Alors que 12 millions d’élèves font leur rentrée chaque année en France, garantir une qualité de l’air favorable à la santé des enfants au sein des établissements scolaires apparait comme un enjeu de santé publique majeur. Pourtant, plusieurs études confirment la présence de nombreux polluants ainsi qu’un mauvais renouvellement de l’air dans les salles de classe. Le 30 janvier dernier, l’office de Santé publique France (SPF) enfonçait le clou : environ 30 000 cas d’asthme infantiles et 12 000 cas de « sifflement », soit un rétrécissement des voies respiratoires, sont, chaque année, causés par ces conditions sanitaires déplorables.
L’effet considérable de la qualité de l’air intérieur (QAI) sur la santé humaine n’est plus à démontrer, chaque individu passant en moyenne 90 % de son temps dans des espaces clos. A fortiori, certains groupes au sein de la population se montrent particulièrement sensibles à la qualité de l’air qu’ils respirent.
Les enfants particulièrement sensibles aux polluants
C’est le cas notamment des enfants, qui inhalent un plus grand volume d’air proportionnellement à leur poids et présentent des systèmes immunitaires et respiratoires encore immatures. En raison de cette sensibilité accrue, « l’exposition des enfants à la pollution de l’air a fait l’objet d’un intérêt croissant ces dernières années », relève l’office de Santé publique France (SPF) dans son nouveau rapport sur l’impact de la pollution de l’air dans et autour des établissements scolaires.
Si l’organisme de santé nationale s’est particulièrement intéressée au cadre scolaire dans le cadre de cette étude, c’est parce que les environnements scolaires constituent pour les enfants le deuxième milieu intérieur le plus fréquenté, après leur logement.
Les écoles en première ligne
« Or la qualité de l’air de ces lieux de vie peut être influencée par les sources d’émissions classiques des environnements intérieurs mais aussi par des paramètres plus spécifiques des salles de classe, telle que la densité d’élèves ou de mobilier dans la pièce ou les substances issues des fournitures scolaires », explique Marion Hulin, en charge de la thématique Qualité des environnements intérieurs au sein de la Direction Santé Environnement Travail et co-autrice du rapport.
« De nombreuses études ont ainsi mis en évidence que la QAI des bâtiments scolaires pouvait avoir des répercussions sur la santé des élèves ainsi que sur leur apprentissage », Marion Hulin.
Publié le 30 janvier dernier, le rapport permet pour la première fois de disposer d’une estimation de l’impact sanitaire de l’exposition à deux polluants présents au sein des écoles française : les moisissures et le formaldéhyde, trouvé notamment dans des produits de bricolage, d’entretien, dans des revêtements de murs, de sols ou de meubles.
Des dizaines de milliers de cas évitables chaque année
« Ces travaux inédits permettent d’estimer que plusieurs dizaines de milliers de cas d’asthme chez les enfants seraient évitables chaque année en France via une réduction des expositions », alertent les chercheurs. Plus précisément, près de 30 000 cas d’asthme seraient ainsi évitables chaque année chez les élèves de 6 à 11 ans par une réduction des expositions au formaldéhyde, via des actions d’aération-ventilation de l’air notamment, et près de 12 000 cas de « sifflements » en éradiquant la présence des moisissures visibles dans les salles de classes.
Au vu de ces résultats alarmants, l’office de Santé publique pointe l’importance « de poursuivre les actions d’amélioration de la qualité de l’air au sein des établissements scolaires », que ce soit en réduisant les sources d’exposition mais aussi par l’amélioration du renouvellement de l’air des salles de classes, qui constitue un outil simple et pourtant majeur dans l’amélioration des conditions respiratoires des élèves. L’étude montre en effet « l’intérêt, sur un plan sanitaire, d’aérer les salles de classe pour diminuer l’exposition aux polluants de l’air intérieur, geste qui avait été également rappelé comme essentiel en milieu scolaire lors de l’épidémie de COVID ».
Repenser les classes et changer les pratiques
Les auteurs du rapport préconisent également « l’intégration de critères sanitaires et environnementaux dans le choix des matériaux, meubles ou fournitures scolaires utilisés dans les salles de classe ». Une mesure qui participerait sans aucun doute à limiter l’exposition au formaldéhyde ou à d’autres composés organiques volatils. En outre, l’entretien des systèmes de ventilation et l’aménagement des salles de classe peuvent aussi jouer un rôle. Enfin, le rapport rappelle l’intérêt d’une surveillance réglementaire de la qualité de l’air au sein des établissements scolaires.
« Des travaux complémentaires sont en cours pour évaluer si des déclinaisons locales de ces évaluations sont possibles », expliquent finalement les chercheurs, qui espèrent fournir aux collectivités des estimations plus fines des impacts de ces polluants dans le courant de l’année.
Des actions locales pour un enjeu national
En effet, les solutions énoncées pour faire fléchir la courbe des maladies respiratoires infantiles s’inscrivent en particulier à une échelle locale, qui « nécessitent la prise en compte de ces enjeux de manière coordonnée entre les différents acteurs et notamment les collectivités territoriales et le ministère de l’Éducation nationale ». Les collectivités territoriales sont notamment chargées du bâti scolaire, mais aussi des occupants des locaux d’enseignement, rappellent les auteurs du rapport.
À l’avenir, l’équipe s’intéressera également à l’impact du trafic routier dans et à proximité des établissements scolaires, particulièrement en milieu urbain. Ces données permettront de compléter les recommandations de l’office de santé publique et d’appeler une nouvelle fois les pouvoirs publics à une action urgente pour protéger la santé des plus jeunes citoyens.
– Lou A.
Photo de couverture : Kelly Sikkema. Unsplash