L’observatoire des multinationales vient de publier un rapport indiquant que plus de 180 villes dans le monde ont choisi de mettre fin à la gestion privée de leur distribution d’eau. Paris, Berlin, Buenos Airs, La Paz, Johannesburg, Atlanta, Kuala Lumpur ou Jakarta par exemple ont remunicipalisé la gestion de l’eau, souvent sous pression de leurs citoyens, lassés de la dégradation de la qualité du service et des hausses de tarifs pratiqués par Veolia et autre Suez. Une bonne nouvelle donc, à l’heure où les services publics sont de plus en plus attaqués et privatisés, y compris ceux relevant du bien commun.
Remunicipalisations en série
Ce rapport publié par l’observatoire des multinationales de Bastamag, conjointement avec le Transnational Institute, basé à Amsterdam, et PSIRU, un centre de recherches internationale sur les services publics basé à Londres, nous apprend qu’au cours des 15 dernières années, plus de 180 villes et collectivités du monde entier ont décidé de mettre fin à la privation de leur service de l’eau et d’assainissement.
En France, Grenoble, Paris, Rennes, Nice et Montpellier et 45 villes autres françaises ont déjà refait rentrer l’eau sous giron public, et plus d’une centaine d’autres ont prévu de le faire. En causes : les hausses constantes de tarif couplées à une grande opacité – voir de la corruption avérée – dans les contrats attribuant les réseaux d’eau aux multinationales. De nombreuses grandes métropoles sont également « touchées », leurs privatisations ayant eu des conséquences catastrophiques sur les populations.
Cures d’austérité et privatisations
Si on parle aujourd’hui de « re »municipalisations, c’est que le phénomène de privatisation de l’eau est assez récent. Les premières ont été instaurées par les cures d’austérité imposées aux quatre coins du monde par le FMI et la Banque mondiale. La musique est connue : « on vous prête de l’argent pour rembourser votre dette en échange de la privatisation de vos services publics ».
A ce sinistre petit jeu, la France est championne : ses multinationales de l’eau, Suez et Veolia en tête, sont tristement célèbres pour accaparer les biens publics des pays les plus en difficulté : Afrique et Amérique du Sud notamment. Devant l’échec constant de ces privatisations (corruption, profits pour les multinationales, dégradation du service et explosion des prix), le phénomène est devenu rare depuis une dizaine d’années sur ces 2 continents, et difficilement défendable par les (i)responsables politiques.
Cette « guerre de l’eau » a donné lieu à plusieurs films, dont le très beau Même la pluie , qui raconte le combat des boliviens contre la privatisation de leur eau par une firme nord-américaine, sur fond de corruption et de libre-échange.
En Europe en revanche, le phénomène a connu une nouvelle jeunesse à la faveur des politiques d’austérité imposées suite à la crise financière (devenue la crise de ladette). En effet la Troika (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) impose systématiquement la cession des services d’eau au privé aux pays à qui elle vient en « aide » : Grèce, Portugal, Italie et Espagne. Pourtant la privatisation de l’eau fait face à un immense rejet de la part des Européens, qui peuvent se baser sur les exemples africains et sud-américains. Près de deux millions de personnes ont exprimé leur opposition en signant une « Initiative citoyenne européenne« , l’une des plus populaires jamais créées.
Cette initiative indique : « L’eau est un bien public, pas une marchandise ! Nous invitons la Commission européenne à proposer une législation qui fasse du droit à l’eau et à l’assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d’eau et l’assainissement en tant que services publics essentiels pour tous. Le droit européen devrait exiger des gouvernements qu’ils garantissent et fournissent à tous les citoyens l’assainissement et de l’eau saine et potable en suffisance. »
Cette problématique est à replacer également dans le cadre du TTIP (traité de libre-échange transatlantique), qui donnera plus de pouvoir aux multinationales pour vampiriser les services publics en leur permettant de poursuivre en Justice les États qui ont des législations trop « protectrices » et pouvant entraver leurs profits.
L’eau : un bien commun pour un droit fondamental
Comme l’indique Bastamag : « À l’évidence, tout n’est pas rose, et certaines des remunicipalisations listées dans le rapport ne sont qu’à demi-sincères, ou le résultat de multiples compromis. Ce mouvement démontre tout de même que citoyens, élus locaux et employés des services publics savent joindre leur force pour faire prévaloir les valeurs démocratiques, les droits fondamentaux et la simple réalité du terrain contre la pression privatrisatrice venue d’en haut. »
Cette question de la réappropriation de l’eau par les citoyens est à considérer dans un mouvement plus global dans le monde où les habitants souhaitent se réapproprier les biens communs et leurs droits fondamentaux, eau, nourriture, logements, électricité, trop souvent bradés à des géants du privé au nom du néolibéralisme, avec les conséquences dramatiques que l’ont commence à trop bien connaitre. Osons espérer que les citoyens et élus locaux continueront dans cette direction afin que la soif et la faim ne soient, au XXIe siècle, plus que des mauvais souvenirs.
Sources : Basta ! / Transnational Institute / Public Services International Research Unit / Observatoire des multinationales