêmes. Ces évènements ont un impact direct sur les risques d’inondation et de glissement de terrain.
« De même, les phénomènes associés à ces risques, tels que les coulées de débris et les crues, les avalanches, les chutes de pierres et de glace, les inondations provoquées par la rupture de barrages ou la vidange brutale de lacs glaciaires, peuvent constituer des menaces importantes pour les communautés, la faune et la flore ainsi que pour les infrastructures » situés à proximité des montagnes, déplore le rapport de l’Unesco.

2025 — Montagnes et Glaciers : des châteaux d’eau. UNESCO, Paris.
Pour réduire ces risques et tenter de sauver nos « châteaux d’eau naturels », l’agence des Nations-unies espère sensibiliser le grand public à travers la création d’une journée mondiale en faveur de leur préservation. Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, assure :
« Quel que soit l’endroit où nous vivons, nous dépendons tous d’une manière ou d’une autre des montagnes et des glaciers”
Mieux connaître les géants de glace pour mieux les protéger
Alors que les mesures visant à lutter contre les effets du changement climatique dans les régions montagneuses diffèrent considérablement en termes d’objectifs et de priorités selon les pays, l’organisation appelle à une gouvernance partagée de ces enjeux.
« C’est un défi qui dépasse les pays. Ce sont des chaînes de montagnes partagées, donc la collaboration entre nations est fondamentale », souligne Abou Amani, secrétaire du programme hydrologique intergouvernemental de l’Unesco. Le rapport insiste également sur la nécessité d’engager un dialogue avec les peuples autochtones et les communautés locales, qui détiennent un savoir essentiel sur la montagne.
Réservoirs vitaux pour des milliards d’êtres vivants, les glaciers et montagnes jouent un rôle clé dans l’équilibre de notre planète. « Si l’on veut mieux comprendre et protéger ces environnements fragiles, de plus en plus menacés par le changement climatique et les activités humaines non durables, il nous faut agir », conclut le rapport.
« Car rien de ce qui a lieu dans les montagnes ne reste dans les montagnes. D’une façon ou d’une autre, nous vivons tous en aval. »
– Lou Aendekerk
Photo de couverture de Joshua Tsu sur Unsplash