En transition démocratique depuis son soulèvement en 2011 et surpris par une nouvelle vague de contestation populaire, la Tunisie voit poindre l’écueil d’une seconde révolution. Enquête.

Une corruption persistante et une absence de réforme du système économique et social sont à l’origine de nouveaux  débordements à Kasserine puis à Tunis en ce début d’année 2016. Un même détonateur, la mort d’un jeune chômeur  de 28 ans rappelle le suicide du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, le déclencheur des scènes prérévolutionnaires en 2010-2011. Comme lors de la révolution du jasmin, le point de départ se noue dans des inégalités galopantes et une fracture territoriale des plus avancée. Comme en 2011, les slogans « Travail », « Dignité » et « Justice sociale » sont brandis.

Car si l’ex-président Ben Ali a fui le pays depuis cinq ans, les réflexes et les structures de la dictature sont pour la plupart bien restés figés. Certes, « l’apprentissage pratique » nécessaire à l’ancrage de la démocratie suppose un large temps d’adaptation et une évolution lente des mentalités. La constitution tunisienne, adoptée en 2014 après trois ans de délibération d’une assemblée démocratiquement élue, a été une véritable avancée progressiste en la matière. Mais en majorité, les lois qui régissent le pays n’ont pas été démantelées et sont de fait non conformes à la nouvelle constitution. Dès lors, persiste ce sentiment d’une démocratie de façade où les actions démocratiques concrètes peinent à émerger.

Documentaire indépendant signé Les-Hiboux.fr

À la croisée des chemins

Symbole de cette instabilité, six gouvernements se sont succédé depuis le soulèvement populaire des printemps arabes. Incapables de produire un discours politique en phase avec les attentes de la jeunesse, les différents partis n’ont fait qu’alimenter le sentiment de révolte, au goût d’inachevé. L’éclatement du parti actuel au pouvoir Nidaa Tounès, plus médiatisé par la portée de ses querelles internes que de ses avancées sur les chantiers économiques et sociaux,  renforce la  déconnexion  actuelle avec l’élite politique. Plus que jamais, la confiscation de l’univers politique apparenté à la génération Ben Ali vient alimenter troubles et montée des extrêmes.

On le constate, la Tunisie peine à sortir de la stagnation engendrée par les 23 ans de l’ancien régime au pouvoir. Le socle de « résistance culturelle » dans son ensemble  (artistes, blogueurs, journalistes, cinéastes, caricaturistes, musiciens, etc.), très actif lors du renversement du régime, se heurte aujourd’hui aux difficultés de la reconstruction. Dans ce contexte, la société civile et les médias citoyens apparaissent comme la première ligne de défense des libertés politiques récemment acquises, grâce à une liberté d’expression retrouvée, fidèle à la dynamique insufflée par la révolution. L’attribution du prix Nobel de la paix en octobre 2015 au quartet tunisien vient précisément récompenser la lutte des acteurs de la société civile au cœur des défis de la transition. Il insuffle un vent positif à un bouillonnement culturel post-révolution qui ne demande qu’à s’affirmer davantage sur le devant de la scène politique.

Certes, sans s’extirper du marasme économique, la situation paraît périlleuse. Mais le foisonnement d’initiatives et la pluralité des canaux d’expression en marche dans le pays laisse présager de nombreux retournements. C’est à la rencontre de ces acteurs incontournables de la vie politique tunisienne que ce documentaire décortique les enjeux d’un pays considéré comme laboratoire de la démocratie dans le monde arabe.


Texte et docu : Les Hiboux / Article en partage libre sous licence Creative Commons  Licence Creative Commons

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Image à la une : AFP/FETHI BELAID

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