« Gabegie financière, aberration écologique, déni démocratique » : voilà ce que représente la candidature des Alpes du Sud pour l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver en 2030, selon le collectif No JO. Ce dernier exige la tenue d’un référendum, dans un contexte où les Alpes sont particulièrement affectées par le réchauffement climatique : la hausse de température moyenne y est environ deux fois plus élevée que sur la surface du globe. Tribune.

Créé en mars 2023, le collectif No JO regroupe des militants mobilisés à travers toute la France, mais aussi dans des pays limitrophes. Face au désastre financier, social et environnemental que constituent ces jeux d’hiver, plusieurs pays ont d’ores et déjà renoncé à leur organisation sur leur territoire.

En outre, cette candidature pour un évènement financé par l’argent du contribuable, décidée par Renaud Muselier, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, est profondément antidémocratique au vu de l’opposition à laquelle elle est sujette. Cette fuite en avant quant à la perpétuation de loisirs d’un autre temps, inscrits dans un modèle de société totalement dépassé, a conduit le collectif No JO a écrire une tribune que nous relayons ici.

@No JO

Qui sommes-nous ?

De simples habitant·es et associations des Alpes du Nord et du Sud qui nous opposons à la candidature des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) pour l’organisation des Jeux Olympiques (JO) d’hiver en 2030. Contrairement à ce qu’en pensent nos élus régionaux, départementaux et locaux, nous sommes d’une grande diversité et nous venons de tous bords.

Pourquoi sommes-nous opposés à cette candidature ?

C’est une candidature faite dans l’urgence, décidée par nos présidents de régions sans consultation des citoyens. D’autres que nous ont déjà refusé l’organisation des JO sur leur sol. En 2022 l’Espagne (Barcelone/Pyrénées) se retire de la course à l’organisation, en raison d’une forte opposition de citoyens qui ne veulent plus que l’argent public soit jeté par les fenêtres. La même année, Vancouver (Canada), qui organisa les JO d’hiver en 2010, s’est vue désavouée par la Province de Colombie-Britannique du fait des coûts exorbitants à engager.

En 2023, Sapporo (Japon) renonce aussi. Les scandales de corruption entourant les JO de Tokyo 2020, une opinion lassée des dépenses exorbitantes et de l’inflation des coûts prévisionnels ont eu raison du projet. Salt Lake City (organisatrice en 2002) envisage de repousser sa candidature pour 2034 afin de ne pas concurrencer les JO 2028 de Los Angeles.

Face à cette déferlante d’abandons, le Comité international olympique (CIO), en quête d’une ville hôte, a dû revoir son agenda et raccourcir le délai d’attribution. La Suisse (qui abrite le CIO), après 48 candidatures infructueuses rejetées par référendum, la Suède, 8 fois candidate pour 8 échecs et pour finir, les Alpes françaises, ont vu là une opportunité pour se positionner.

Cette candidature dans l’urgence ne peut être que bâclée, surcoûts et dérives financières à la clé, alors que l’on vient de nous demander de travailler deux années supplémentaires en repoussant l’âge de la retraite à 64 ans.

« 15 jours de fête, 15 ans de dettes »

Le coût des JO d’hiver s’élève à plusieurs milliards. En cas d’annulation, le CIO demande aux États organisateurs de verser une garantie et de prendre en charge l’ensemble des surcoûts. Les JO n’ont jamais été rentables. Beaucoup des infrastructures sportives ne seront plus utilisées, à cause de leur spécificité et de l’évolution prévisible des conditions climatiques après 2030. Tout cet argent aura été investi pour 15 jours d’événements sportifs.

Nous nous opposons aussi à cette candidature pour les risques de clientélisme et de corruption qu’elle comporte. L’appel d’offre pour l’élaboration du dossier de pré-candidature (350 000 euros) lancé au printemps 2022 par Renaud Muselier, président de la région PACA a déjà fait l’objet d’un dépôt de plainte pour favoritisme et trafic d’influences. Cette plainte, déposée en août 2023, sera instruite par le Parquet National Financier.

