16 années de recherche médicale ont poussé le docteur Robert Lustig, pédiatre et endocrinologue au résultat accablant : aux doses que nous consommons en occident, le sucre est un poison, facteur d’obésité et de diabète de type 2, au point de devenir un enjeu de santé public. Son livre « Sucre, l’amère vérité », qui est l’aboutissement de cette enquête, est désormais disponible en France.
Bonbons, pâtes à tartiner, pizzas, pain à toaster, sauce tomate, jus, sodas, céréales : le sucre, s’il reste souvent caché, est omniprésent dans notre alimentation. Aux États-Unis, constate le docteur Lustig, « notre consommation de fructose a doublé au cours des trente dernières années, et elle a été multipliée par six durant le siècle dernier. La réponse au problème mondial qui est l’obésité ne peut être fournie que par la compréhension des causes et des effets de ce bouleversement alimentaire ». La France n’est pas en reste : de 5 kilos par an et par personne en 1850, la consommation de sucre est passée à 35 kilos par an est par personne aujourd’hui.
Du « poison ordinaire » dans nos assiettes ?
Pourtant, « le sucre nous tue à petit feu » en nous rendant malade, affirme sans détour le docteur Lustig, qui estime que ce nutriment pose un problème de santé à l’échelle mondiale, alors que pour la première fois, des études suggèrent que l’espérance de vie des générations actuelles est en train de stagner, voire de baisser. Son livre propose ainsi de renouveler notre regard à propos de l’alimentation moderne profondément déséquilibrée et des causes de l’obésité. Alors que les graisses avaient longtemps été pointées du doigt, les affirmations du Docteur Lustig ont eu l’effet d’une bombe outre-Atlantique, où le sucre est omniprésent dans l’alimentation. Parmi tous les sucres, ce serait le fructose qui est le principal responsable, car « il est inévitablement, métabolisé en graisse ».
Mais pourquoi à dose trop élevées (plus de 10 % des apports en calories quotidiens) le sucre est-il si dangereux ? Les recherches présentées dans le livre permettent de mettre à jour les différents mécanismes biologiques à l’œuvre. D’une part, plusieurs éléments suggèrent que le sucre aurait un effet addictif, notamment parce qu’il stimule les circuits de la récompense dans le cerveau et qu’il est donc associé au plaisir. D’autre part, la consommation de sucre à des effets immédiats sur l’hypothalamus et freine le sentiment de satiété. Ainsi, lorsque nous mangeons sucré, nous avons tendance à manger bien plus de calories que nécessaire. Alors que les besoins réels moyens se situent autour de 2000 calories, aux États-Unis, un consommateur moyen en ingère 3200. Ce surplus de calories, peu intéressantes par ailleurs d’un point de vue nutritionnel (on parle de calories « vides »), accentue les risques d’obésité, de diabète de type 2, mais aussi de maladies cardio-vasculaires.
Un phénomène de société
Mais le scandale n’en serait peut être pas un si les choses s’arrêtaient là : il suffirait à chacun de réduire fortement la part de sucre dans son l’alimentation. Mais le sucre se trouve désormais partout et les individus sont habitués à manger trop sucré depuis leur enfance. Face à des industriels qui misent tous sur les produits transformés, le problème dépasse largement la sphère individuelle. Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-même : d’ici 2050, l’obésité sera la norme aux États-Unis. Les lobbies, eux, se sont acharnés depuis des années pour que cette réalité scientifique ne soit pas trop médiatisée.
En s’attaquant au sucre, le Docteur Lustig pointe donc l’ensemble du système alimentaire globalisé ainsi que les dérives commerciales qui le touchent. « La nourriture, note-t-il, est bien plus qu’une nécessité : c’est une marchandise, et cette marchandise a été reformulée pour devenir addictive ». Par facilité, confort et prix, les plats « ultra-transformés », ont littéralement envahi notre quotidien, et ce n’est pas seulement la « fast-food » qui est en cause, mais également de très nombreux produits de la grande distribution, y compris en France, comme le pointait récemment l’ingénieur agronome Anthony Fardet, selon qui « les faux aliments ont colonisés jusqu’à 50% de nos supermarchés ». Et malgré les multiples alertes, les derniers rapports à propos des habitudes alimentaires des Français ne sont pas bons, ils continuent à manger toujours plus de sucre. Mais désormais, nous savons où se trouve l’un des principaux ennemis de notre santé. Du moins, pour ceux qui tiennent vraiment à vivre dans de bonnes conditions aussi longtemps que faire se peut.
Sucre, l’amère vérité de Robert Lustig est publié aux Editions Thierry Souccar au prix de 19,90 euros.
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