Indignation des organisations de protection de la biodiversité marine après qu’un collectif de pêcheurs de maquereau du sud-ouest de l’Angleterre appelle à l’abatage des phoques. Alors que les attaques enregistrées à l’encontre de ces mammifères marins sont en augmentation en Grande-Bretagne, les associations rappellent l’importance des phoques pour l’équilibre des écosystèmes marins et de la chaine alimentaire. Cet appel à l’abattage des phoques démontre une nouvelle fois la conception fondamentalement fausse que l’homme a de la réalité, selon laquelle les ressources naturelles et la biodiversité existent principalement pour servir ses intérêts. Hélas, après avoir abattu toutes les espèces « concurrentes » aux activités de pêches commerciales pour réaliser que seule notre surconsommation était en réalité responsable de la disparition de la vie dans nos océans, que nous restera-t-il ? Retour sur cette affaire.
« Pour chaque poisson capturé par nos pêcheries, les phoques en mangent 53 fois plus »[1], a récemment publié le collectif Cornish Mackerel Fishermen sur sa page Facebook, appelant à l’abattage des mammifères marins pour sauvegarder les prises humaines.
La colère des associations protectrices des écosystèmes et de la biodiversité marine ne s’est pas fait attendre : « Je ne peux pas croire que quiconque trouve acceptable de publier ceci et d’appeler à l’abattage des phoques. Il est probable que les phoques, par le biais des activités touristiques, contribuent davantage à l’économie britannique que l’industrie de la pêche »[2], s’est indigné le porte-parole de Blue Planet Society.
Ces associations dénoncent notamment l’absence de sources scientifiques appuyant cette comparaison défendue par les pêcheurs de maquereau, et rappellent, au contraire, que certaines études suggèrent que les phoques n’entrent pas en compétition avec les activités de pêches commerciales.
Après avoir essuyé de nombreuses critiques, le collectif des pêcheurs de Cornouailles s’est justifié de ses propos en déclarant : « le contenu de notre page est destiné aux pêcheurs à la ligne, mode de pêche le plus écologique. Nous ne soutenons en aucun cas les super chalutiers ou les fileyeurs. Toutefois, il y a un réel problème avec la population de phoques au Royaume-Uni parce qu’ils n’ont plus de prédateurs. Tout ce que vous voyez, ce sont de mignons animaux à fourrure ressemblant à des labradors, alors qu’en réalité, ils sont les rats de la mer »[3].
Un abattage injustifié
Publié en 2010 par le Parlement Européen, le document Phoques et stocks de poissons dans les eaux écossaises rapporte que « les effets de la prédation par les deux espèces de phoques sur l’abondance globale des stocks de la plupart des espèces de poissons sont insignifiants. Une réduction importante du nombre de phoques dans les eaux écossaises n’aurait probablement aucun impact significatif sur le succès des prises de pêche »[4].
Le rapport indique également que les phoques consomment environ la même quantité de poissons que les dauphins et petits rorquals, et deux fois moins que certaines espèces d’oiseaux marins.
Par ailleurs, une étude menée par des chercheurs de la Queen’s University de Belfast révèle que les phoques ne menacent pas les stocks de pêche commerciale dans les eaux irlandaises. En effet, mangeant principalement des petits poissons interdits à la pêche commerciale, les phoques n’entrent pas en compétition avec les activités des pécheurs de la région[5].
Un rôle essentiel pour l’équilibre de la biodiversité
Bien que l’espèce soit protégée par la loi de 1970 sur la conservation des phoques, cette fausse menace pour les activités de pêche commerciale a conduit à une augmentation des attaques domestiques contre les phoques au Royaume-Uni.
Après une récente attaque, Dan Jarvis, directeur du département conservation et bien-être à la British Divers Marine Life Rescue, a dénoncé cette chasse aux sorcières et ces actes de maltraitances : « Il est difficile de comprendre pourquoi certaines personnes pensent qu’il est normal de lapider les phoques, de les traîner par leurs nageoires ou de lâcher intentionnellement leurs chiens sur eux »[6].
Certaines pratiques de chasse sont également toujours autorisées. En Ecosse, l’abattage des phoques pour protéger l’industrie de la salmoniculture était encore légal en 2020, enregistrant sur l’année le massacre de 80 individus.
L’année suivante, le gouvernement écossais a stoppé cette pratique barbare afin de protéger le bénéfice des 180 millions de livres issu de l’exportation annuelle du saumon vers les États-Unis, qui interdisent désormais l’importation en provenance de pays où l’abattage des phoques est autorisé [7].
Face à ces nouveaux propos, il est important de rappeler que les phoques constituent un élément fondamental de la chaîne alimentaire et jouent un rôle essentiel dans le maintien de la santé des océans, dont dépend l’industrie de la pêche. Indicateur d’un écosystème sain, les phoques aident également à réguler les populations de proies et à répandre les nutriments, qui nourrissent à leur tour le plancton et autres micro-organismes.
Alors que nos océans se vident sous la pression exercée par la surpêche nécessaire pour maintenir notre consommation de poissons toujours plus importante, il est fondamental d’inverser la place du narrateur dans ce discours anthropocentré. Nos activités humaines entrent également en compétition avec la consommation nécessaire aux subsistances naturelles des différentes espèces et individus de la biodiversité marine. Toutefois, nous sommes les seuls à surconsommer.
– W.D.
[1] Horton, H., “Rats of the sea: backlash after Cornish fishers call for a seal cull” in The Guardian, 25 avril 2022, disponible sur: https://www.theguardian.com/environment/2022/apr/25/rats-of-the-sea-backlash-after-cornish-fishers-call-for-seal-cull
[2] X., « Contrecoup après que les pêcheurs de Cornouailles appellent à l’abattage des phoques » in Marine Industry News, 3 mai 2022, disponible sur : https://marineindustrynews.co.uk/fr/backlash-after-cornish-fishermen-call-for-seal-cull/
[3] Ibid., disponible sur : https://www.theguardian.com/environment/2022/apr/25/rats-of-the-sea-backlash-after-cornish-fishers-call-for-seal-cull
[4] European Parliament, Seals and Fish Stocks in Scottish Waters, Directorate General for Internal Policies, 2010, disponible sur: https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/note/join/2010/438613/IPOL-PECH_NT(2010)438613_EN.pdf
[5] McKernon, A., “Seals do not compete for fishing stocks says study” in Irish News, 27 octobre 2015, disponible sur: https://www.irishnews.com/news/2015/10/27/news/seals-do-not-compete-for-fishing-stocks-says-study-306718/
[6] Lee, J., “UK seals attacked by cruel thugs: stones, dragged by flippers and dogs set on them” in Express, 27 avril 2022, disponible sur: https://www.express.co.uk/news/uk/1601743/UK-seal-attack-Northumberland-stones-thrown-charity-abuse-wildlife-news
[7]X., “Rats of the sea : backlash after Cornish fishers call for seal cull” in Times of Nation, 25 avril 2022, disponible sur: https://www.timesofnation.com/rats-of-the-sea-backlash-after-cornish-fishers-call-for-seal-cull/
Photo de couverture @MrMondialisation : gauche @Paul Einerhand/ Unsplash , droite @Pixabay, Phoque gris.