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@No JO

Le président Muselier se comporte en despote et seul propriétaire de l’argent de nos impôts : Il a déclaré à La Provence le 14/10/2023 que « si on a les Jeux, tout sera concentré sur les Jeux… Ceux qui n’en veulent pas, n’auront rien ». Nous savons que des appels téléphoniques ont été passés aux maires du 05 (Hautes-Alpes) par des élus départementaux et régionaux afin de les contraindre à donner un avis favorable aux JO sous peine de perdre le soutien financier de la Région.

Par ailleurs, pouvons-nous faire confiance à nos élus sur la bonne gestion des dépenses publiques ? Prenons comme exemple désastreux, les centaines de millions déversés dans l’urgence, cette fois-ci justifiée, pour la reconstruction des vallées suite à la tempête Alex. Réhabilitation qui fait l’objet aujourd’hui d’un gel et d’une enquête du fait de travaux payés non réalisés ou d’ouvrages aberrants réalisés sans contrôle. Ne devrait-on pas s’alarmer ?

Une totale aberration dans un contexte de crise écologique

Faut-il aussi rappeler les engagements de la France en matière de climat à l’horizon 2030 ? La température augmente deux fois plus vite dans nos montagnes qu’ailleurs en France, et nous subissons chaque année les effets du changement climatique, que nous soyons agriculteurs, employés de station, guides, hébergeurs, etc.

Renaud Muselier nous parle de dameuses à hydrogène, de panneaux photovoltaïques dans les stations. Nous lui parlons des milliers de spectateurs qui viendront en avion et en voiture, et des centaines d’hectares de terres agricoles si précieuses qui vont mourir sous le béton. Sans parler de la ressource en eau détournée pour alimenter les canons à neige. Cette eau provient de nos glaciers, et ils fondent à vue d’œil.

Pour nos présidents de régions, les JO permettraient le développement d’infrastructures au bénéfice de tous, comme le train par exemple. Le train est une compétence des régions et depuis des années nos lignes se meurent : les guichets ferment, les prix des billets augmentent, le personnel diminue, les créneaux horaires disparaissent. Si nos régions voulaient que le train, transport d’avenir face au dérèglement climatique, se porte mieux, elles auraient pu investir massivement dans le ferroviaire, JO ou non, depuis longtemps. Des travaux d’une telle envergure ne pourront être achevés avant 2030.

Une candidature vectrice d’inégalités

Les JO vont provoquer une compétition entre les stations de ski des Alpes. Les grandes stations avec une altitude et une exposition favorable à l’enneigement, déjà bien équipées, dont l’accès est facile et la fréquentation importante, seront privilégiées. Les plus petites, qui ont besoin d’appui et d’aide financière pour se réinventer, se diversifier, seront délaissées, ainsi que leurs populations.

La bascule dans les années 60 d’une économie vivrière vers un système économique basé sur le loisir et le tourisme a transformé le visage de nos montagnes. Ce système atteint aujourd’hui ses limites, environnementales et sociales : inflation des loyers et de l’immobilier, destruction des terres agricoles et des milieux naturels montagnards pour des projets immobiliers et de nouvelles infrastructures pour accueillir l’afflux toujours plus important de touristes, et cela au seul profit de 10% de la population, qui peut s’offrir des vacances au ski.

Renaud Muselier et Laurent Wauquiez @No JO

L’avenir passe désormais par un tourisme raisonné. Continuer à miser sur l’industrie du ski et des grands événements est un mauvais calcul pour les générations futures car c’est miser notre avenir sur des activités vouées à disparaître. Pour maintenir l’attractivité de la montagne, il faut, au contraire, la préserver de la bétonisation, se soucier de sa pérennité et valoriser ses usages vertueux (agriculture, pastoralisme, artisanat, construction durable, etc.).

Les investissements colossaux prévus pour les JO doivent être réorientés. Nous pourrions même anticiper d’ores et déjà une année sans neige (car oui, cela arrivera) et commencer à constituer une caisse de solidarité climatique pour les habitant·es et les saisonniers qui se retrouveront en difficulté. Tout cela vaudrait bien mieux que d’entretenir à grands frais une piste de bobsleigh sous utilisée une fois les compétitions terminées.

