L’exploitation de lapins angoras pour leur laine est une pratique méconnue mais particulièrement cruelle. Enfermés et isolés dans des petites cages, leur calvaire dure de longues années, rythmées par des séances d’épilation douloureuses. Après deux enquêtes menées dans plusieurs élevages, l’association One Voice est à l’origine de multiples actions, auprès du public mais aussi de la justice. De son côté, Peta France a également lancé une campagne dénonçant cette filière et appelant les entreprises à cesser leur utilisation de l’angora. Aujourd’hui, devant le silence et l’inaction des autorités et des firmes du secteur, One Voice lance une campagne qui encourage chacun à dénoncer cette exploitation déplorable.
L’angora désigne un type de poils chez plusieurs espèces comme la chèvre, le lapin ou encore le mouton. Dans l’industrie textile, cette matière provient presque exclusivement des lapins du même nom. Au total, 9 000 tonnes de poils seraient commercialisées chaque année dans le monde, en majorité par la Chine qui concentre 90% de la production. En 2013, une enquête de PeTA, qui avait diffusé des vidéos filmées dans les exploitations chinoises, révélait l’étendue de l’horreur. Les lapins se font tout simplement arracher leurs poils à vif tous les trois mois. La plupart d’entre eux ne survivent pas longtemps : ils succombent à leurs blessures après un ou deux ans.
Deux enquêtes menées en France
Si la situation en Chine est donc particulièrement grave, les élevages européens sont loin d’être des modèles en la matière. En septembre 2016, l’enquête menée par l’association One Voice dans 6 élevages en France dévoilait le sort des lapins, qui n’y est guère meilleur qu’en Chine. Depuis 1995, One Voice agit en France et dans le monde pour le respect de la vie sous toutes ses formes et dénonce l’exploitation animale et ses conséquences pour les individus concernés, pour la planète et pour les humains. Ses campagnes s’appuient notamment sur le travail d’investigation de ses enquêteurs.
Ceux-ci ont à nouveau infiltré les exploitations en 2018 pour publier une deuxième série d’images en 2018, qui montrent que rien n’a changé dans les exploitations depuis le scandale largement médiatisé, et ce malgré les campagnes de lobbying et sensibilisation de One Voice. Le secteur français de l’angora, après une forte croissance, est passé de 2 000 élevages dans les années 1980, à moins d’une centaine aujourd’hui. Mais si le nombre de ces structures, qui exploitent de quelques dizaines à plusieurs centaines de lapins angoras, a diminué, elles demeurent sources d’une grande souffrance pour ces animaux.
Des conditions de détention déplorables
Sociaux et joueurs dans leur environnement naturel, les lapins vivent en groupes de 5 à 7 individus en moyenne, qui se regroupent en colonies pour veiller et défendre leur territoire contre les prédateurs. Dans les élevages visités, les enquêteurs de One Voice ont constaté une réalité bien différente, et des conditions de vie plus que sommaires. En dehors des mères qui sont accompagnées de leurs petits, l’intégralité des lapins sont isolés dans de petites cages au plafond très bas, qui ne leur permettent qu’une mobilité extrêmement limitée. La vie des lapins dans ces exploitations se réduit donc à dormir, boire et manger, quand ils ne sont pas affamés en vue de l’épilation.
S’ils ne meurent que rarement de leurs blessures dans les élevages français, la longévité des lapins reste limitée. Elle est en effet déterminée par la production de poils, qui dépend fortement de leur âge. En général, ils sont considérés comme exploitables jusqu’à 6 ou 7 ans, du moins pour les femelles. Car les mâles, qui produisent moins de laine, sont éliminés dès que le sexe est identifié, à la naissance ou après quelques mois d’existence. Certains d’entre eux sont tout de même conservés pour la reproduction. Si les mâles en trop sont parfois mangés, la plupart des lapins indésirables sont exécutés, bien souvent par un coup de bâton derrière la tête, tandis que les plus jeunes lapereaux seraient tout simplement violemment jetés par terre, d’après les propos recueillis par les enquêteurs de One Voice.
L’épilation, une pratique cruelle
Si les conditions de vie des lapins dans les élevages français sont donc particulièrement déplorables, la pratique la plus douloureuse demeure l’épilation, appelée aussi « peignage » et réalisée trois à quatre fois par an. Précédée d’un jeûne forcé de plusieurs jours, la séance dure en moyenne entre 20 et 45 minutes par lapin, à l’issue desquelles ils sont quasiment nus. De retour dans leurs cages sommairement isolées, de nombreux lapins succombent dès lors à un choc thermique ou tombent malades. Pour récolter les poils, plusieurs méthodes existent. Dans chacune d’entre elles, le lapin est totalement conscient.
Lors de la plus courante, l’épilation sur table, le lapin est immobilisé, le corps étiré sur une table en bois, attaché par une patte avant et une patte arrière. Cette position à elle-seule génère un stress immense pour les lapins, animaux de proie instinctivement prompts à s’enfuir. Empoignés par la peau du cou ou du ventre, par une patte ou même la tête, leurs poils sont arrachés par poignées, parfois accompagnés de lambeaux de peaux. Les enquêteurs de One Voice ont observé (et filmé) les lapins pousser des hurlements qui percent les tympans, particulièrement interpellant chez des animaux qui n’utilisent leur voix pour communiquer qu’en cas de grand danger.
Faire pression sur les entreprises
À la suite de ses enquêtes, One Voice a attaqué le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation devant le Conseil d’État, pour refus implicite d’interdire la pratique d’épilation des lapins angoras. « Par nos enquêtes, la sensibilisation du public et nos procédures, nous n’aurons de cesse de défendre les lapins angoras. Eux aussi ont droit à autre chose qu’une misérable vie de souffrance et de stress » estime Muriel Arnal, fondatrice de One Voice. Malheureusement, le Conseil d’État a décidé de maintenir la légalité de l’exploitation des lapins angoras. Devant cette décision qu’elle juge insensée, l’association a donc décidé de déposer plainte auprès de la Cour européenne de justice.
Outre les actions de justice, il importe aussi de faire pression sur les entreprises du textile qui continuent d’acheter de l’angora produit dans ces conditions. En effet, si de plus en plus de grandes marques se détournent de cette matière, certaines firmes maintiennent son utilisation dans la confection des vêtements. C’est notamment le cas de l’entreprise française American Vintage, qui revendique pourtant une philosophie basée sur l’essentiel, le naturel, la finesse et le bien-être. Une campagne de Peta France appelle d’ailleurs la firme à cesser d’utiliser l’angora. Celle-ci a réagi en publiant une déclaration évoquant des audits et des contrôles de ses fournisseurs chinois. Les associations de défense se sont bien entendu insurgées de cette réaction, estimant que l’« angora éthique » n’existe pas.
Aujourd’hui, constatant que la France persiste à soutenir de telles industries basées sur la souffrance animale industrialisée, One Voice appelle chacun à « soutenir la campagne de Peta France et à contacter American Vintage pour leur demander de renoncer à entretenir cette filière de l’horreur ». Un site de campagne a été lancé, avec le hashtag de campagne #StopAngora pour les réseaux sociaux. Entre les conditions de détention déplorables des lapins, les pratiques douloureuses d’épilation et leur fin de vie, les arguments ne manquent pas pour dénoncer cette industrie.