Business developper à Manhattan, Marc de la Ménardière voit sa vie bousculée à la suite d’un accident survenu juste avant la crise de 2008. Son ami de longue date, venu lui rendre visite, profite de leurs retrouvailles et de cette inactivité forcée pour lui faire part d’une série de documentaires qui va bientôt remettre en question son mode de vie. Au contact d’expériences alternatives qui mèneront les deux amis en Inde, en Amérique centrale en passant par l’Ardèche et les États-Unis, ce film propose avant tout un retour aux sources : celui de se reconnecter avec soi-même et la nature. Pour que se canalisent en énergies positives toutes nos interrogations sur notre vision du monde.
On nous a souvent raconté que « les voyages forment la jeunesse ». C’est d’abord au premier degré que l’ont pourrait qualifier l’expérience de Marc et Nathanaël, âgés tous deux de 26 ans, lorsqu’ils démarrent en Inde un road trip improvisé. C’est encore bien plus porteur lorsqu’on se plonge bien volontiers avec eux dans leurs découvertes, leurs rêves et leurs remises en question.
Symboles d’une jeunesse tiraillée entre son intérêt économique et ses aspirations identitaires, les deux amis livrent un cheminement de pensée digne des philosophes grecs qui jugeaient « qu’avant de vouloir réformer le monde, il fallait commencer par se connaître et se réformer soi-même ». C’est en arborant cette ligne directrice que le film nous amène à reconsidérer notre vision du bonheur. Loin d’être estimé par le seul Produit Intérieur Brut (PIB) d’un pays, celui-ci semble résider davantage au cœur des économies locales qui, si elles étaient implantées partout, « ne reviendraient pas cher aux humains ni à la planète. »
En toile de fond plane la remise en cause d’un modèle productiviste dont il est souhaitable d’apprendre à se libérer. La régénération du capitalisme, alimentée continuellement par l’idée que la croissance et la technologie résoudront toujours les problèmes, est à bout de souffle. C’est ce que le philosophe agronome Pierre Rabhi qualifie d’« acharnement thérapeutique », en avançant que ce processus est contraire à la coopération dont les individus ont besoin pour sortir des impasses. Il confiera aux deux amis que ce « prétexte du progrès est devenu l’imposture de la modernité ». Une méditation qui vient à point dans un contexte de déliquescence du corps social, aboutissant à la perte de repères d’une partie de la jeunesse. Le film pointe et répond habilement au constat très individualiste effectué par Margaret Thatcher en 1987 : « Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus ».
Nathanael Coste (à gauche) et Marc de la Ménardière (à droite), ici en tournage en Inde pour la réalisation du film.
Loin du « rêve américain » que vivait Marc à New-York, la reconnection avec la nature, très présente dans le long métrage, a de son propre aveu « reformaté son disque dur ». Prenant aussi bien appui, entres autres, sur l’activiste physicienne Vandana Shiva, le philosophe Frédéric Lenoir, le biologiste Bruce Lipton ou encore le journaliste écologiste Hervé Kempf, cette prenante quête de sens croise les disciplines en mettant en évidence des alternatives qui se rejoignent. Ainsi, la faculté d’observer, dégagée par les civilisations d’Amérique centrale, permet de relever que « l’homme moderne perd conscience quand il perd le lien avec le tout. » L’introspection et la spiritualité nous incitent à revoir nos certitudes et changer nos systèmes de croyance. Tout comme la raison scientifique qui nous rappelle l’interdépendance de toutes choses ensemble, à l’image des étoiles et du cosmos.
« Notre civilisation s’est construite depuis 200 ans sur une vision matérialiste et mécaniste du monde. Cette vision a séparé l’homme de la nature, le corps de l’esprit, et nié la dimension intérieure et le mystère de la vie. Elle a érigé la compétition comme une loi naturelle, l’avidité comme une qualité bénéfique à l’économie, l’accumulation de biens matériels comme finalité de l’existence… ». Marc de la Ménardière.
Un long métrage aussi unique qu’inattendu puisque l’idée de le réaliser s’est décidée au fur et à mesure de leurs découvertes. « En commençant à filmer, je n’aurais jamais imaginé faire un long métrage pour le cinéma, confie Nathanaël. C’est en rentrant d’Inde et en regardant les rushes qu’on s’est rendu compte que l’on avait mis le doigt sur des messages tellement profonds qu’il allait falloir continuer à creuser et aller au bout de l’aventure. » Une expérience bouclée de belle manière avec l’aide du financement participatif (Crowdfunding) de 963 coproducteurs ayant permis de récolter près de 40 000 euros, soit trois fois plus que le montant espéré.
