Les informations circulent plus que jamais et chaque citoyen est à même de saisir l’ampleur des enjeux qui traversent nos sociétés, comme le rôle qu’il y joue. Crise de la démocratie, inégalités sociales et dérèglement climatique d’origine anthropique : personne ne peut, ou ne veut, rester impuissant face à ces problématiques. De ce réveil citoyen, émerge un peu partout en France le désir de se réapproprier un pouvoir subtilisé par une élite déconnectée de l’urgence. « J’irai voter pour nous » filme cette dynamique militante à travers les péripéties d’un groupe en particulier, situé à Montpellier : « Nous Sommes », une liste citoyenne déterminée à bousculer les élections municipales 2020. Projection exceptionnelle ce dimanche 26 septembre en salle à Paris et sur ImagoTV, suivie d’un débat.
A travers l’hexagone, de plus en plus de listes citoyennes déterminées à bousculer les habitudes politiques sont constituées, autour d’un seul mot d’ordre : « Il faut changer les règles du jeu, il en va de notre avenir ! ».
Elles font souvent leurs armes à échelle municipale. L’idée tient en quelques propositions communes, chacune développée selon les sensibilités locales, mais toujours dans un même but : « gagner les mairies pour changer les pratiques, construire des propositions collectives, redistribuer le pouvoir politique au-delà des étiquettes et répondre localement aux grands défis de ce XXIe siècle ».
Voilà ce que retient du moins le film engagé J’irai voter pour nous qui a suivi un de ces collectifs en particulier : « Nous sommes », une liste montpelliéraine qui s’est présentée aux élections de la ville en 2020. Immersion dans les coulisses de cette initiative en soif de démocratie.
Un jeu de vote politique momifié et déconnecté
La moyenne d’âge des maires est de 62 ans et 84% des maires sont des hommes. Autrement dit, le paysage politique est investi par une certaine tranche de la population uniforme, issue d’une histoire nationale profondément patriarcale et élitiste. Mais comment correctement répondre à la diversité des habitantes et habitants, leurs nuances, leurs besoins, leurs complexités et leurs droits légitimes, dans l’égalité et avec justesse, si cette pluralité n’est pas même représentée démocratiquement par les décisionnaires ? Coupés de la réalité de terrain et d’une connaissance sensible de celle-ci, le microcosme en place nous embarque vers des horizons délétères, à contre-courant de la volonté comme du bien général, et très souvent au service d’autres minorités dirigeantes en qui ils se reconnaissent. Le jeu est truqué, sclérosé.
Mais est-ce gravé dans le marbre ? De plus en plus d’entre nous, pris par l’urgence de la situation, plus que jamais concernés et impliqués, pensent que tout n’est pas encore perdu, ou du moins, ne s’autorisent plus à l’envisager ainsi : il faut agir, c’est vital. Les chiffres donnent relativement raison à ce réveil militant : les Français sont 66% à souhaiter davantage de candidats sans étiquette politique pour les élections municipales, et par la même occasion, près de la moitié des maires actuels ne souhaite pas se représenter pour 2020. Deux phénomènes propices à la montée de l’engagement citoyen, par les populations, pour les populations.
Evidemment, rien n’est dessiné d’avance et de nouvelles dynamiques impliquent forcément des risques. Si la solution idéale existait, qui pouvait nous libérer de l’emprise politique actuelle, verticale et concentrée, elle n’aurait pas tardé à prendre place. Mais les milliers de contextes différents, comme les vies qui y sont mêlées, sont complexes et imprègnent chaque tentative de changement, voire de basculement, d’une certaine fragilité. C’est inévitable et naturel : les idées nouvelles qui demandent d’imaginer l’avenir différemment et des moyens d’y parvenir originaux, sont en proie à l’échec. Mais ces échecs ne sont pas problématiques, ils sont le signe que les codes bougent, que le confort de la routine s’ouvre enfin aux possibles de l’inconnu, des inconnus. Si contre notre système nous n’acceptons que des révolutions immaculées et idéalisées, nous ne sommes pas près d’en changer. Mais de ces maladresses, chaque collectif et citoyen peut se nourrir et apprendre…
Des victoires et des échecs, sources d’inspiration pour d’autres actions
« Nous sommes » n’est pas qu’une liste citoyenne inscrite en vue de parasiter le scrutin et de questionner notre système de vote. C’est aussi un foyer d’idées concrètes pour exercer son pouvoir démocratique : « auto-organisation, actions directes, street art, ateliers participatifs dans l’espace public pour construire le programme avec les habitants et les impliquer dans la campagne… ». Le principe est de ne pas limiter l’inclusion citoyenne aux discours mais de relancer une dynamique civile tangible et viable, locale et fédératrice. Réunir les habitants autour de leur environnement social, naturel et politique.
