Préparez votre sac à vomi. Vous voyez Disney comme un temple de la consommation ? Autant dire que vous n’avez rien vu. Dites bonjour à Kidzania, un parc d’attraction destiné à « éduquer » les enfants à produire et à consommer les grandes marques.
En 1999, un entrepreneur mexicain va avoir une idée « de génie » si on en croit certains journaux. Recréer des petites villes pour les enfants où il leur serait possible de travailler, de gagner de l’argent et d’acheter des objets. En prétextant vouloir éduquer dans un cadre réaliste, le projet va vite laisser envahir ses espaces par des multinationales bien connues. Pas de petits indépendants, pas de projets écologiques, pas d’artistes, bienvenue dans le Meilleur des Mondes modèle réduit.
Avec un slogan très humble : « Soyez prêts pour un monde meilleur ! » (oui fallait oser), Kidzania propose aux enfants de 4 à 14 ans d’apprendre différentes carrières. Non, ne cherchez pas, vous ne trouverez pas l’attraction « libre penseur » « environnementaliste » ou « permaculture » … le projet est clairement axé sur le couplet croissance, production et consommation, donnant pour seul choix l’employabilité au service de supermarchés, de banques et de grandes entreprises.
La soumission aux multinationales qui bousillent la planète et aliènent l’humain au travail, c’est trop cool !
La majorité des attractions du parc sont donc sponsorisées par des grandes marques. DHL pour les livraisons, Renault pour le garage, Samsung pour la technique, H&M au rayon vêtement, le temps de cerveau prépubère disponible reviendra au plus offrant. Avec un pareil business-plan, le groupe qui compte déjà 16 parcs est loin de faire faillite. À titre de comparaison, Euro Disney était endetté à hauteur d’1 milliard d’euros en janvier 2014, malgré leurs nombreux visiteurs. Kidzania offre à ses investisseurs une accès direct à l’esprit des enfants, manipulant le concept d’éducation pour mieux transmettre des messages publicitaires.
Évidemment, pour maintenir la confusion sur les intentions ouvertement corporatistes du projet, le parc offre également l’option, entre le Mcdo et l’usine Kinder, de devenir pompier ou docteur pour sauver des vies.
L’argent, l’outil pédagogique du parc
Car nous savons tous qu’il n’y a que le Dieu argent pour « changer » le monde, les enfants reçoivent, en échange de leur activité, une monnaie utilisable dans l’enceinte du parc. Si l’enfant accumule trop de liquide, il peut investir dans une carte bancaire. De quoi donner le gout du capital dès l’âge de 4 ans.
Bien qu’elles existent, inutile de déballer ici les multiples études sur la fabrique du consentement pour comprendre que le ciblage des enfants au plus jeune âge est un investissement de long terme juteux pour les corporations. En effet, si les plus grandes entreprises mondiales investissent de l’argent dans ces jeux d’apparences didactiques, c’est car elles savent que d’ici 20 ans, elles seront toujours sur le marché et ces enfants seront leurs clients.
Ce type de parc s’implante généralement à l’intérieur d’un méga-centre-commercial. Objectif : laisser les enfants se faire éduquer par des entreprises pendant que les parents consomment les produits de ces mêmes entreprises juste à coté. La boucle est bouclée.
L’idée débarque en Europe
Un nouveau Kidzania vient tout juste d’ouvrir ses portes à Londres. On s’attend à d’autres ouvertures en Europe dans les années qui viennent. On pourrait reprocher au concept de faire l’apologie d’une certain libéralisme, mais c’est bien au delà de ça. La liberté d’entreprise n’y est pas vraiment représentée, pas plus que la liberté syndicale ou le rapport de force entre travail et capital. Le parc ne demande pas aux enfants d’être innovants, créatifs ou libres. Ce que Kdzania propose, c’est un monde bouclé dès l’origine, où le choix se limite à la soumission, contre salaire, à des monopoles rigides. La notion même de la communauté est dissoute et l’individu est seul face au système. Oui, c’est l’illustration parfaite des dictatures modernes envisagées et craintes autant par les intellectuels que par les grands auteurs d’anticipation.
Joel Cadbury, le directeur du parc fraichement ouvert, tient d’ailleurs le couplet travailliste désormais bien connu : « On leur enseigne les valeurs de la vraie vie. Il s’agit d’apprendre aux enfants de la prochaine génération que rien ne tombe du ciel » … Entendu. Vous ne bossez pas pour une multinationale et vous ne consommez pas ses produits ? Alors vous n’êtes pas dans la vraie vie !
https://www.youtube.com/watch?v=d5nqx6LXRzs
Source : lefigaro.fr / Francetvinfo