Entretien avec Nathanaël, co-réalisateur du film, 27 mai 2015
L’engouement autour de votre projet a clairement été au rendez-vous, à l’image de la réussite du financement participatif. Pensez-vous qu’une part grandissante de citoyens se réclame, elle-aussi, être en quête de sens ?
Nathanaël Coste : On constate en effet au gré des projections et sur les réseaux sociaux que le film touche juste. A notre époque, la société de consommation et les mass media semblent nous enfermer dans la passivité et l’indifférence, quitte à sombrer dans le cynisme vis à vis des grands enjeux de notre temps.
A côté de ça, beaucoup savent que nous entretenons un système basé sur un grand mensonge : « consommer ne rend pas heureux. »
Les jeunes en particulier demandent à accomplir des tâches qui vont contribuer au bien commun et ainsi donner du sens à leur action. L’économie collaborative décolle en ce moment pour cette raison. Le risque étant de retomber dans les vieilles recettes sans parvenir à créer quelque chose de radicalement différent. Mis à part cela, nous sommes tous rattrapés à un moment ou à un autre de nos vies par des questions existentielles qui nous dépassent mais ces interrogations restent personnelles et se partagent rarement. Il y aurait pourtant tant à en dire…
Dans une interview que vous faites auprès du premier ministre du gouvernement Tibétain, celui-ci vous fait remarquer que « Les gens qui veulent le bien sont inactifs, désorganisés, et qu’ils ne se mettent pas en réseau« . Croyez-vous que les choses sont en train d’évoluer ?
On voudrait le croire car la désunion des forces du changement reste l’un des principaux frein à l’émergence de courants visibles et unis. Ils sont pourtant essentiels et proposeraient des solutions devenues salutaires. La conscience d’avoir des intérêts communs n’existe pas encore parmi les citoyens. Les médias et les politiques insistent plutôt sur les points de division, ce qui oppose, ce qui fait peur. Pourtant des mouvements citoyens, locaux régionaux ou nationaux naissent et donnent à voir un autre visage de la société : le réseau des villes en transition, les Colibris, Alternatiba, les Etats généraux du pouvoir citoyen… mais il faudra aller encore beaucoup plus loin avant de constituer une « force politique » au sens noble du terme.
Dans le film, vous évoquez un fossé entre vous et vos amis que vous retrouvez après l’un de vos voyages. Ils ont du mal à comprendre le changement soudain qui vous habite. Quelles sont désormais les réactions autour de vous après visionnage du film ?
Au niveau de nos proches, il y a beaucoup de curiosité mêlée d’étonnement : « Comment se fait-il que leur film de vacance intéresse autant de monde ! ».
Par rapport aux années 2008-2010 où le projet est né, les mentalités sont plus ouvertes vis à vis des thèmes abordés dans le film, donc naturellement, et le succès aidant, les gens qui nous croyaient illuminés se mettent à penser que des choses changent et qu’il faut parfois s’ouvrir à de nouvelles idées. On a récupéré certains amis !
Vers la fin du long métrage, Satish Kumar, directeur des programmes du Schumacker college, vous livre ce conseil : « en quittant l’Université, ne cherchez pas un emploi, créez-en un. » Après ce long voyage extérieur et intérieur et la sortie de ce film, êtes-vous sur la voie de créer le vôtre ?
Cette citation inspire énormément la jeunesse en recherche de neuf et de logiques vertueuses. Elle n’est pas arrivée à la fin du film par hasard ! A notre niveau, nous allons continuer à œuvrer avec l’association Kamea Meah pour accompagner d’autres films et d’autres réalisateurs, pourquoi pas jusqu’à des sortie en salles de films hors circuit. Quand à savoir si ce sera notre seul emploi ce n’est pas sûr.. La curiosité nous pousse à vouloir multiplier les expériences. Marc travaille par exemple avec les Colibris. Ce qui est certain c’est que la sortie du film, fruit d’un long travail de 4 ans et demi ouvre à un nouveau cycle et à de nouvelles opportunités.
Marc avoue dans le film avoir « reformaté son disque dur ». Quels sont vos prochains défis ? Allez-vous refaire de nouveaux projets ensemble ?
A ce jour, un peu submergé par tout ce que le film provoque sur les territoires, nous n’avons pas encore fixé le prochain cap outre l’accompagnement des projets des autres. On va se laisser un peu de temps pour sentir ce qui pourrait suivre.
Retrouvez toutes les informations sur le film sur http://enquetedesens-lefilm.com/
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