Image libre de droits / PxHere

Nous ne pouvons pas sacrifier la survie de nos territoires aux ambitions politiques personnelles de nos présidents de région soutenus par le président de la République. Le CIO vend du prestige et de la renommée internationale, les acheter à n’importe quel prix ne peut répondre aux besoins des populations.

Nous réclamons un référendum national concernant la candidature des Alpes françaises aux JO d’hiver 2030. Le CIO lui-même exhorte, par la voix de son vice-président John Coates, les pays candidats à le faire pour éviter un désistement au dernier moment.

Nous sommes tous engagés pour la défense de notre magnifique territoire que Renaud Muselier et Laurent Wauquiez veulent transformer en parc d’attractions. Nous défendons la beauté de nos « pays » et la possibilité pour tous d’y vivre. Nous invitons, tous les citoyens, organisations environnementales, scientifiques, politiques et syndicales, particulièrement ceux des Alpes, à s’opposer clairement à cette candidature, au gaspillage de l’argent public et à la catastrophe environnementale inévitable qu’elle implique.

Pour en savoir plus : https://no-jo.fr
Pour signer la pétition : https://chng.it/5kN2Mf9DZ8
Page Facebook « Non aux J.O dans les Alpes » : https://www.facebook.com/NonjoAlpes
Pour soutenir financièrement le collectif No JO : https://www.helloasso.com/associations/rouge-durance/formulaires/3

Signataires de la tribune :
NO JO 05
Les Escartons Autrement Briançonnais
Adieu Glacier 05
Vercors Citoyens
Résilience Montagne
La Montagne qui donne, en Vie
Vigilance Mercantour
Eric Adamkiewicz
Dynamique Citoyenne des Baous (DCB) 06
Terre Bleue 06
Lionel Daudet
Collectif Ubaye-Haut Verdon
Comité local 05 Soulèvements de la Terre
Comité local 73 soulèvements de la Terre
Comité local 74 Soulèvements de la Terre
Attac 05
XR 05
EELV 05
EELV Pays de Savoie (73/74)
EELV 04
Chez les Croquignards
Collectif CALME Briançon
La Grave Autrement
XR Grenoble
XR Montblanc
XR Chambéry
MNLE PACA
MNLE National
Collectif Soupes et Bobines
ANB (Association Nationale pour la Biodiversité)
Étienne Davodeau, auteur de bande dessinée
Valérie Paumier, présidente fondatrice de Résilience Montagne
AESVC Cervières
Mountain Wilderness
SAPN-FNE 05
Rémy Servais, réalisateur film « La poudre aux yeux »
T’es rien sans la Terre, Artistes engagé.e.s pour l’environnement
Marie Pochon, députée EELV Drôme
Thomas Brail – Fondateur et Co-président du GNSA, grimpeur-arboriste, auteur du livre « L’Homme qui sauvait des arbres »
Association de Concertation et de Proposition pour l’Aménagement et les Transports – Thonon Haute Savoie
Briançon Citoyenne
Philippe Bourdeau – Enseignant-chercheur, Institut de Géographie Alpine de l’Université Grenoble-Alpes
Catherine Rainaudo association environnementale Roya Expansion Nature (REN)
Guillaume Gontard, Sénateur Isère – président du groupe écologiste, solidarité et territoires au Sénat
Jean-François Coulomme, député LFI-NUPES de la Savoie
Manuel Bompard, député LFI-NUPES des Bouches-du-Rhône
Andrée Taurinya, députée LFI-NUPES de la Loire
DAL 38 Droit Au Logement Isère
Alternatiba/ANV-COP 21 Grenoble
Alternatiba/ANV-COP21 Vallée de l’Arve
ANV-COP 21 Marseille
Les Amis de la Confédération Paysanne 05
La Confédération Paysanne 05
Monêtier Notre Village – Monêtier les Bains 05
Mr Mondialisation – Think tank informel et citoyen francophone à visée internationale
Confédération Paysanne Région AURA
FNE France Nature Environnement 65
Stéphanie Bodet – championne du monde d’Escalade et Ecrivaine


Photo de couverture : @No JO

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