La pêche sélective consiste à choisir les poissons que l’on pêche, pour leur taille ou pour leur valeur commerciale, et à relâcher ceux dont on ne veut pas. Selon une étude menée par une doctorante de l’Université d’Oslo, cette technique de pêche réduirait considérablement la taille des espèces des poissons, ce qui bouleverserait l’écosystème marin. On vous explique.

Selon une étude publiée par l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer), la pêche sélective est une méthode durable puisqu’elle permet de ne pas tuer les poissons dont on ne veut pas, mais de simplement les relâcher.

Cependant, une doctorante de l’Université d’Oslo a découvert que la pêche sélective pourrait avoir des conséquences négatives sur les poissons et l’écosystème marin. En se basant sur plusieurs rapports scientifiques et en mettant au point une expérience, Charlotte Evangeli a découvert que la taille des poissons diminuait au fil du temps, à cause de la pêche sélective.

« Les poissons audacieux sont plus actifs et se nourrissent plus que les poissons timides, ce qui les rend souvent plus exposés à la pêche. Lorsqu’ils sont retirés, seuls les individus timides restent. Dans la pêche récréative, même les hameçons sont conçus pour attraper les plus gros poissons », a expliqué la chercheuse.

@tessa-wilson/Unsplash

 

Des poissons de plus en plus petits

La tendance à pêcher en ne conservant que les gros poissons, a pour effet de laisser à l’eau une majorité de poissons de petite taille. Au fil du temps, les gros poissons ayant été pêchés à répétition, la taille des poissons restants pourrait jouer un rôle sur la génétique des futurs générations. En effet, tous les petits poissons pourraient être obligés de se reproduire entre eux, et ne donneraient plus naissance à de gros spécimens.

La pêche sélective a un impact sur la taille des poissons puisque celle-ci a diminué de 30% depuis 1960. Crédit : Pixabay

Selon un rapport scientifique rédigé par les chercheurs de l’INRAE, du CNRS et de l’Université de la Sorbonne, ce phénomène serait déjà en cours. Daprès l’étude publiée en 2021 dans la revue Ecology Letters, la taille des poissons aurait déjà diminué de 30% à cause de la pêche sélective. Un phénomène visible, en eau douce comme en eau de mer, depuis 1960.

Que les poissons soient plus petits, cela n’aura pas uniquement des conséquences pour les pêcheurs. En effet, le comportement des poissons pourrait lui aussi changer selon leur taille. Si certaines espèce sont collectivement plus petites, alors qu’elles survivaient peut-être jusque-là grâce à une taille moyenne plus élevée, elles pourraient voir leurs populations drastiquement diminuer jusqu’à disparaître ou déséquilibrer l’écosystème marin.

 

Un bouleversement de l’écosystème marin

En effet, la conséquence la plus alarmante du changement de taille des poissons concerne le potentiel dérèglement de l’écosystème marin :

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« Nous savons que les poissons deviennent plus petits, mais nous ne connaissions pas l’effet sur les niveaux supérieurs d’organisation, tels que la structure des communautés de proies et le fonctionnement de l’écosystème. La taille corporelle est un trait clé qui est en corrélation avec l’histoire de vie et le métabolisme des poissons. Le rôle d’un poisson dans l’environnement changera lorsque la taille du corps changera », a expliqué Charlotte Evangeli.

Si les poissons deviennent plus petits, cela pourrait avoir un impact sur l’ensemble de l’écosystème marin. Crédit : Pixabay

Pour comprendre l’impact de la pêche sélective sur les poissons, Charlotte Evangeli a mené une expérience. Dans un premier temps, elle a observé le comportement de certains poissons Medaka sur 10 générations, en imitant la pêche sélective et en retirant les poissons les plus gros. Les plus petits poissons se sont donc reproduits entre eux. Dans un second temps, la doctorante a observé d’autres poissons en reproduisant la sélection naturelle : dans ce cas là, les gros poissons ont pu se reproduire.

Les deux sortes de poissons, ceux issus de la pêche sélective et ceux de la sélection naturelle, ont ensuite été intégrées dans deux étangs différents. Les étangs naturels contenaient des insectes, des petits animaux, du zooplancton et des végétaux. Pendant trois mois, le comportement des poissons a été laissé à son évolution. Aux termes de ces observations, il a été constaté que les poissons issus de la pêche sélective étaient moins capables de trouver de la nourriture et des proies que les autres.

« C’est quelque chose qui peut affecter leur survie à l’avenir. Si les poissons ont un régime alimentaire plus restreint, ils sont moins capables de faire face à un changement de type de proie, ce qui les rend plus vulnérables aux fluctuations des proies », a expliqué la doctorante.

Les petits poissons ne peuvent pas manger les proies les plus grosses et sont plus vulnérables. Crédit : INRAE

En outre, selon l’expérience menée par Charlotte Evangeli, le développement des petits poissons aurait un impact sur les végétaux et sur l’ensemble de la biodiversité marine. En effet, les petits poissons sont incapables d’attraper des proies, et ne mangent donc pas les animaux qui se nourrissent des algues.

Dans l’étang des poissons issus de la sélection naturelle, les chercheurs ont pu observer une prolifération d’algues, ce qui est bénéfique pour l’écosystème marin. En revanche, les algues étaient beaucoup moins nombreuses dans l’étang des poissons issus de la pêche sélective, car ces derniers n’ont pas pu s’attaquer aux prédateurs des algues.

Cette expérience prouve donc que la taille des poissons a un impact sur le comportement de ces derniers, mais aussi sur l’ensemble de l’écosystème et de la vie sous-marine. A l’heure où cette vie est déjà grandement menacée par la pêche industrielle, il est urgent d’aborder la question des méthodes de pêche et de leur intensification, en vue de rapports plus équilibrés et intelligents à la nature.

Lisa Guinot

Photo de couverture : @Mael BALLAND/Unsplash

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