Auteur de Comment tout va s’effondrer (Les liens qui libèrent, 2018) et président de l’association Wings of the Ocean, Julien Wosnitza s’affaire depuis plusieurs mois à un projet hors du commun, l’appareillage d’un voilier pour dépolluer les mers. Découverte inspirante.
Julien Wosnitza n’en a pas fini avec la mer. Son engagement pendant un an en tant que matelot auprès de Sea Shepherd avait grandement inspiré son livre, Comment tout va s’effondrer, en écho à Comment tout peut s’effondrer (Seuil, 2015) de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. La sortie de son livre lui avait même valu de faire le tour des plateaux télé. Désormais, il repart en mer, cette fois à la voile, dans une mission de dépollution océanique à vocation scientifique et afin de rappeler l’indispensable lutte contre la dispersion du plastique dans l’environnement.
Un navire-école pour dépolluer les océans
À bord du Kraken, trois mats de 47 mètres de long construit en 1974, l’équipage composé de 14 membres, « tous des marins certifiés », accompagnés de 24 écovolontaires s’est élancé depuis la France vers Lisbonne, avant, d’ici quelques semaines, de prendre la route de Madère, les îles Canaries et les Açores. La traversée à la voile de l’Atlantique leur prendra pas moins de trois semaines. « Les écovolontaires se forment non seulement à la voile, explique Julien Wosnitza, mais participent aussi aux diverses missions de dépollution. »
Car c’est bien la dépollution qui est au centre du projet. « On va dépolluer en mer ainsi que sur les plages et s’arranger avec les municipalités des villes côtières qui ont la capacité de récupérer ces déchets », développe le président de Wings of the Ocean. Grâce à un chalut de surface adapté avec des boudins à la récupération des déchets, les plastiques et autres polluants sont capturés lorsque le bateau se déplace à faible vitesse. « Le problème c’est que les animaux consomment ce plastique et s’intoxiquent », rappelle le jeune homme.
Afin de pousser la logique plus loin, Wings of the Ocean s’est associé AstroLabe Expeditions, eux-mêmes en partenariat avec le CNRS, afin de mener des études scientifiques et comprendre l’interaction entre le plastique et le plancton. AstroLabe Expeditions détermine les protocoles qui sont appliqués par l’intermédiaire d’un scientifique à bord du bateau, ce qui permettra peut-être de faire avancer la recherche dans le domaine.
Plastique : une pollution mondiale
En 2018, plusieurs études témoignaient de l’ampleur inédite de la pollution des océans, aucune eau du globe terrestre n’étant épargnée. Ainsi, jusqu’à 12.000 particules plastiques par litre ont été observées dans les glaces de l’Océan Arctique. L’année passe, le WWF publiait également un rapport montrant que le plastique représentait à lui seul 95 % des déchets sur les plages et en surface de la mer Méditerranée. Ces pollutions participent aux dérèglements des écosystèmes marins et menacent la faune et la flore. Souvent, les animaux confondent les déchets avec leur nourriture et les ingurgitent, conduisant à leur mort par asphyxie ou remplissage de leur estomac.
En haute mer, l’une des manifestations les plus remarquables de ces pollutions est la formation de gyres, c’est-à-dire des lieux dans les mers où s’agglutinent les plastiques. L’essentiel de ces pollutions est charrié par les fleuves et les cours d’eau. Rien que pour l’année 2015, on estime que 9 millions de tonnes de plastique ont été déversées dans les mers et océans depuis les continents. Bref, l’équipe du Kraken a du pain sur la planche…
Néanmoins, tous ont conscience que, bien que l’action directe d’urgence et l’étude soit nécessaire sur le terrain, seul un véritable changement de cap institutionnel pourra sauver nos océans. C’est à dire, imposer des directives strictes et internationales radicales aux industriels et particuliers afin que cette dramatique pollution cesse à sa source. Mais ceux qui détiennent les clés de l’ère fossile dans laquelle nous vivons ne semblent pas pressés d’activer ce changement : le plastique dérivé du pétrole étant plus rentable que jamais.
Après plusieurs mois de galères administratives afin de faire reconnaître le bateau et pouvoir naviguer légalement, Julien Wosnitza souffle un peu. Mais désormais, il doit engager l’achat de nouvelles voiles qui peuvent supporter les vents de haute mer. Pour mener ce projet à bien, il organise actuellement une campagne de financement participatif.
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