Un nouveau rapport alarme sur le sort des loups en Europe, et plus particulièrement en France où les pratiques de prédation à l’encontre de l’espèce sont en nette augmentation sous l’impulsion du monde politique. D’après les naturalistes ayant suivi plusieurs meutes dans les Alpes et Préalpes françaises, si rien n’est fait, le taux annuel de mortalité toutes causes confondues de ce grand prédateur sera bientôt supérieur à 50%. En l’absence de mesures majeures pour sauver l’espèce, la population des loups de France s’effondrera dans les prochaines années.

C’est le Groupe PP Alpes qui donne l’alerte. Cette structure privée et autonome à caractère scientifique est composée d’une vingtaine de naturalistes bénévoles qui ont suivi 26 meutes réparties sur 7 départements situés à l’Est du Rhône, représentant ainsi un peu plus d’un quart des meutes françaises. Après plusieurs mois de recherches et de suivi, ils proposent collectivement une synthèse de leur travail qui met en lumière le quotidien de ces canidés dont les habitudes de vie sont encore peu connues. Ainsi, le Groupe PP Alpes a permis de chiffrer la taille des meutes observées, hors louveteaux de l’année, qui se composent en moyenne de 3,2 individus, sans jamais dépasser 6 loups. Le nombre moyen de louveteaux observés entre juin et décembre est de 5,2 et va jusqu’à maximum 9 petits. La période de mise bas a pu être également approchée pour 6 meutes et dans tous les cas elle se situe au mois de mai.

Selon le rapport, 4 meutes, soit 15 % des effectifs, ont ainsi fait l’objet de tirs dérogatoires létaux et tous ont été particulièrement meurtriers. – Pixabay

Un effondrement de la population de loups à prévoir dans les prochaines années

Si ces détails permettent de mieux comprendre le comportement de cet animal qui a toujours fasciné l’Homme, d’autres observations attirent l’attention sur un phénomène inquiétant pour sa survie. Au delà de la taille des meutes et du nombre de petits, le collectif de chercheurs a en effet également tenté d’étudier le taux de persécution subi par chaque groupe d’animaux. 4 meutes, soit 15 % des effectifs, ont ainsi fait l’objet de tirs dérogatoires létaux et tous ont été particulièrement meurtriers. 20 % des groupes observés ne se sont pas reproduits en 2020, du fait de tirs dérogatoires et/ou de braconnage possible ou fortement suspecté. Une approche chiffrée de la réalité du braconnage en France en 2020 fournit un taux de mortalité annuel compris entre 15 et 20 % (87 à 116 loups victimes, annuellement, d’actes de braconnage) soit un niveau équivalent au taux d’abattage annuel légal.

Si on extrapole de tels résultats à l’ensemble des meutes vivant sur le territoire, on doit s’attendre à court-terme à un taux annuel de mortalité, toutes causes confondues, dépassant les 50%. « Dans ces conditions, si ce taux se confirme et en l’absence d’un effet source-puits exceptionnellement puissant, on ne voit pas comment la population des loups de France pourrait échapper à un effondrement », déplorent les auteurs du rapport. Suite à ces conclusions alarmantes présentées par le Dr Rogier Mathieu, coordinateur du Groupe de recherche et également membre de l’Alliance des Opposants à la Chasse, le Président de l’AOC a envoyé un courrier à Mme Barbara Pompili, Ministre de l’écologie.

Le loup était omniprésent sur le territoire français avant la Révolution de 1789. – Pixabay

Le loup déjà exterminé par les Hommes dans le passé

Car tout comme l’ours polaire aujourd’hui triste symbole du réchauffement climatique, le loup est synonyme pour beaucoup du phénomène de réensauvagement des espaces naturels et de la lutte pour un respect des écosystèmes. Si sa population actuelle demeure en-dessous des 600 individus, alors que certaines estimations avancent plus de 10 000 à 20 000 loups vivant en France à la fin du XVIIIe siècle, le loup oppose avec passion ses détracteurs, pour la plupart issus du milieu agricole, et ses défendeurs, souvent écologistes convaincus du bien-fait du retour de ce prédateur dans nos contrées, depuis quelques années.

