Pour la première fois, une évaluation générale de l’état de santé des quelques 25 000 espèces de champignons sur l’Hexagone a été réalisée. Le risque de disparition de chacune d’elles a été évalué, dressant ainsi la première Liste rouge des espèces fongiques menacées de France. Alors qu’aucune espèce fongique n’est protégée sur le territoire, 9% des champignons à chapeau s’avèrent déjà menacés d’extinction.

Menée en coopération avec l’Office français de la biodiversité (OFB), le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et le soutien de nombreux mycologues amateurs et professionnels, l’analyse parue le 3 avril dernier dresse un constat sans appel : près de 9 % des bolets, lactaires et tricholomes pourraient disparaître si aucune mesure de conservation n’est mise en œuvre. Actuellement, aucune espèce fongique n’est encore protégée dans l’Hexagone.

12 espèces rares de champignons ont été placées sur la liste rouge des espèces menacées par le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) – Source photo : Pixabay

Bolets, Lactaires et Tricholomes en danger

En effet, parmi les 319 espèces recensées dans ces trois groupes sur le territoire hexagonal, « 12 espèces sont menacées comme Le Bolet rubis, le Lactaire des saules réticulés et le Tricholome équestre des chênes, tandis que 16 autres apparaissent quasi menacées », détaille l’étude. Ces trois espèces de champignons, dites « à chapeau », sont composées d’une partie souterraine filamenteuse, le mycélium, et d’une partie extérieure portant le chapeau, qui contient les spores leur permettant de se reproduire.

« Les bolets, les lactaires et les tricholomes s’observent principalement en forêt et parfois en milieu ouvert, des plaines côtières jusqu’en haute montagne »

Elles ont la particularité d’établir un lien privilégié avec les arbres qui les entourent, constituant un élément fondamental de l’écosystème forestier : « nombre d’entre eux vivent en symbiose avec des arbres, qui leur apportent des sucres issus de la photosynthèse et reçoivent en retour de l’eau et des éléments nutritifs ».

Malgré leur rôle essentiel, de nombreuses espèces sont dangereusement menacées d’extinction. Parmi elles, le Lactaire des saules réticulés apparaît « en danger critique », alors que le Bolet de plomb, le Bolet rubis et le Lactaire jaunissant boréal sont classés « en danger » et que le Bolet rose pastel, le Lactaire mamelonné des tourbières et le Tricholome équestre des chênes se trouvent être « vulnérables ».

Les champignons ne sont pas à l’abri du danger

Diverses pressions pèsent en effet sur ces espèces, la première d’entre elles étant la destruction et la dégradation de leurs habitats naturels. Les experts pointent notamment du doigt la sylviculture intensive, entrainant l’abattage des vieux arbres et les coupes rases. De manière générale, « des pratiques de gestion forestière inadaptées, remplaçant par exemple les chênes indigènes par des pins, conduisent notamment le Bolet rose pastel, une espèce de chênaie, à se trouver lui aussi vulnérable ».

Les champignons sont principalement menacés par la disparition ou la dégradation de leur habitat naturel. En cause : les activités anthropiques. – Source photo : Pixabay

Les champignons d’altitude sont quant à eux directement affectés par l’expansion urbaine en montagne, particulièrement par les infrastructures touristiques comme les stations de ski et les installations de remontées mécaniques. « C’est le cas du Lactaire des saules réticulés qui se voit classé « en danger critique » et du Lactaire nain alpin ». D’autres espèces pâtissent également de l’augmentation des aménagements récréatifs en montagne, comme l’ouverture de pistes de VTT.

À titre d’exemple, le Lactaire jaune et lilas n’avait été aperçu que dans deux stations : l’une en bordure d’une tourbière dans le Jura et l’autre au bord d’un ruisselet dans les Alpes.

« Malgré des prospections régulières, le champignon n’a pas été revu dans cette seconde station, suivie depuis 1988, après le terrassement d’une station de ski en 2000 », regrettent les chercheurs.

Un état de lieux très préoccupant

Le changement climatique constitue une menace majeure supplémentaire, entraînant notamment la déshydratation des habitats des espèces vivant dans des environnements frais et humides, ainsi qu’une augmentation de la fréquence des tempêtes, des sécheresses et des incendies pour les espèces forestières. « D’autres pressions comme le drainage et le remblaiement des zones humides, l’épandage d’engrais et de fongicides ou le pâturage intensif affectent aussi ces espèces », conclut finalement l’étude. Une menace directement exercées par l’agro-industrie.

Source : « La Liste rouge des espèces menacées en France – Champignons de France métropolitaine : bolets, lactaires et tricholomes », UICN.

Si les chiffres avancés sont déjà préoccupants pour les espèces fongiques du territoire, il y a fort à parier qu’ils soient pourtant largement sous-estimés : l’état des lieux révèle un manque d’informations pour 25 % des champignons évalués, qui se voient dès lors classés dans la catégorie des « données insuffisantes ». « Cette situation encourage le développement de prospections de terrain et l’amélioration des informations disponibles, car si seuls 3,8 % des champignons apparaissent aujourd’hui menacés, ce pourcentage devrait augmenter lorsque les connaissances auront progressé pour préciser leur état de conservation », espèrent les auteurs.

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Ces derniers alertent sur l’importance de réaliser périodiquement un état des lieux rigoureux des espèces fongiques de France car, malgré les menaces qui s’exercent sur leurs habitats naturels, aucune espèce de champignons ne fait à ce jour l’objet d’un programme de conservation dédié ou de mesures spécifiques de protection.

« L’état des lieux souligne en particulier l’importance de la lutte contre le changement climatique et de la préservation des milieux naturels, notamment forestiers, pour sauvegarder la diversité des espèces et le patrimoine mycologique de notre territoire ».

– Lou A.


Photo de couverture de cottonbro studio

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