Vous n’avez pas pu manquer cette information. Toyota et d’autres lancent la voiture « écologique » qui rejette uniquement de l’eau ! Elle fonctionne à l’hydrogène qui, grâce à une réaction chimique, produit de l’électricité. Les médias sont unanimes, c’est magnifique, futuriste, incroyable. Comme beaucoup, en découvrant ce miracle technologique, vous aurez eu la même réaction que nous : qu’est-ce que ça cache ?

Oui, il est désormais possible d’acquérir une voiture à hydrogène qui ne rejette que de l’eau pour un peu plus de 50 000 euros. Sa pile à combustible n’émet ni polluant, ni CO2 quand elle roule. De plus, la recharge ne prend que quelques minutes. L’autonomie de la Mirai avoisine les 480 kilomètres et on parle déjà de 700km pour les nouveaux modèles, de quoi largement rivaliser avec l’électrique. Mais derrière ce rêve technologique annoncé, que se cache-t-il ? Voici de quoi alimenter une vision moins fantasmagorique de la voiture à hydrogène.

Produire de l’énergie coute de l’énergie

Vous vous souvenez de ce slogan « emprunter de l’argent coute de l’argent » ? C’est la même idée pour l’hydrogène qui n’est pas isolé dans l’environnement. Il existe quelques puits à la surface de la terre d’un mélange de gaz dont il sera possible d’extraite l’hydrogène mais c’est loin d’être faisable à la lumière de notre technologie. De fait, produire de l’énergie est très coûteux en… énergie. Produire l’hydrogène nécessite une source d’énergie en amont car il n’existe pas de source d’hydrogène. Il faut donc la produire de manière industrielle. Synthèse de l’hydrogène, séchage du gaz, stockage, vaporisation, rendement des réactions électrochimiques de la pile, circulation des fluides, régulation thermique, maintenance, récupération du platine, toutes les étapes de l’utilisation / production de la matière conduisent à un rendement relativement faible.

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Image : Hummer à Hydrogène

Par ailleurs, selon l’Institut français du pétrole, 96 % de l’hydrogène est aujourd’hui produit à partir d’énergie fossile (pétrole, gaz naturel et charbon), ce qui révèle un bilan carbone très mitigé. Ainsi, certains observateurs ont calculé que le remplacement du carburant des véhicules à moteur par de l’hydrogène demanderait la production annuelle de 136 millions de tonnes d’hydrogène uniquement aux USA (Nuclear Energy Agency) sur base d’un rendement de 75% des électrolyseurs. En effet, une tonne d’hydrogène nécessiterait selon eux 52.000 kWh d’électricité pour sa production. 7.100 TWh de courant seraient nécessaires, soit plus de neuf fois la production d’électricité nucléaire du pays. 900 réacteurs nucléaire de 1.000 MW devraient être construits pour satisfaire la demande en hydrogène des transports pour environ 145.000 tonnes d’uranium. Peut-on vraiment envisager une telle production de manière durable ?

Cependant, les promoteurs de l’hydrogène assurent qu’il est possible de diviser par deux les émissions de CO2, notamment grâce aux piles à combustible de dernière génération.

La problématique des très hautes pressions

Au delà du risque d’explosion (inexistant selon les constructeurs), de par ses spécificités physiques, l’hydrogène nécessitera un approvisionnement des stations par camion. En toute logique, impossible de le transporter par « cable » ou pipe-line contrairement à une autre source. Un rapport de la CGSP précise que le prix de l’hydrogène à la pompe serait 2 à 3 fois plus cher qu’un plein habituel. 150 euros pour un plein d’hydrogène produit en amont avec du nucléaire ou du pétrole ? Ceci s’explique par le cout considérable d’infrastructures de distribution à la technologie complexe.

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fonctionnement PACIllustration : PSA Peugeot

L’enjeu, la liberté citoyenne ?

Qu’est-ce que ça implique ? Une complexification technologique telle qu’elle représente un enjeu énorme pour de nombreux industriels de l’énergie et une opportunité de créer une nouvelle relation de dépendance à long terme des consommateurs envers ceux qui détiennent la Technique. Impossible de recharger sa voiture pour zéro euro avec votre éolienne de maison ou vos panneaux solaires. Il faudra obligatoirement passer par un grand producteur comme il est aujourd’hui obligatoire de se fournir chez Total, Shell et Exxon tout en condamnant leurs actes.

Une telle logique est diamétralement opposée à toute tentative de dépendance ou d’autonomie relative. Est-il alors réactionnaire ou « frileux » d’émettre des doutes sur les fonds de cette technologie ? Libre au lecteur de forger sa propre opinion.

Si la voiture électrique classique permet cette liberté partielle (il faut tout de même produire la voiture), la question du recyclage des batteries au lithium reste problématique (sauf innovation dans le secteur carbone).

Conclusion

En France, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective estime que l’hydrogène n’est pas en mesure de rivaliser avec ses concurrents en l’état de la technique.

«L’hydrogène bénéficie actuellement d’un engouement médiatique sans rapport avec les perspectives réalistes d’avenir. Si tous les maillons d’une chaîne hydrogène ont fait la preuve de leur viabilité technique (…) le véhicule à hydrogène ne semble pas en mesure de concurrencer ses équivalents thermique ou électrique avant des années, voire des décennies»

Il faut cependant reconnaitre les avantages de la voiture à hydrogène. Elle ne rejette aucun polluant localement et sa production centralisée permettra de contenir une partie du CO2. Même s’il s’agit concrètement de déplacer la pollution loin des yeux, l’intérêt sanitaire est majeur pour la qualité de l’air en ville et donc la santé de ses habitants. Notons également qu’il existe des projets marginaux, notamment en Allemagne, de stations productrices d’hydrogène avec le l’énergie solaire et éolienne.

Les plus « radicaux » (réalistes?) estiment que l’avenir du véhicule n’est pas à la voiture individuelle mais à des systèmes plus complexes de transports collectifs. Bien que de nouvelles technologies soient souhaitables, la course à la croissance de la productivité ne semble pas être en phase avec le respect de l’environnement… Affaire à suivre.


Sources : Le Monde.fr / 01net / brezzcar / futura24 / carfree.fr / largus.fr

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