En effet, alors que le loup était omniprésent sur le territoire français avant la Révolution de 1789, la conjoncture de plusieurs facteurs ont conduit à son éradication forcée. Ainsi, la pression démographique, la libéralisation du droit de chasser, l’étalement urbain, les progrès techniques sur les armes à feu et l’augmentation du montant des primes à l’abattage n’ont laissé que très peu de chances de survie à cette espèce, expose ainsi le Dr Roger Mathieu dans un rapport datant de novembre 2020.

Un retour naturel et progressif, mais encore fragile

C’est seulement à la fin du XXe siècle que toutes les conditions sont réunies pour un retour naturel timide du loup dans les Alpes françaises : diminution de la pression agricole due à l’exode rural, augmentation importante des effectifs d’ongulés qui constituent la base de l’alimentation du canidé ainsi que la reforestation des Alpes française et la protection légale de l’espèce. Contrairement aux idées reçues, le loup n’a donc pas été réintroduit en France, mais est revenu spontanément depuis les massifs italiens, les frontières humaines étant illusoires. « En novembre 1992, deux gardiens du Parc National du Mercantour observent des loups au cours d’une opération de recensement des ongulés sauvages. Cette date marquera le retour officiel de l’espèce sur le territoire national », se réjouissent les auteurs du rapport.

Les loups sont majoritairement présents dans les Alpes et Préalpes françaises. – Pixabay

Malheureusement, même si le loup est protégé par la Convention de Berne depuis 1979 et possède ainsi le titre d’espèce « strictement protégée » , un arrêté national du 7 juin 2010 prévoit d’accorder des dérogations aux préfets sous certaines conditions. Chaque année, un nombre de loups pouvant être abattus est ainsi plafonné par l’État français. Ce dernier est passé de quarante-trois loups – plafond fixé par l’État le 21 décembre 2018 – à  plus d’une centaine de loups en 2021 ! Le nombre de loups tué ne cesse d’augmenter.

Une protection de l’espèce vitale pour sa survie

Et pourtant, la survie de l’espèce en France n’est toujours pas acquise, même si le nombre « brut » d’individus augmente toujours pour le moment. S’alliant aux associations, même certains organismes publics reconnaissent la fragilité de la situation. Ainsi, l’Office Français pour la Biodiversité (ex ONCFS) et le CNRS alertent sur la « dégradation de la dynamique de la population » de loups, une population en croissance qui passe à une population stable, constatant ainsi une baisse de survie de l’espèce dans une note technique édifiante.

C’est pourquoi il est encore essentiel de protéger cette espèce aujourd’hui et de prendre en compte les études, trop peu nombreuses, réalisées sur la questions de sa prédation. Car si les causes de mort du loup sont multiples et diverses, nombreuses sont issues de l’activité humaine, comme la chasse, la circulation routière ou encore la protection des élevages… Ainsi, si le loup représente pour certains un intrus à éliminer par sa mise à mort, il semble important de ne pas reproduire les erreurs du passé et d’apprendre à vivre avec. Quand l’être humain cessera d’appréhender son environnement en se positionnant en tant que sur-espèce parmi les autres, développant ainsi une vision anthropocentrée de la Nature, il tentera alors peut-être sincèrement d’apprendre à vivre avec et dans son écosystème.

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L.A.

Sources :

https://www.ferus.fr/actualite/mortalite-des-loups-2021

https://www.ferus.fr/actualite/lofb-et-le-cnrs-alertent-sur-la-baisse-de-la-population-de-loups

https://www.aspas-nature.org/campagnes/protection/connaissance-et-protection-des-loups/

https://alliance.opposantschasse.org/wp-content/uploads/2020/11/LES-LOUPS-DE-FRANCE-nov-2020.pdf

https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/

https://alliance.opposantschasse.org/wp-content/uploads/2020/11/LES-LOUPS-DE-FRANCE-nov-2020.pdf

https://alliance.opposantschasse.org/wp-content/uploads/2021/06/Suivi-26-meutes-de-loups.pdf

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