Les chercheurs de la compagnie chinoise Sifang viennent de dévoiler le premier tram propulsé par une pile à hydrogène. Un effort remarqué dans un pays particulièrement touché par la pollution. Mais peut-on considérer l’engin comme non-polluant ?
Un tram zéro-impact ?
Nul ne l’ignore, la Chine rencontre des problèmes environnementaux colossaux. Plusieurs fois par ans, le taux de particules dangereuses dans certains grandes villes crève le plafond des barèmes internationaux. La cause, une industrie qui repose principalement sur les énergies fossiles dont le charbon. Les particules rejetées par les industries sont régulièrement portées par les vents vers les villes ce qui entraine parfois la formation d’un smog.
Le premier Tramway dont le combustible est exclusivement l’hydrogène est ainsi présenté comme une solution révolutionnaire pour lutter contre la pollution, celui-ci ne rejetant que de l’eau et rien d’autre. L’engin peut parcourir environ 100 kilomètres avec une seule recharge et transporter jusqu’à 380 personnes à une vitesse de 70 Km/h. Trois minutes suffisent pour le recharger pleinement.
« Il n’y a donc aucun impact sur l’environnement » affirme plusieurs sites dont Science Alert. Tous les médias s’accordent à dire que le fait est remarquable à la vue de ces seules informations. La solution serait miraculeuse au point de n’émettre aucune pollution. Cette présentation idéaliste est à modérer au risque de sombrer dans les filets du greenwashing.
Un coût environnemental déplacé, mais pas supprimé
Une question devrait nous sauter aux yeux. Comment l’hydrogène si « propre » est-il produit ? L’hydrogène n’est pas exploité directement dans l’environnement. Celui-ci est fabriqué entièrement par un procédé industriel nécessitant des quantités colossales d’énergie, plus que l’énergie restituée par la pile. L’hydrogène est en effet produit à partir d’une source telle que le nucléaire, le charbon, le pétrole et dans de rares cas, les énergies renouvelables. D’un point de vue global, la problématique est donc strictement la même : quelle source d’énergie vais-je choisir pour remplir ma pile ? Considérant que la Chine continue d’exploiter le charbon comme source première d’énergie, malgré des efforts reconnus, ce tram est pratiquement alimenté directement par les centrales à charbon qui sont responsables des problèmes que le tram est supposé combattre.
Image : scmp.com
La pile à hydrogène sert ici de « transporteur » d’énergie, comme le ferait votre batterie d’ordinateur ou les piles de votre lecteur mp3 qui, eux aussi, n’émettent pas localement de CO2. Le véritable intérêt d’un tram propulsé par l’hydrogène réside ainsi dans le déplacement géographique de la pollution engendrée, pas dans son extinction. En effet, localement, le véhicule ne rejette que de la vapeur d’eau, ce qui élimine les particules polluantes à proximité des utilisateurs. Mais loin de la ville, les usines tournent à plein régime pour recharger les piles, avec un rendement qui engendre des pertes inévitables.
Ce constat éludé par les médias signifie que l’hydrogène ne peut se présenter comme alternatif propre si et seulement si la source d’énergie qui sert à le produire est véritablement propre (éolien, solaire, géothermique,..), ce qui n’est pas le cas à ce jour. L’hydrogène est donc bien à l’origine d’une pollution similaire (rien ne se perd, rien ne se crée), mais délocalisée du consommateur. En conclusion, on ne peut prétendre régler les problèmes d’environnement sans conserver une vision globale des solutions envisagées. En l’occurrence, l’hydrogène ne trouvera un réel intérêt global que dans un monde post-carbone, produit exclusivement par une énergie propre.
La vérité se trouvant généralement à mi-chemin entre les extrêmes, on peut considérer que ce tram à hydrogène est à la fois un signal très positif de changement et un rappel fort que la problématique centrale réside dans les modes de production d’énergie.
Plus de détails sur notre article : « La voiture à hydrogène : miracle ou mirage vert ? »
Source : slate.fr