Par nature, à des années lumières des viviers conventionnels et figés de la politique, les listes participatives dont « Nous sommes » est une des incarnations, sont aussi collectivement organisées que proprement spontanées. Voilà qui est à la fois leur atout principal, vecteur de sincérité et de bonne foi, et leur talon d’Achille, source de maladresses et de décisions périlleuses.
De fait, au fil de son évolution, « Nous Sommes » qui était représenté par ses adhérents, dont l’écologiste Alenka Doulain, s’est doté de deux nouvelles figures, pour le moins inattendues : Rémi Gaillard, le youtubeur, et Mohed Altrad, un milliardaire, dirigeant du Montpellier Hérault rugby et spécialisé dans la production de matériels pour le bâtiment et les travaux publics. Pourquoi s’y sont-ils alliés ? Quels sont les rouages internes de la politique qui ont peut-être nécessité ce choix ? Et cette stratégie, s’il en est une, est-elle fondamentalement contradictoire ? Autant de questions, et d’autres, auxquelles le documentaire tente de répondre via un suivi intime de la campagne municipale du groupe citoyen, de l’écriture du programme, aux actions de communication, en passant par les débats internes, les sorties médiatiques et les tractations politiques des candidats. Le tout, en vue d’affronter 9 candidats, dont le maire sortant Philippe Saurel.
Le film : un documentaire immersif pour comprendre ce qui paraît si loin et insaisissable
« La mission de l’équipe du projet : réaliser un documentaire pour raconter à un maximum de gens l’aventure de ces listes qui veulent réinventer la politique par le bas. » Ainsi se présente J’irai voter pour nous derrière lequel on trouve la réalisatrice et auteure Manon Bachelot, en co-écriture avec Action Commune, leurs équipes de tournage et les productions Artcam et Fréquence commune.
Pourquoi la liste « Nous Sommes » à Montpellier ? Parce qu’elle concentre parfaitement les problématiques en jeu dans ce genre de mouvements, notamment dans ce qu’ils croisent du monde politique. Durant 4 mois, le documentaire accompagne donc la campagne électorale de la liste participative, très consciente de l’ampleur du travail :
« On sait que 70% des solutions pour faire face au changement climatique se feront à l’échelle locale. Face à des politiques nationales ou européennes qui ne vont pas dans le sens de la protection des plus faibles et du climat, il faut organiser une résistance par nous-mêmes et pour nous-même »
– Collectif « Nous Sommes ».
Bien que représentative, la liste n’est bien heureusement ni la seule, ni la première, à expérimenter cette forme de rébellion : « le collectif s’inspire largement des villes rebelles espagnoles (Barcelone par exemple) et du mouvement municipaliste pour insuffler un changement dans le fonctionnement de la mairie. « Nous Sommes » n’attend pas l’investiture pour changer les pratiques politiques » rappellent les équipes du film.
Mais, si l’élan est inspirant, le plus grand danger que redoutent ces générations d’activistes portées par les conflits intérieurs de ces citoyennes et citoyens, c’est de devenir ce qu’ils ont si souvent combattu. Pour éviter de tomber dans cet écueil, les candidats comme le documentaire ne manquent pas de donner la parole aux montpelliérain.e.s qui ne sont pas impliqués dans cette candidature, à l’écoute de cette France dont ils ne doivent pas oublier les quotidiens.
Où et comment visionner ce documentaire ? Mr Mondialisation et la plateforme de streaming engagée ImagoTV se sont associés, avec le soutien du cinéma indépendant le Club de l’Etoile, pour organiser une projection débat de J’irai voter pour nous ce dimanche 26 septembre à 20h :
Soit directement en salle, au cinéma du Club de L’Etoile à Paris (75017), en présence des équipes du film : Billetterie.
Soit, en ligne, sur ImagoTv, à prix libre, et avec la possibilité de poser vos questions à la fin via la plateforme :
> S’enregistrer ici pour la séance du 26 septembre <
– Mr Mondialisation
Action Commune est un projet de l’association Les Voies de la Démocratie qui apporte des outils de démocratie locale et de municipalisme en libre accès à toutes les listes. Le second but est de documenter les expériences participatives dans le cadre de la campagne des municipales de mars 2020.
L’équipe de tournage
Auteur.e.s : Manon Bachelot & Action Commune / Réalisatrice : Manon Bachelot / Production : Action Commune / Assistante de production : Ondine Baudon / Chef opérateur : Théo Zesiger
En savoir plus sur les ciné-débats mensuels Mr Mondialisation/Imago : https://mrmondialisation.org/du-cine-debat-engage-en-aide-au-cinema-independant/